L’affaire a fait grand bruit, après que des appréciations peu optimistes sur l’évolution des travaux infrastructurels des 9èmes Jeux de la francophonie prévus à Kinshasa du 28 juillet au 6 août 2023 aient circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux. A un mois du rendez-vous de Kinshasa, la capitale du plus grand pays francophone de la planète, la province canadienne du Québec a annoncé avec fracas le retrait de ses délégations d’athlètes et d’artistes des 9èmes jeux de la francophonie. Pour justifier cette rétractation partielle, le gouvernement québécois a avancé pêle-mêle des raisons sécuritaires, de santé et des retards dans les préparatifs, tout en affirmant se fonder sur des rapports d’une mission d’experts du Comité international des Jeux de la Francophonie et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) elle-même.
La décision annoncée par le gouvernement du Québec le 27 juin 2023 était pourtant attendue par les observateurs en raison du pessimisme affiché par les autorités de la province canadienne plusieurs mois auparavant. Dès novembre 2022, Caroline St-Hilaire, administratrice de l’OIF arguait déjà des défis logistiques, sanitaires et sécuritaires qui se poseraient en RDC pour justifier anticipativement un report ou une annulation possible des 9èmes jeux de la francophonie.
C’est également sans grande surprise que l’annonce de la réduction de la délégation de la Fédération Wallonie-Bruxelles aux jeux de Kinshasa a, elle aussi, été accueillie. Le cabinet du ministre régional en charge de la communauté française de Belgique, Pierre-Yves Jeholet, qui a rendu cette décision publique le 30 juin 2023, se serait appuyé quant à lui sur des rapports de l’Administration générale du Sport (AGS), de l’Administration générale de la culture (AGC) ainsi que sur ceux de Wallonie-Bruxelles International pour soutenir cette décision consistant à réduire la participation wallonne à une délégation d’artistes.
Retraits pour nuire ?
Le moins que l’on puisse dire à cet égard est qu’au niveau même de l’OIF, le choix porté sur Kinshasa par le Conseil permanent de la Francophonie (CPF), le 2 juillet 2019 n’était déjà pas du goût de l’ensemble de la cinquantaine d’Etats membres de l’organisation. On se rappelle ainsi qu’en réponse au premier appel à candidature lancé par le Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF), le 1er février 2015, ce sont la France (Guadeloupe), le Canada, le Nouveau-Brunswick (Moncton/Dieppe) et le Canada Québec (Sherbrooke) qui s’étaient portés candidats pour l’organisation de ces 9èmes jeux de la Francophonie.
Le 7 avril 2016, le CPF retint la candidature du Canada Nouveau-Brunswick pour accueillir la 9ème édition des jeux sur recommandation du Comité international des jeux de la Francophonie après que les représentants de 80 Etats et gouvernements de l’organisation eurent avalisé la candidature de la province canadienne. Mais trois ans après, en janvier 2019, l’OIF fut officiellement informée du désengagement des autorités canadiennes à Moncton-Dieppe en 2021.
Un nouvel appel à candidature pour l’organisation des jeux fut donc lancé aux 54 Etats membres de plein droit de l’OIF en mars 2021, permettant à la RDC de déposer sa candidature. Le 31 octobre 2019 fut signé le cahier de charges des 9èmes Jeux de la Francophonie de Kinshasa par le président du CIJF et le Comité national des Jeux de la Francophonie (CNJF) à l’occasion de la Conférence ministérielle de la Francophonie à Monaco. Mais en raison de l’état d’urgence sanitaire décrété par l’OMS du fait de la pandémie à Covid-19, les jeux furent reportés une première fois en avril 2020, puis une seconde fois en février 2022 avant d’être définitivement fixés à juillet 2023. Et de faire les frais de considérations qui s’apparentent à des pulsions néo-colonialistes, puisqu’à Kinshasa où les autorités ont mis les bouchées doubles pour se placer à la hauteur de l’événement sans renier les particularités locales et le gouvernement n’a eu de cesse de clamer qu’il serait prêt pour la tenue des Jeux à la date prévue.
Problèmes sécuritaires et sanitaires ?
Comme si les problèmes infrastructurels en voie de résolution ne suffisaient pas, Canadiens et Belges ont remis en exergue des problèmes sécuritaires et sanitaires qui n’étaient pas inconnus des décideurs de l’organisation au moment où ils avalisaient la candidature de la RDC.
Tout se passe donc comme si, au sein de l’OIF et dans la bienpensante ‘‘communauté internationale’’, certains se liguent pour empêcher le pays de Lumumba d’apparaître tel qu’il est en réalité : le plus grand pays francophone de la planète avec un destin politique, économique et culturel conformes à sa dimension continentale.
A quelques mois des scrutins présidentiel et législatifs prévus fin décembre 2023 en RDC, le désengagement tonitruant des provinces canadienne et belge (Québec et Wallonie) apparaît comme du pain béni pour certains médias proches de l’opposition politique qui ont assaisonné l’information à la sauce locale. Sur plus de 40 Etats et près de 3.000 compétiteurs attendus aux jeux de Kinshasa, le désistement partiel des délégations québécoise et wallonne a été présenté comme «un retrait massif des jeux» (sic !). Ce qui, même en supposant que ce sont 200 à 300 athlètes qui manqueront à la fête de Kinshasa, ne représente qu’une infime goutte d’eau dans l’océan de plus de 3.000 participants attendus à Kinshasa.
A l’évidence, l’information relative au «retrait massif» des jeux de la Francophonie à Kinshasa, relayée en boucle par nombre de médias et sur divers réseaux sociaux n’est qu’un troll qui révèle plus un espoir de voir ces jeux capoter qu’une réelle volonté d’informer l’opinion. Car, à la fête de la jeunesse francophone de Kinshasa prendront part, presque dans les mêmes proportions, sportifs et artistes. La hantise d’un succès attribuable au gouvernement de la majorité au pouvoir à moins d’un semestre de la présidentielle et des législatives explique ces exagérations, selon plusieurs observateurs.
J.N. AVEC LE MAXIMUM