(Tribune d’Alfred Mote)
En marge du premier anniversaire, le 9 juin 2023, de l’investiture par ordonnance présidentielle de Jules Lodi Emongo, gouverneur et Patrick Bekanga Nsala, vice-gouverneur de la province du Sankuru, les soirées de mondanités se succèdent à Kinshasa pour célébrer ce que le duo de l’exécutif de la province natale de Patrice-Emery Lumumba considère comme le bilan de Lodi qui se résume en deux faits majeurs: la perte par le territoire de Lodja d’un siège sur cinq à l’Assemblée nationale, une forfaiture orchestrée par Lodi qui a délibérément muselé les médias communautaires de sa province dans le but avoué de restreindre la mobilisation de la population en perspective de la révision du fichier électoral et la déchéance du député provincial Benoît Olamba de la présidence de l’Assemblée provinciale du Sankuru sur fond d’une affaire de détournement de deniers publics versés par le partenaire américain Bonobo Conservation Initiative (BCI) imputée à ce dernier par le jeune speaker qui tenait à défendre les droits des populations riveraines d’une réserve naturelle et forestière de Katako-Kombe, son fief.
Quoiqu’on en dise, la gouvernance actuelle du Sankuru souffre d’une absence claire de vision qui provoque d’inévitables conséquences sur l’attitude de la population qui, fatalement, est totalement décontenancée devant les plages inédites d’incohérence, des mesquineries, de reniement, d’inculture, de laxisme et de défaillance, jusqu’à ce qu’elle soit majoritairement humiliée par un pouvoir provincial louvoyant.
On ne se contente plus de faire entonner par la bande des gueules enfarinées des thuriféraires de Jules Lodi des accusations de «complots» contre le Sankuru. Des journalistes se font enlever en plein jour par des policiers véreux au gré des humeurs de l’inénarrable chef de l’administration provinciale qui n’hésite pas à museler l’opinion publique à la moindre critique en fermant la quasi-totalité des radios communautaires en contraignant leurs animateurs et promoteurs à s’engager avant toute réouverture à signer un «cahier des charges» totalement illégal consistant à prendre l’engagement de rejoindre l’écurie des applaudisseurs de sieur Lodi. Quel recul !
Après le semi-lettré Joseph-Stéphane Mukumadi, le Sankuru se trouve ainsi livré pieds et poings liés à la cupidité de l’insatiable Jules Lodi, passant ainsi de la peste au choléra quoique cherche à faire croire l’escouade de cyber-militants rétribués qu’il a recrutés et qu’il rétribue sur des fonds publics détournés de la province pour inonder contre espèces sonnantes et trébuchantes les réseaux sociaux de récits dithyrambiques arrangés en faveur du prétendu «chef de chantier» qu’il serait. En fait de chef de chantier, on se trouve en face d’un roitelet qui, dans son ivresse, s’est même surnommé le Vladimir Poutine sankurois, sans doute en réminiscence à sa tendance autocratique perverse qui ne recule devant aucune violation des droits d’autrui.
Jules Lodi, ressortissant du territoire de Katako-Kombe (communauté dite des gens de la savane ou Eswe,) va, sans surprise, placer son mandat à la tête du Sankuru sous le signe de la «revanche communautaire contre les ressortissants (majoritaires) des gens dits de la forêt (habitant les territoires de Lomela, Lodja et Kole)» dont le seul péché est d’avoir eu quelques-uns d’entre eux élus commissaire provincial ou gouverneurs comme s’il n’était pas normal que ces postes échoient à la majorité dans une démocratie ! «C’est notre tour de régner sur les communautés de la forêt (Ekonda) », l’a-t-on entendu vociférer en octobre 2022, lors d’une réunion avec ses partisans à Tshumbe.
Retour du boomerang, but contre son camp, balle dans le pied etc. Il existe plusieurs expressions métaphoriques dans le langage familier pour qualifier ce qui arrive aux imprudents qui ont initié une action qui tourne à leur désavantage. Les jeunes loups débarqués récemment à la tête du Sankuru viennent d’en faire douloureusement l’expérience. Imbus d’eux-mêmes et espérant être dans une société de spectacle se sont crus plus malins que tous. Caramba, encore raté ! Cette expérience pénible vient d’arriver à Jules Lodi, qui a l’air de penser que le jeu politique ne nécessite pas trop de réflexion et qu’il suffit d’aligner des petits coups tactiques contre des «ennemis» réels ou supposés préalablement indexés. Les premières victimes, des communautés de Katako-Kombe dont deux dignes fils de la communauté dite Eswe, à savoir le président de l’Assemblée provinciale Benoît Olamba et le 1er président de la Cour d’appel du Sankuru David Okundji.
La guéguerre avec Olamba a été provoquée par la boulimie incommensurable de Lodi décidé à faire main basse sur les subsides de BCI sur les forêts de Katako-Kombe au détriment des populations riveraines, ce provoque déjà une énorme et furieuse clameur politique et médiatique dans tout le pays, marquée, propagande politique oblige, par les intox et infox contre les institutions nationales accusées à tort ou à raison de soutenir le prévaricateur pour des raisons faciles à deviner. Face à ce déferlement, il n’était certes pas facile de garder la mesure et de refuser de participer au tintamarre. Le bureau Olamba va être emporté par une motion de défiance quelques mois plus tard dont le seul architecte restera un fils de Katako-Kombe, Jules Lodi qui s’est servi des députés provinciaux comme de larbins stipendiés à la tâche. Le «chef de chantiers» autoproclamé a de la sorte réussi son premier coup de Jarnac : Diviser pour régner, voler et rouler toute une population miséreuse dans la fange.
«Des Nombreux spécialistes en droit et sciences politiques qui n’ont eu de cesse de critiquer Jules Lodi en 2022 lorsqu’il ne fut pas capable de réussir l’exercice primairien de lecture à haute voix de son discours-programme devant l’Assemblée provinciale peuvent aujourd’hui déchanter car il a su innover en sciences en s’autoproclamant ‘’Magistrat suprême par délégation’’», ironise-t-on dans les milieux politiques.
Il y a comme un mystère voire une tragédie dans l’histoire de la province natale du héros national Patrice Emery Lumumba qu’un gouverneur sensé être capable de toutes les vertus héroïques, talentueuses, courageuses en tant qu’individu, ait commis à plusieurs reprises et dans l’espace d’un an, des bévues monstrueuses dans presque tous les aspects de sa vie publique tout simplement parce que pour lui, la haine est à la stratégie politique ce que la boulimie est à l’appétit : il n’y a pas moyen de la satisfaire car ce n’est pas l’appétit mais l’angoisse qui fonde le besoin de se goinfrer doit être apaisée. Dans le cadre de toutes ces absurdités qui préfèrent au Sankuru la guerre fratricide à la paix, il y a la question de clivages communautaires exhumés par les méthodes de gouvernance Lodi.
Sermonné la semaine dernière sur ses errements par le professeur André Mbata, 1er vice-président de l’Assemblée nationale dont il revendique désormais l’appartenance au parti UDPS mettre à l’abri ses rapines tout en aidant en aidant ouvertement la nouvelle opposition d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, Lodi est resté sans voix, préférant jouer une carte théâtrale en affichant devant les caméras une apparente fermeté face à l’insécurité, œuvre selon lui, «des milices entretenues par certains membres du parlement» dont il serait venu entretenir le N°2 de la chambre basse. La vérité, on la connait. Personne n’oubliera de sitôt que Jules Lodi avait réussi à faire sortir de sa réserve un autre de ses « frères communautaires», le juge David Okundji Wembokoko, 1er président de la Cour d’appel du Sankuru qui, dans une correspondance datée du 22 mars 2023 lui adressée, le désignait comme : «seul coupable et responsable de la détérioration du climat entre les institutions étatiques au sein de la province du Sankuru. Au lieu de jouer le rôle qui est le vôtre, en respectant vos attributions constitutionnelles et légales, vous préférez entretenir le désordre, l’anarchie et une cohabitation inutilement et vainement conflictuelle avec le pouvoir judiciaire» écrivait-il. Poursuivant son réquisitoire, David Okundji avait déploré également «l’obstruction à l’exécution des décisions judiciaires ainsi que l’outrage au chef de l’État au nom de qui les jugements sont exécutés, l’outrage aux membres des cours et tribunaux, des cas d’excès de pouvoir, des arrestations arbitraires suivies de détentions illégales et la violation des principes constitutionnels sur la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’usurpation des fonctions publiques en s’autoproclamant ‘’magistrat suprême par délégation’’, de l’incitation de manquement envers l’autorité publique, incitation des militaires et policiers à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline» dont se rendait constamment coupable le gouverneur Lodi. De même que «ses immixtions intempestives dans l’instruction pré juridictionnelle et le fonctionnement du parquet en soustrayant des justiciables de leurs juges naturels et en instituant une curieuse pratique de ‘‘grâce du gouverneur’’ accordée à des personnes présumées coupables de diverses infractions».
C’est sous cet angle purement fonctionnel qu’il convient de rappeler les remontrances datées du 06 décembre 2022 du haut magistrat (katangais) Gilbert Kyungu Kasumbi, procureur général a.i. près la Cour d’appel du Sankuru qui, s’adressant au procureur général près la Cour de Cassation, avait peu avant le juge Okundji dénoncé «les nombreuses interférences du gouverneur dans les affaires judiciaires, les arrestations et incarcérations arbitraires des personnes qualifiées de criminelles sans aucune pièce de détention et sans qu’elles ne soient auditionnées par l’officier du ministère public ni condamnées par une juridiction compétente».
On est dès lors en droit de questionner ces faits en vertu du principe latin « Cui bono» (à qui profite le crime ?). Le courage, la dignité, la vertu, l’honneur, la grandeur, le service, la loyauté, le respect des droits garantis par la constitution sont ainsi devenus des mots vides de sens au Sankuru sous la gouvernance de M. Lodi qui a instauré sans complexe un système reposant sur l’apparence, la tromperie et la flatterie tout en se gargarisant d’être le représentant attitré du garant de la nation, le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi.
Sans une intervention décisive des autorités du pouvoir central, le Sankuru va continuer de s’abîmer dans cette véritable dérive suicidaire, sur fond d’un extrémisme et d’un sectarisme surannés, s’appuyant sur le subliminal autant que sur les poncifs et les clichés. «La folie, c’est de faire la même chose encore et encore et de s’attendre à des résultats différents» dit une vieille sagesse africaine. Le Sankuru l’apprend à ses dépens! Perçue à première vue comme une césure avec trois ans plus tôt de pantalonnade grossière sous la férule de l’analphabète Mukumadi, l’élection de Jules Lodi a douché tous les espoirs et ajouté l’insulte à l’injure. Les sankurois ont plus d’une raison d’être très en colère face à cette gouvernance erratique et aventureuse de Jules Lodi qui n’agit manifestement pas dans leur intérêt. Le changement de paradigme tant espéré tardant à se manifester la la méfiance à l’égard du politique et des politiciens, quels qu’ils soient, augmente chaque jour un peu plus. Si le gouverneur Lodi sent que le Sankuru devient lentement ingouvernable avec les instruments que les lois et règlements en vigueur ont édicté, il n’a probablement pas tort. En réalité, les hommes et les femmes du Sankuru en ont marre et en sont réduits, à leur corps défendant, à recourir à divers expédients !
A bon entendeur, salut
Alfred Mote
Analyste Politique