Le fait est assez rare en RDC pour être noté. Mais il n’a curieusement retenu l’attention d’aucun commentateur dans les médias dits globaux qui trahissent ainsi les intérêts qu’ils servent sur le continent africain. Samedi 20 mai 2023, Kinshasa a été le théâtre d’une triple manifestation pacifique organisée respectivement par une partie de l’opposition congolaise et deux partis de la majorité. Les multiples tentatives de débordement n’ont pas manqué de la part des manifestants (non-respect des itinéraires convenus, usage de projectiles et instrumentalisation de délinquants dont des mineurs d’âge etc.)mais la police y a mis bon ordre sans coup férir.
Dans un passé récent, cet immense pays qui n’en finit pas de tenter d’asseoir sa démocratie, a vu moult affrontements épiques opposant les éléments de la police à des jeunes manifestement drogués qui se soldaient souvent par mort d’hommes. Rien de tel le 20 mai dernier. Rageusement, la nouvelle opposition et ses affidés se sont rabattus sur quelques vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux montrant des jeunes armés de pierres, bâtons et machettes affrontant les éléments de la police obligés de reculer ou d’avancer au gré de l’intensité des jets de projectiles. Bilan des échauffourées : 27 agents de police blessés dont 1 dans un état comateux et 3 autres grièvement blessés; 20 individus auteurs d’actes de vandalisme contre le commissariat de la police de Kianza qu’ils ont tenté d’incendier arrêtés ; 2 véhicules de la police endommagés, selon la police.
Alors que pour les organisateurs de la marche, 4 candidats à la présidentielle de décembre 2023 paradoxalement opposés à la poursuite du processus électoral, il est fait état de 3 personnes portées disparues ; 150 blessés graves ; plus de 300 personnes interpellées ; plusieurs appareils de téléphones portables et des sommes d’argent extorqués par des policiers ; 3 tentatives viols ; des pare-brises et vitres de véhicules cassés.
Zéro mort, un exploit
Quoiqu’il en soit de la crédibilité de ces bilans, une chose est sure : aucun mort déploré de part et d’autre. Le fait est suffisamment rare ici pour le souligner. A l’évidence, les forces de police ont encadré l’événement sans faire couler de sang. Ça n’était pas arrivé depuis longtemps. Dépité par cet état de chose, un des leaders organisateurs de la marche de l’opposition, l’ancien 1er ministre Augustin Matata, a tenté de jeter un pavé dans la marre en exhibant deux douilles ramassées selon ses propres propos dans son véhicule, et brandies comme «la preuve que la police a fait usage de balles réelles contre les manifestants». Le grotesque d’une telle accusation manifestement calomnieuse de l’ancien chef du gouvernement de Joseph Kabila, ajouté aux vidéos montrant des gardes rapprochés de Moïse Katumbi bardés d’armes de poing, tendent à conclure que, si tirs à balles réelles il y a eus le 20 mai 2023 sur avenue Kianza, ils n’ont pu que provenir du camp de la nouvelle opposition, selon un expert en balistique rappelant que la douille ne tombe que du point de départ d’un tir. «On ne comprend pas pourquoi les organisateurs d’une marche pacifique se sont entourés de gardes armés jusqu’aux dents», déclare au Maximum ce paroissien de la paroisse catholique St Augustin de Lemba, une commune située à un jet de pierre du terrain des affrontements.
Mise en scène
A Kinshasa, plusieurs jours après cette manifestation voulue grandiose, destinée à permettre à Moïse Katumbi « de reprendre le flambeau à Martin Fayulu », nombreux sont les observateurs qui s’interrogent sur les objectifs réels des organisateurs. A l’heure des téléphones androïds à la portée de tout le monde, les comportements du quatuor, observés à la loupe et filmés suscitent des commentaires peu flatteurs. Martin Fayulu a ainsi été filmé aboyant des ordres d’attaque contre les éléments de la police déployés sur l’avenue Kianza à l’intention de jeunes manifestants parmi lesquels plusieurs mineurs d’âge. «Ils avaient prétendu que la marche était pacifique. Pourquoi inciter ainsi ces enfants à s’attaquer aux forces de l’ordre?», s’interrogeait, désabusé, un étudiant de l’Université de Kinshasa. Moïse Katumbi a été quant à lui aperçu détalant à toutes jambes, escorté par une escouade de gardes armés : «Azo kima nini ? Mutu azolandaye aza te» (Pourquoi détale-t-il ? Personne n’est à sa poursuite !), s’étonnait pour sa part une ménagère, 50 ans révolus, qui suivait la retransmission des séquences de la manifestation dimanche 21 mai 2023 sur une chaîne de télévision locale. Répartie de son époux, assis non loin d’elle : «Ekomi théâtre !» (C’est devenu un théâtre).
En effet, pour certains observateurs dans la capitale congolaise, leur mobilisation ayant fait flop, le quatuor de Lubumbashi n’aurait eu d’autre alternative que de provoquer des incidents filmés pour la consommation extérieure. «Tout a été fait pour que les forces de police commettent des bavures afin d’accuser le pouvoir en place de dérive dictatoriale», dénonce un député de la majorité au pouvoir. Une stratégie qui semble payer, ainsi qu’en attestent les images, également devenues virales, présentant des éléments de la police malmenant un mineur de moins de 12 ans pris sur les faits sur avenue Kianza. Mais pas que.
Voyous maîtrisés
Lundi 29 mai 2023, l’Ong américaine Human Rights Watch (HRW) s’est fendu d’un communiqué surprenant à Kinshasa : sans piper mot des progrès manifestes réalisés par les forces de police de la RDC qui, pour une fois, ont géré des manifestants des deux camps adverses sans que l’on ne déplore ni morts ni pertes matérielles significatives, HRW s’inquiète plutôt d’un «usage excessif de la force» par la police. Parce qu’après avoir effectué le tour des formations médicales qui avaient accueilli les manifestants blessés le 21 mai 2023, le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi avait, plutôt chaudement, félicité un officier supérieur du Groupe mobile d’intervention de la PNC, chargé du maintien de l’ordre public 24 heures plus tôt. Le communiqué de HRW citant même les propos du chef de l’Etat : «Bravo pour le travail que vous avez fait. Zéro mort(…). Les voyous ont été maîtrisés, c’est très bien.Vous avez fait du bon travail» y a vu des raisons de «craindre que l’enquête policière sur les violences manque d’impartialité et que le gouvernement encourage l’usage excessif de la force», donnant à croire fallacieusement que le président avait en plus ordonné la fin de l’enquête entreprise par la police des polices qui est pourtant toujours en cours. Cerise sur le gâteau, le communiqué de HRW signé par Carine Kaneza Nantulya avance une dénonciation que l’on croirait tirée d’un lexique de l’opposition politique radicale rd congolaise. «La brutalité de la police congolaise contre les manifestants est une tentative de réduire au silence toute dissidence et de dissuader les futures manifestations», écrit-elle avant d’ajouter que le président de la République «ne devrait pas récompenser les officiers supérieurs lorsque les manifestants sont violemment réprimés, mais plutôt veiller à ce que les enquêtes soient crédibles et équitables et que tous les individus reconnus responsables d’abus soient sanctionnés ou poursuivis de manière adéquate».
Propos hors contexte
La porte-parole de HRW a ainsi littéralement sorti les propos présidentiels de leur contexte en isolant un bout de phrase dans une déclaration qui évoque la nécessité d’améliorer les performances des forces de police. Textuellement, Félix Tshisekedi avait déclaré que «Vous êtes un très bon citoyen. Vous méritez vraiment de monter en grade. Vous êtes un professionnel. Vous rappelez-vous comment on avait des discussions lorsque vous nous empêchiez d’aller à la 10ème rue, chez mes parents ? Franchement, je suis content de vous avoir élevé en grade. Bravo pour le travail que vous avez fait. Zéro mort, c’est très bien. Les voyous ont été maîtrisés. C’est pour ça qu’on soutient notre police. On vous soutiendra encore. L’Académie va bientôt être opérationnelle. On mettra les conditions pour améliorer votre formation».
Apologie de l’anarchie
A en juger par les observations de HRW, un officier de police qui a évité que l’événement ne dégénère tragiquement, ne devrait pas être félicité pour avoir accompli son devoir de préserver des vies humaines en exécutant les ordres reçus comme il se doit. Il aurait fallu plutôt le punir pour des bavures dont les auteurs étaient déjà sous les vérrous. Ubuesque! «On se demande dans quel pays du monde une police accomplirait ses missions de préservation et de maintien de l’ordre public dans ces conditions», s’interroge un général à la retraite de la PNC. «Ces Ong concourent carrément à la transformation de notre pays en un espace de non-droit sous prétexte de respect des droits de l’homme», fulmine-t-il.
J.N. AVEC LE MAXIMUM