BOSOLO NA POLITIK (BNP) : Mr Lambert Mende Omalanga, bonjour et bienvenue !
Lambert MENDE OMALANGA (LMO) : Bonjour et bonne fête de l’indépendance, cher ami.
BNP : 63 ans après, Comment pouvez-vous peindre le tableau de la politique congolaise à l’heure actuelle ?
LMO : Je dois dire que nous venons de très loin, à jeter un coup d’œil rétrospectif sur tout ce qui s’est passé depuis les années de l’indépendance jusqu’aujourd’hui, et en dépit de tout ce qui se profile à l’Est de la RDC, le fait que nous soyons à l’aube du 4ème cycle électoral à date qui est prévu pour fin décembre 2023 me donne à croire que nous n’avons pas des raisons de désespérer. J’ai l’impression qu’il y a plus de peur que mal.
BNP : Les pères de l’indépendance nous ont légué quoi qui est pérennisé aujourd’hui ?
LMO : Ce qu’ils nous ont légué d’abord, c’est l’idéal de l’émancipation, le fait que le pays appartient à son peuple. En peu de mots, je le défini par un seul mot : le souverainisme. Le fait que nous prenions des décisions qui concerne le devenir et l’avenir de notre pays ici dans ce pays, même si nous subissons naturellement des pressions exogènes de part et d’autre, mais que les décisions, in fine, sont prises par les filles et les fils de la RDC. Même si cela donne lieu.
BNP : Aujourd’hui, quand vous voyez le Congo démocratique, 63 ans après, les pères de l’indépendance peuvent-ils s’en réjouir ?
LMO : Je ne sais pas s’ils peuvent s’en réjouir ou s’ils peuvent déplorer ce qui se passe. Ce que je sais c’est que le cœur de la décision se trouve bien en RDC. J’ai dit que nous ne pouvons pas vivre en autarcie, aucun peuple ne le pourrait d’ailleurs, mais que finalement lorsque toutes ces pressions convergent vers les preneurs de décision, le fait que la décision finale appartienne à ceux qui ont reçu mandat du peuple congolais, pour le cas d’espèce en 2018, de se prononcer pour le peuple congolais sont les seuls à prendre la décision finale suffirait pour le bonheur de ses pères de l’indépendance. Encore que nous ne pouvons pas dire que nous soyons dans un paradis. Mais nous ne sommes pas dans un enfer non plus. IL y a des pays qui sont plus mal lotis que nous aujourd’hui en matière de souverainisme.
BNP : Avons-nous des leçons à recevoir de l’étranger sur la marche de notre démocratie. Je prends l’exemple de la France, de la Belgique qui fut notre colonisateur. Est-ce qu’on a une leçon à recevoir ?
LMO : Je suis un souverainiste. Le souverainisme consiste à refuser toute perspective de leçons à recevoir de qui que ce soit de l’extérieur. Des conseils, nous pouvons en recevoir. Des avis, nous en recevons, et des tonnes. Dieu saigt que chaque jour il pleut des avis sur ce qui doit être fait, sur ce qui se fait en RDC. Mais ce qui me fait plaisir, c’est qu’en fin de compte la décision appartient à ceux qui ont reçu mandat du peuple congolais de se prononcer en leur nom.
BNP : Est-ce qu’aujourd’hui, eu égard à tout ce qui se passe sur le plan sécuritaire, sur le plan électoral. Pouvons-nous être fiers de dire que nous sommes un pays indépendant ? Cette indépendance existe-t-elle réellement ?
LMO : Lorsque vous abordez le volet sécuritaire, je voudrais attirer votre attention sur un événement qui s’est déroulé il y a quelques jours, sur lequel vous n’avez peut-être pas encore eu le temps d’épiloguer : Notre principal agresseur, c’est-à-dire, le principal sujet de préoccupation sur notre pays aujourd’hui est à l’Est de notre pays, dans un petit pays qui s’appelle le Rwanda qui, jouant sur les complicités en Europe Occidentale, essaie depuis bientôt 3 décennies de nous créer tous les problèmes que nous connaissons à l’Est en termes de désolation, de morts, etc, vient d’essuyer une défaite retentissante en Grande Bretagne la cour d’appel qui avait pris une décision qui le confortait avec cet accord sur les réfugies entre le Gouvernement britannique et le Gouvernement rwandais, la même cour d’appel vient de revoir sa décision sur pression de la diplomatie congolaise et d’invalider sa décision en déclarant illégal cet accord entre Kagame et le gouvernement britannique sur la déportation de tous les candidats à l’asile au Royaume Uni vers le Rwanda qu’il voulait utiliser pour insécuriser davantage la RDC.
BNP : C’était quoi les dessous des cartes ?
LMO : Naturellement qu’il souhaitait avec les fonds qu’il aurait reçu de la Grande Bretagne comme rémunération à l’exécution de cet accord et avec la présence des réfugiés djihadistes qu’il aurait reçu, consolider les mouvements comme les ADF, le M23, pour déstabiliser davantage la RDC au profit des revendications territoriales qu’il a revendiqué au Bénin il y a quelques temps. Donc il faut que les Congolais saluent avec beaucoup de satisfaction ce revirement de la justice britannique qui vient de faire essuyer un échec retentissant à Paul Kagame.
BNP : Je reviens sur ma question : 63 ans après, est-ce que l’indépendance est effective ? Bon nombre de Congolais pensent que le pays n’est pas indépendant et que l’indépendance n’avait eu sa raison d’être parce que rien n’a marché. Sur le plan politique s’entend.
LMO : L’indépendance n’existe pas que de nom, elle est réelle. Nous subissons des pressions, naturellement. Puisque nous visons au milieu d’autres Etats eux aussi indépendants, qui ont eux aussi leurs intérêts nationaux qu’ils défendent tantôt de manière civilisée tantôt de manière peu civilisée comme le fait le Rwanda vis-à-vis de nous. Mais nous résistons. Pourquoi nous résistons ? Parce que nous nous concevons comme indépendants et que nous dirigeons les affaires de notre pays arcqueboutés sur cette conception que nous sommes indépendants et que nous pouvons bien sûr tenir compte des intérêts des autres, mais que les autres doivent tenir compte également de nos intérêts. Donc l’indépendance est réelle parce que ce sont nos dirigeants qui prennent des décisions en ce qui nous concerne. Même si ces décisions ne donnent n’aboutissent pas toujours pas lieu à des solutions miraculeuses. Après tout nous ne sommes pas au paradis.
BNP : Et sur le plan électoral ?
LMO : En ce qui concerne les élections, nous nous sommes donnés une constitution qui prévoit que tous les 5 ans nous devons repartir devant le corps électoral. Et chaque fois nous constatons qu’à l’approche de ces échéances, il se lève toujours des personnes manipulées à partir de l’extérieur qui essaient, soit de prolonger ce délais, soit d’y intégrer des éléments qui ne font pas partie de notre ratio legis pour nous faire agir en fonction des intérêts extérieurs.
Et je salue la résilience du président Félix-Antoine Tshisekedi qui essaie de faire le fait le dos rond face à toutes ces pressions et qui maintient ce cap. Je voudrais vraiment l’encourager à maintenir ce cap. On a dit qu’on doit avoir les élections tous les 5 ans, il faut que ces élections aient lieu tous les 5 ans. Nous ne disons pas ce sont les meilleures élections que nous aurons, nous ne disons pas que nous serons à l’abri des critiques, nous ne disons pas que tout ce que la centrale électorale fera trouvera une approbation unanime auprès de l’ensemble de la population. Mais dès lors que la majorité, puisque qui dit démocratie dit majorité. Et qui dit majorité sous-entend une minorité, il faut tout en prenant en compte les critiques qui viennent de l’opposition, exécuter ce que la majorité a décidé. Et la majorité veut que nous allions aux élections à la fin du mois de décembre. Et je salue la détermination du gouvernement et de la CENI à respecter cette volonté de la majorité.
BNP : « Nous ne voulons pas aller aux élections parce que l’Occident les qualifier de compromis à l’africaine », vous avez suivi les propos d’E. Macron de passage en RDC …
LMO : Ce sont les propos de Jean-Yves Le Drian qu’E. Macron a voulu soutenir. C’est une insulte. Ils nous ont insultés et je félicite Félix Tshisekedi d’avoir relevé le caractère inacceptable de cette insulte devant E. Macron, de ne pas s’être laissé aller à des ronronnements protocolaires pour faire plaisir à un visiteur qui vient venu vous insulter chez vous. Il lui a dit « votre ministre nous a insulté et je ne suis pas d’accord ».
«Si on s’accroche aux préalables subjectifs, on n’avance pas»
Et c’est comme ça qu’un leader indépendantiste doit s’exprimer.
BNP : Pourquoi aujourd’hui la RDC doit subir des pressions çà et là ?
LMO : Mais quel pays ne subit pas des pressions ? Même les USA subissent des pressions, pourtant c’est la puissance dominante dans le monde. Même la Chine subit des pressions des USA, pourtant c’est la seconde puissance mondiale ?…
BNP : Qui ne sont pas comparables à celles que nous subissons …
LMO : Je vous le dis parce que vous donnez l’impression de croire que lorsqu’on est indépendant, on est à l’abri des pressions. On doit subir des pressions parce que nous sommes dans un monde que nous avons en partage avec d’autres personnes. Nous avons des intérêts à nous, les autres ont des intérêts à eux. Il est normal qu’eux nous fassent subir des pressions, et nous de leur faire subir des pressions conformes à nos intérêts. L’essentiel est que nous ayons des dirigeants capables de résister à ces pressions-là. C’est ce que P.E. Lumumba a fait, c’est pourquoi je suis son disciple. Et c’est ce que je vois F.A. Tshisekedi essayer de faire, c’est pourquoi je souhaite l’encourager.

BNP : Processus électoral : vous pensez que les Congolais iront aux urnes parce que nous sommes dans un cycle électoral qu’il faut respecter ? Nous célébrons l’anniversaire de l’indépendance, mais qu’est –ce qu’il faut se donner comme leçon pour un processus apaisé, 63 ans après ?
LMO : Les préalables ont été listés dans un texte qu’on appelle la loi électorale. Ces préalables existent. Est-ce qu’ils sont accomplis ? Il faut me dire s’il y a un seul de ses préalables qui ne soit pas accompli. Le plus grand de ces préalables, c’est l’enregistrement des électeurs …
BNP : Mais quand l’opposition …
LMO : L’enregistrement des électeurs vient d’être terminé. 45 millions sur 49 millions attendus. Et la CENI vous explique pourquoi on n’a pas pu faire le 100 % des 49 millions, à cause de l’agression que nous subissons à l’Est. Et de toute façon, 45 millions sur 49 millions, en termes de %, nous sommes dans les 90 %. Il y a des pays qui ne vont pas jusqu’à 50 %. Ce préalable-là est accompli.
Le deuxième préalable, c’est la paix, c’est la sécurité. Mais pas une paix de cimetière. Bien sûr, les gens bougent ici et là. Bien sûr, nous sommes agressés sur deux provinces, l’Ituri et le Nord-Kivu, mais cela ne va pas nous empêcher de considérer que l’essentiel de la RDC, la plus grande partie du pays vit aujourd’hui en paix et que ce préalable-là est accompli.
Il y a d’autres préalables qui ont plus à voir avec les conditions de certains individus qui sont candidats à telle ou telle autre fonction dans la hiérarchie des pouvoirs, et qui, s’estimant incapables peut-être de gagner in fine les élections, ils essaient …
BNP : C’est leur droit légitime
LMO : C’est un droit légitime pour eux. Mais ils ne peuvent pas arrêter le cheminement de la majorité des Congolais, à cause de leurs intérêts, à cause de préalables qui sont plutôt subjectifs …. Je suis plus intéressé par les préalables objectifs qui sont dans la loi électorale et pas pour des opinions individuelles ou subjectives parce qu’il y en a 50 millions parce que nous sommes 50 millions d’adultes au Congo, je ne pense pas que si on prend les préalables subjectifs de chacun on puisse faire quelque chose. Il y en a qui vous diront qu’ils vont ce jour-là aller cultiver leurs champs et qu’il ne faut pas faire des élections ce jour-là, il faut en tenir compte… non. La loi a déjà déterminé une date. Nous devons aller à cette date-là aux élections.
BNP : Vous êtes un des rares gardiens historiques de ce pays parce que 1960, vous en avez une idée. Vous pouvez nous dire qui sont les vrais pères de l’indépendance ? ;
Vous assistez aujourd’hui aux attaques que se lancent l’église catholique et le gouvernement. Vous avez suivi les mots que le président de la République a adressés à l’église catholique à la faveur d’une fête de jubilé d’un évêque à Mbujimayi. Je vais vous lire les propos d’un évêque catholique, Mgr Fulgence Muteba de Lubumbashi, dans Jeune Afrique : « Félix Tshisekedi a intérêt à se libérer d’une part, de lobbys des pasteurs charlatans assoiffés d’argent et d’autre part, de courtisans de son ethnie ainsi que des fanatiques de l’UDPS ;
Quel a été le rôle de l’église catholique dans le processus de l’indépendance depuis 1960 ?
LMO : A votre première question relative aux pères de l’indépendance, vous avez eu la bonne idée d’afficher sur les murs de ce magnifique du studio, trois des photos de certains d’entre eux. Il y en a avec lesquels je n’ai d’atomes particulièrement crochus. Mais, du point de vue historique, ils ont participé à cette quête de notre émancipation. Je vois le président Joseph Kasavubu, je vois l’ancien 1er ministre Moïse Tshombe et je vois surdtokut mon maître, Patrice Lumumba, qui n’avaient pas tous le même idéal politique mais qui, lorsque le moment était venu de solliciter des Belges de lever le pied sur la RDC, s’étaient réunis pour obtenir cette indépendance. A côté d’eux il y en a beaucoup d’autres dont l’immortel Jeef Kallé parle dans sa chanson Indépendance Cha Cha. Il les cite nommément, donc tous ces gens sont les pères de l’indépendance. Ça c’est au niveau historique.
Aujourd’hui, en ce qui concerne les relations entre certaines confessions religieuses et le pouvoir qui est en place 63 ans après, je voudrais d’abord saluer l’appel à l’amour que le président Tshisekedi a lancé à Mbujimayi. Certains l’ont pris comme une attaque contre l’église catholique. Cela n’a pas été une attaque. Comment aurait-il attaqué l’église catholique alors qu’il s’est rendu à Mbujimayi à une fête catholique. C’est Mgr Kasanda qui l’a invité à son Jubilé. Je ne vois pas comment il pouvait s’en prendre à une église alors qu’il avait quitté le siège des institutions pour aller honorer une manifestation comme celle-là. Je crois que ce que le président a fait, c’était, en sa qualité de garant de l’unité nationale, de lancer une mise en garde contre une sorte de déviation, de dérive, c’est le mot qu’il a utilisé, de dérdive dangereuse de certains prélats qui s’amusent à opposer les Congolais les uns aux autres. Moi je suis catholique. Je suis dans l’union sacrée de Félix Tshisekedi. Mais en face de Félix Tshisekedi il y a une opposition. Dans l’opposition il y a des catholiques. Pourquoi est-ce que l’église catholique devrait m’opposer à mes frères qui sont dans l’opposition alors que l’église n’a pas la vocation de pouvoir discuter de ce dont nous discutons ici. Leur vocation, c’est d’unir toutes les brebis du Seigneur et de les amener sur la voie de l’évangélisation. S’ils veulent faire de la politique, la politique, c’est soit la majorité qui est au pouvoir, soit l’opposition qui font la politique. L’église est alignée parmi les principaux membres de la société civile. Elle n’a pas à faire de la politique. Et lorsque le président les exhorte à demeurer au milieu du village, il ne les menace pas. Il leur demande simplement de garder la place qui leur revient de par les lois qui régissent l’église.
Avant le président Tshisekedi, vous avez suivi le sermon de Mgr Ettore Balestrero, qui est l’ancien Nonce Apostolique, qui a donné un message du Pape à ces prélats, pour leur dire de ne pas se mêler de la politique politicienne. Ce n’est pas le rôle des évêques. Il leur a dit : si vous vous faites la politique politicienne, il n’y aura plus personne pour appeler les Congolais à suivre la voie de l’Evangile et notre rôle personne ne pourra le remplir. Donc le président Tshisekedi n’a fait que répéter ce message de sagesse du Nonce Apostolique c’est-à-dire, el message du Pape parce que le NOnce n’est que l’ambassadeur du Pape.
J’en viens maintenant à cette étonnante, surprenante, déclaration de Mgr Fulgence Muteba, l’archevêque de Lubumbashi, que je respecte beaucoup. Mgr l’archevêque de Lubumbashi se permet de cracher sur d’autres confessions religieuses en les qualifiant de charlatans.
Etymologiquement, le charlatan, c’est celui qui exploite la crédulité des autres pour se mettre en valeur. On a l’impression que c’est plutôt Mgr Muteba qui essaie d’exploiter la crédulité des Congolais en leur faisant croire qu’il n’existe de foi religieuse que celle à laquelle lui croit. Cela s’appelle du manichéisme idéologique : les autres c’est le diable et moi je suis le Saint. C’est une maladie. Le charlatan, c’est celui qui veut exploiter la crédulité du peuple congolais parce qu’il est archevêque, il peut se permettre d’insulter d’autres religions. Alors qu’en tant qu’archevêque, il est philosophe, il est théologien et je sais qu’à l’université catholique du Congo ici à Kinshasa, il existe même des cours sur les nouvelles religions, c’est dire qu’il y a un respect envers ses églises. Notre église catholique a beaucoup tiré de ces églises, il suffit d’observer le mouvement du renouveau charismatique, sur lesquelles Mgr Muteba crache aujourd’hui avec autant de facilités. Je suis déçu comme catholique. Ce n’est pas correct. C’est lui qui est charlatan parce qu’il veut s’asseoir, exploiter la crédulité publique parce qu’il est évêque. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons encourager chez ces princes de l’église.
Quant au rôle que l’église catholique a joué, j’étais enfant mais mon père me l’a raconté, il est décédé aujourd’hui, Paix à son âme. Lorsque Patrice Lumumba prêchait l’indépendance, parmi ceux qui l’ont combattu, il y avait des zélotes comme Mgr Muteba. Des gens qui venaient, vêtus de leurs soutanes pour dires aux fidèles de ne pas suivre le message émancipateur de Lumumba parce qu’il était communiste. Et que le communisme ça veut dire que votre vélo n’est plus votre vélo, votre maison n’est plus votre maison, elle appartient à tout le monde ; votre femme n’est plus votre femme, tout le monde peut sortir avec elle … Or tout le monde sait que ce n’est pas ça le communisme. Ils ont inventé des significations pour abuser de la crédulité qui n’avaient pas la formation qu’eux avaient. On a l’impression que les mêmes tares que nous pouvons reprocher à l’église de l’époque continue de caractériser le groupe des prélats contre lesquels le président Tshisekedi a fait sa mise en garde à Mbujimayi.
BNP : Est-ce que l’église catholique doit toujours avoir la mainmise sur la politique en RDC ?
LMO : Je ne vois pas ce qui pourrait justifier une telle mainmise parce que la constitution proclame la laïcité de l’Etat. Ni l’église catholique, ni les églises de réveil, ni l’église protestante … aucune de ces églises ne peut se prévaloir d’une mainmise quelconque. Pour avoir une mainmise sur le fonctionnement de l’Etat dans un pays démocratique, il faut recevoir un mandat. Et qui donne ce mandat ? C’est le peuple par la voie des élections.
Est-ce que ces évêques sont élus par le peuple congolais ? Ils sont nommés par un décret du Pape. Le Pape se lève un matin, il dit ce séminariste est excellent, je le nomme évêque. Voilà tout. Alors à partir de là vous vous prévalez d’avoir une mainmise sur nous qui sommes les élus du peuple, sur Tshisekedi qui est un élu du peuple… non. Ce n’est pas comme ça que cela doit se passer.
BNP : Est-ce qu’aujourd’hui l’église catholique doit jouer un rôle positif dans le cheminement électoral de la RDC ?
LMO : L’église doit jouer un rôle comme composante de la société civile. Il y a certainement des membres de l’église catholique qui jouent un rôle positif. Mais il existe un groupe au sein de cette église qui corrompt cette disposition-là. Et le Pape les avait mis en garde lorsqu’il est passé ici. Et le Nonce a répété la même leçon. Il est regrettable qu’ils refusent obstinément de suivre ce conseil avisé de la hiérarchie de l’église catholique. Et un de vos confrères a écrit, je l’ai lu sur les réseaux sociaux, qualifié les propos de ce quarteron de prélats de «propos financièrement motivés ». Voilà ce que je peux dire. C’est la corruption.
BNP : Ca, c’est très fort …
LMO : Que ce soit fort ou pas, je m’en fiche. Je suis catholique, j’ai le droit de juger les pères de l’église. J’assume mes propos.
BNP : Est-ce que vous êtes de ceux qui pensent que l’église catholique a abandonné sa mission pour s’ingérer dans la politique congolaise ?
LMO : Ce n’est pas l’église catholique. Le président n’a pas dit que l’église catholique a abandonné sa mission. Il a d’abord salué le président de la conférence épiscopale, Mgr Utembi, qui était présent. Il a salué son hôte, Mgr Kasanda. Il a dit qu’il était heureux qu’ils soient là et qu’il était fier de leur contribution au sein de l’église et il en a profité pour lancer une mise en garde contre une partie de l’église catholique qui essaie de diffuser une idée selon laquelle la laïcité de l’Etat n’a plus de sens, que l’église n’a plus à nous parler de l’évangélisation, que l’église doit s’occuper de politique politicienne qui est une matière qui peut facilement amener à la désunion des fils d’un pays. C’est pourquoi nous avons toujours contextualisé la campagne électorale en un seul mois.
Vous savez pourquoi, au niveau du parlement, nous n’accordons jamais beaucoup de temps à la campagne électorale ? C’est parce que c’est une période extrêmement difficile, durant laquelle les gens oublient qu’ils appartiennent à un même père qui est la nation et se tiraillent parce qu’ils veulent avoir le mandat du peuple. Mais les évêques veulent nous plonger dans une campagne électorale qui n’a ni début ni fin, tout le temps on est en campagne électorale alors qu’ils ne sont pas des agents en matière politique.
BNP : Je reviens sur ma question. Etes-vous de ceux qui pensent que l’église catholique a abandonné sa mission ?
LMO : Cette partie-là de l’église catholique oui, et je parle en ma qualité de chrétien catholique croyant.
BNP : Vous scindez l’église catholique en combien de parties, finalement ?
LMO : Il s’agit de quelques individus au sein de l’église.
BNP : Mais cela entache toute une communauté …
LMO : Non, parce que cela m’entacherait moi aussi … mais je ne suis pas de ceux-là …
BNP : Parlons processus électoral. Quelques personnalités de l’opposition rencontrent le président de la CENI au sujet de ce processus électoral. Comment avez-vous analysé la position de Martin Fayulu sur ce processus ?
LMO : Martin Fayulu est libre de prendre une position, s’il estime qu’il n’est pas prêt à aller aux élections … Personne n’oblige quiconque à candidater ou pas. Lorsqu’il est devenu candidat en 2018, personne ne l’y a forcé. S’il veut se retirer de la course, nous n’avons pas à le juger. L’exercice de la liberté m’est cher. Libre il a été de devenir candidat en 2018, libre il est de dire qu’il n’est plus candidat en 2023, parce qu’il n’est pas prêt.
Peut-être qu’on peut discuter sur les raisons sur lesquelles il essaie d’insister. Je peux ne pas y croire et je n’y crois pas. Je crois simplement qu’il n’est pas prêt à candidater parce qu’il existe des préalables qui ne sont pas uniquement politiques. Mais qui sont aussi logistiques, qui sont aussi financiers. Peut-être que ces préalables là il ne les réunit plus, alors il peukt faire croire n’importe quoi à d’autres personnes mais ce n’est pas à un vieux singe comme moi qu’il va apprendre à faire des grimaces. Il n’est pas prêt, il renonce. Je le respecte, c’est sa liberté. Nous n’avons pas à le juger pour ça.
BNP : A six mois des élections, l’opposition pense que Félix Tshisekedi est en train de réunir les ingrédients pour une dictature. ON en veut pour preuve les arrestations enregistrées ces derniers temps … Qu’elle est votre lecture par rapport à ces accusations ?
LMO : Lorsqu’on arrête un citoyen, c’est un problème judiciaire. Je ne sais pas pourquoi l’arrestation d’un citoyen devient un problème électoral. C’est un problème judiciaire. Je n’ai pas l’impression que ces arrestations soient liées à la campagne électorale. Aucun des candidats annoncés à l’élection présidentielle n’a été arrêté à ma connaissance. Et même lorsqu’on arrête notre compatriote Kalonda dont vous parlez à l’aéroport, il était accompagné d’un des candidats annoncés à l’élection présidentielle. Pourtant, ce candidat-là, M. Katumbi, personne ne l’a arrêté parce qu’il n’était pas en condition d’être arrêté. Il embarqué dans son avion et il a continué son voyage et on a arrêté M. Kalonda qui n’est pas candidat à l’élection présidentielle à ma connaissance.
Si M. Kalonda a été trouvé en position infractionnelle, il n’y a que ses avocats, le parquet et les juges qui peuvent trouver les réponses à ces questions. Nous ne pouvons pas, dans les réseaux sociaux, dans les médias, devenir juges, parquets, avocats… et commencer à élaborer des jugements sur les conditions d’arrestation … laissons chacun faire son travail et les vaches bien gardées. Vous êtes porteur d’une arme dans une zone où il est interdit de porter une arme, et vous interpelle. Est-ce un problème politique ou un problème judiciaire ou sécuritaire. C’est un problème sécuritaire. Je ne pense pas qu’il faille politiser tout parce qu’on fait la politique, donc on peut violer la loi et la justice n’a pas à s’occuper de vous.
Aujourd’hui, M. Trump aux Etats-Unis, qui est un candidat très sérieux à la magistrature, passe devant la justice parce qu’il a posé des actes pénalement répréhensibles. Pourquoi les hommes politiques congolais ne seraient pas justiciables devant les cours et tribunaux lorsqu’ils posent des actes qui sont répréhensibles …
BNP : M. Lambert Mende, parce que vous parlez d’une arme …
LMO : C’est ce que j’ai appris …
BNP : Parce que vous parlez d’arme, il y a aussi cette arme de type Jéricho appartenant au garde du corps de M. Matata, parlons-en. Vous donnez l’exemple de M. Donald Trump, mais vous vivez dans un pays où il n’existe pas de juridiction indiquée pour juger un ancien premier ministre. On ne sait pas juger M. Matata Ponyo dont le dossier va de rebondissement en rebondissement …
LMO : Non, je ne pense pas qu’on ne sait pas comment juger un premier ministre. Vous parlez à un législateur, que dit la loi exactement ? Les privilèges de juridictions en ce qui concerne le 1er ministre et le président de la République. La loi dit exactement ceci : ils sont jugés par la cour constitutionnelle pour les infractions qui sont commises lorsqu’ils exercent ces fonctions, soit 1er ministre, soit président de la République. Mais ils sont jugés pour les infractions commises à l’occasion de l’exercice de fonction de président de la République ou de 1er ministre. Si c’est vrai que M. Matata n’est plus 1er ministre aujourd’hui, l’infraction pour laquelle il est poursuivi, parce qu’on ne peut pas dire qu’il l’a commise parce que je ne suis pas le juge, le parquet présume qu’il a commis cette infraction à l’occasion de l’exercice des fonctions de 1er ministre. Donc la cour constitutionnelle reste compétente. J’ai suivi l’avis juridique qu’a donné le doyen de la faculté de droit de l’université de Kinshasa, un excellent professeur qui s’appelle Jean-Louis Esambo, qui a dit qu’il ne s’agit pas seulement des infractions commises pendant qu’on est 1er ministre ou président de la République, mais également lorsque l’infraction a été commise à l’occasion de l’exercice de ces fonctions. C’est ça la ratio legis, et il faut le comprendre comme cela. Parce que s’il existe des infractions pour lesquelles aucune juridiction n’est compétente, alors nous sommes dans une jungle. Personne n’est au-dessus de loi.
Trump a commis une infraction quand il était encore président de la République, mais on le poursuit aujourd’hui. L’infraction a été commise au moment où il était encore président mais aujourd’hui on le poursuit parce qu’on ne peut pas laisser une infraction impunie, sinon c’est la jungle.
BNP : Qui dit processus électoral sous-entend l’implication de toutes les parties prenantes. Comment jugez-vous aujourd’hui ce processus électoral sans l’opposition… avec les départs de Martin Fayulu, Corneille Nangaa aussi, qui vient d’annoncer sa non-participation ?
LMO : Je ne sais pas comment vous définissez l’opposition. Vous devriez plutôt parler des oppositions. Vous avez cité des compatriotes … M. Nangaa, M. Fayulu. Mais vous ne dites pas qu’au moment où nous parlons, il y en a 3 autres qui sont en pourparlers avec la CENI, qui sont aussi de l’opposition … Sessanga et les autres … Muzito. L’opposition est divisée. Est-ce que nous devons suivre le point de vue de chaque individu ? Dans ces conditions-là, ma Tante qui veut aux champs le jour de l’élection doit aussi venir négocier avec la CENI …
BNP : Mais, est-ce que votre tante représente une opinion ?
LMO : C’est la majorité. Déjà dans l’opposition, ceux qui ne veulent pas aller aux élections sont minoritaires. Il y a deux qui disent nous n’irons pas, il y a trois qui disent qu’ils vont y aller. Mais dans le pays globalement, ils ont appelé les gens à ne pas s’enrôler. Sur 49 millions d’électeurs attendus, 45 millions se sont enrôlés. Où est la majorité ? Qu’est-ce que vous allez demander à la CENI de faire, ignorer la majorité pour s’en tenir simplement au fait que 3 ou 4 millions n’ont pas pu se faire enrôler. La démocratie c’est la règle de la majorité.

BNP : Mais comment envisagez-vous un processus électoral sans l’opposition ?
LMO : Mais l’opposition est dans le processus. Vous n’allez pas me dire que tous les 45 millions qui se sont enrôlés et qui s’apprêtent à aller voter, il n’y en a pas qui sont de l’opposition.
Même au sein du parti de Martin Fayulu, il y a un député, M. Ados Ndombasi, qui vient de quitter M. Fayulu. Vous faites quoi de l’avis de M. Ndombasi ? Il ne faut pas individualiser ces choses-là, il faut parler en termes de proportion.
BNP : Dans l’hypothèse où les trois qui prennent langue avec la CENI …
LMO : Je ne peux pas parler d’hypothèses. Je parle de ce que je vois. J’ai entendu certains opposants dire qu’ils n’iront pas aux élections, j’ai entendu d’autres plus nombreux dire qu’ils iront aux élections. Ca c’est la réalité. Les hypothèses ne m’intéressent pas parce que je ne suis pas diseur de bonne aventure.
BNP : Quelle serait votre réaction en rapport aux affirmations de la sénatrice Francine Muyumba selon lesquelles s’il n’y pas élections en 2023, nous demanderons au président de la République, Félix Tshisekedi de démissionner pour donner la chance au pays d’avoir des élections démocratiques parce qu’il doit assumer ses erreurs. Sinon, s’il avait écouté le FCC on n’allait pas arriver là où nous en sommes aujourd’hui.
LMO : C’est un point de vue, vous savez, nous sommes en démocratie. C’est une sénatrice, c’est une élue. Elle a le droit d’émettre un point de vue. Mais est-ce que c’est le point de vue qui est partagé par la majorité, même au sénat ? Je ne le pense pas. Donc, une fois de plus, je vous invite à faire plus cas du point de vue de la majorité parce que nous sommes une république démocratique. Et qui dit démocratie fait allusion à la majorité sans empêcher ceux qui sont dans la minorité d’émettre leurs points de vue. Ils ont le droit d’émettre leur point de vue, de le mettre sur la table des discussions et de poser la question à l’institution puisque les assemblées législatives se prononcent par un vote. Aujourd’hui, si ce point de vue est amené au-devant du sénat, je ne pense qu’il l’emporterait. Ce serait un point d’une partie du sénat, et une partie minoritaire. Donc je m’intéresse plus à la position majoritaire qui est que nous devons aller aux élections à bonne date.
BNP : Kadima n’exclut pas l’hypothèse d’un report éventuel des élections même s’il continue à travailler pour avoir les élections à la date prévue. S’il n’y avait pas élections en 2023, nous connaissons ce précédent constitutionnel de l’interprétation de l’article 70 de la constitution. Reviendrons-nous à cette interprétation ou la Cour devra-t-elle se prononcer de nouveau ?
LMO : La cour constitutionnelle est là pour nous aider à découvrir la ratio legis de cette loi des lois qu’est la constitution. Devant une telle difficulté, le seul recours c’est la cour constitutionnelle. Dès que cette difficulté survient, soit président de la République, soit une des deux chambres législatives, posera la question à la cour constitutionnelle pour demander quelle est la solution idoine.
Souvenez-vous qu’à l’époque du président Joseph Kabila, on avait posé deux fois la question à la cour constitutionnelle sur la possibilité de mettre en œuvre la décentralisation. Et la cour avait dit un moment donné que vous pouvez créer des structures sui generis pour gérer les 26 provinces parce qu’elles sont déjà reconnues par la constitution. Et le président Kabila a recouru à la nomination des commissaires spéciaux. Et à un autre moment, la même cour est revenue en disant que vous ne pouvez pas aller aux élections avec les commissaires spéciaux nommés. Il faut légaliser la situation en revenant au texte de la constitution : il faut que ce soit des gouverneurs. Donc vous devez, avec la CENI, organiser les élections et on a organisé les élections des gouverneurs des provinces.
Donc la cour constitutionnelle veille au grain en ce qui concerne la constitution. Il ne nous appartient pas à nous les législateurs, nous hommes politiques, vous journalistes, les prêtres, les prélats … de se substituer à la cour constitutionnelle. C’est elle qui a reçu mandat d’interpréter la volonté du législateur, la volonté du constituant. C’est la cour constitutionnelle et elle seule. Laissons-le temps à la cour constitutionnelle de se prononcer lorsque cette difficulté adviendra.
BNP : Parlons de l’actualité relative aux Jeux de la francophonie qui vont se tenir dans quelques semaines ici en RDC. Quel est votre jugement avec tout ce qu’il y a comme désistements ?
LMO : Je voudrais souhaiter bon vent aux Jeux de la francophonie. Je pense que ceux qui se désistent ont tort de le faire. Ce sont des rares occasions où la jeunesse de ces pays francophones peut se retrouver pour essayer de faire valoir ce que nous avons d’essentiel dans ces nouvelles générations : l’énergie physique. Ainsi que ces valeurs que le sport entretient en nous, le fair-play et tant d’autres valeurs philosophiques que nous pouvons entretenir chacun pour soi. Je pense que c’est une erreur de prendre prétexte du fait qu’il y a un problème en Ituri, il y a un problème dans la province du Nord-Kivu qui est située à 2000 km de Kinshasa pour se désister. Je pense qu’ils ont tort et qu’ils ratent une belle occasion de valoriser ces jeunes qui ne demandent qu’à s’épanouir. C’est un épanouissement que nous offrons aux jeunes générations et c’est un tort que de vouloir les en empêcher.
BNP : Nous vous remercions très sincèrement d’avoir participé à notre plateau spécial sur l’indépendance de notre pays.
LMO : Merci à vous aussi.