La Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo, siégeant pour la première fois en matière pénale, a renvoyé lundi 21 août au 4 septembre la cause Augustin Matata Ponyo et consorts. Absents au procès, Matata et le Sudafricain Glober Kristo Stephanus qui s’étaient fait representer par une floppée d’avocats, sont donc attendus par la plus haute juridiction congolaise pour répondre d’une prévention de détournement de plus de 200 millions USD de deniers publics destinés au projet du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, situé dans la province du Kwango à 240 Km de Kinshasa.
«La cause est contradictoire à l’égard du prévenu Mutombo Mwana Nyembo Deogratias (gouverneur de la banque centrale du Congo à l’époque des faits Ndlr) et la procédure sera relancée en ce qui concerne Matata Ponyo Mapon et Glober Kristo Stephanus. La cause est remise au 4 Septembre», a déclaré le président de la Cour constitutionnelle Dieudonné Kamuleta au cours de cette audience d‘ouverture, en attendant, a-t-il précisé, la régularisation des dossiers de l’ancien 1er ministre et de l’homme d’affaires sud-africain. «Relancez la procédure en ce qui concerne le prévenu Glober Kristo Stephanus. Il a une adresse ici à Kinshasa, l’huissier instrumentant doit préciser à quelle adresse il s’est retrouvé. Pour le prévenu Matata Ponyo faites de même», a ordonné Kamuleta, soucieux de régulariser la procédure.
Les articles 57, 58, 60 et 61 du décret du 6 août 1959 portant code de procédure pénale exigent en effet qu’une citation à comparaître soit délivrée par un huissier de justice à l’adresse des prévenus, faute de quoi la procédure s’avérera irrégulière à leur endroit.
A cette audience introductive, la cour a certifié la seule identité du prévenu Deogratias Mutombo Mwana Nyembo.
Affaire à multiplesrebondissements
En novembre 2021, la Cour constitutionnelle s’était déclarée incompétente pour juger un ancien 1er ministre ayant quitté ses fonctions. Par la suite, la Cour de cassation avait pris le relais, et l’affaire avait été reportée deux fois avant de revenir à nouveau devant les juges constitutionnels compétents uniquement pour connaître les faits infractionnels commis par un président de la République et un 1er ministre. Le procureur général près la Cour constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo Nkokesha, avait émis, le 10 juillet 2023 à Kinshasa, un deuxième mandat de comparution à l’encontre du sénateur Augustin Matata Ponyo, ancien 1er ministre sous le régime de l’ex-président Joseph Kabila, le sommant de comparaître devant son office mercredi 12 juillet 2023 «pour y être entendu sur des faits infractionnels lui imputé. Nous lui faisons savoir que, faute de le faire, il y sera contraint conformément à la loi», pouvait-on lire dans ce mandat.
Dans son réquisitoire du 20 juin présenté au bureau du Sénat, la chambre haute du parlement étant en vacances, le procureur général Mutombo avait fait savoir que «des éléments nouveaux qui gisent au dossier de Matata sur l’affaire de la débâcle du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo».
Trois jours après, l’ancien 1er ministre Augustin Matata Ponyo avait déclaré qu’il «récusait» le procureur général Jean-Paul Mukolo, et le président du Sénat, Modeste Bahati, avant de déposer, vendredi 23 juin, des plaintes contre eux à la Cour de cassation.
Le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo a été créé en 2014, dans le cadre d’un partenariat public-privé entre le gouvernement et une société sud-africaine, Africom Commodities, sous le régime de l’ancien président Joseph Kabila.
Bukanga-Lonzo : un cas flagrant d’abus des biens sociaux
Ce parc situé dans la province du Kwango devait exploiter 80.000 hectares de terres pour la production de maïs et d’autres cultures vivrières destinées essentiellement à la ville province de Kinshasa et même à l’exportation.
Sept ans après son inauguration par Joseph Kabila, alors président de la République, le projet est non seulement considéré comme un véritable éléphant blanc.
Dans son rapport transmis à la justice à ce sujet, l’Inspection générale des finances (IGF) avait révélé que 285 millions USD, au total, ont été décaissés par le gouvernement et que de cette somme, au moins 205 millions USD se sont évaporés sans traces.
Pour les fins limiers de l’IGF, l’auteur intellectuel de cette forfaiture serait l’ancien 1er ministre Matata Ponyo.
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