En novembre prochain, cela fera 2 ans depuis que le Rwanda s’est lancé dans une nouvelle agressioncontre la RDC sous couvert du groupe terroriste, ressuscité et réarmé à cet effet, du M23. A la différence des agressions perpétrées par la principauté militaire installée à Kigali et soutenue par des puissances occidentales, certains dans la communauté internationale n’y vont plus par quatre chemins pour citer nommément et condamner Paul Kagame et son pays.
Mardi 15 mai 2023, la nouvelle ambassadrice des Etats-Unis à Kinshasa, Lucy Tamlyn, a déclaré aux médias au sortir d’une audience auprès du vice-premier ministre et ministre congolais de la Défense nationale, Jean-Pierre Bemba, que son pays demandait au Rwanda de se retirer de la RDC et au M23 de respecter les feuilles de route de Luanda et de Nairobi.
Sur le terrain, cependant, aucune évolution satisfaisante du point de vue des Congolais et de leurs autorités. Les terroristes du mouvement pro-rwandais occupent toujours des pans entiers des territoires congolais de Rutshuru et de Nyirangongo, au mépris des accords conclus et en dépit du déploiement dans la région de la force militaire de l’EAC qui fraternise avec eux.
Vendredi 5 mai 2023, un rapport du ministère congolais de la Défense faisait état d’une situation sécuritaire préoccupante dans les territoires d’Irumu, Mambassa (Ituri), Beni, Masisi, Rutshuru et Nyiragongo (Nord-Kivu) avec le renforcement de la présence des RDF-M23 en provenance du Rwanda. Il était également signalé que dans certaines localités de la région, les RDF-M23 se déguisaient en milices d’auto-défense, notamment à Kibumba, Bishusha, Kizimba, Kibarizo, Burungu, Usumba, Nyange, Katshura, Bigogwe, et Kibatshiro. Le 02 mai 2023, ils avaient momentanément suspendu tout trafic sur le tronçon Kalengera – Tongo pour assurer l’acheminement des bétails pillés dans le territoire de Masisi et récupérer ceux abattus le 1er avril par les FDLR, selon le même rapport.
Situation sécuritaire inquiétante
Selon le compte-rendu du conseil des ministres du 12 mai 2023, la situation sécuritaire dans la région demeurait stationnaire car les terroristes RDF-M23 n’avaient pas arrêté de se renforcer en effectifs à Kahunga et Kinyandonyi en territoires de Masisi et de Rutshuru. «Ces terroristes ne sont plus dans la logique du cessez-le-feu, mais dans celle de la reprise des hostilités», a-t-on appris.
Le vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula a, au cours d’un point de presse tenu samedi 13 mai à Kinshasa, confirmé que «dans les zones supposées libérées par les terroristes du M23 et les RDF, les ennemis sont encore visibles et déguisés en civils», avant de dénoncer l’échec de la mission militaire de l’EAC.
5 jours auparavant, le 8 mai 2023, le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi a sollicité et obtenu de ses pairs de la SADC l’envoi d’un corps expéditionnaire plus dissuasif au Nord-Kivu, vu que celui déployé depuis octobre 2022 par l’EAC ne semble pas efficient. Cela fait certes beaucoup de forces militaires sur le terrain, s’il faut se rappeler qu’en plus des troupes de l’EAC, celles de la MONUSCO n’ont pas encore dégarni la région. Pour y mettre de l’ordre, l’Union africaine convoquera une quadripartite avec toutes les organisations régionales concernées afin de mieux coordonner l’ensemble des mécanismes existants et dégager un mécanisme d’entente entre les différentes forces régionales. Notamment avec celle de l’EAC dont la RDC remet en cause l’efficacité et celle de la SADC dont le mandat sera résolument offensif.
Echec et retrait de la force de l’EAC
Sur le retrait de la force de l’EAC, Kinshasa qui a déjà annoncé le déploiement d’ici fin mai des premières troupes de la SADC, ne se voile plus la face : la force EAC devrait s’en aller, son mandat n’ayant pas été renouvelé. Et ne le sera sans doute plus, à en juger par le flot de questions, plutôt que de réponses suscité par la présence de ces éléments armés supposés récupérer pour le compte de la RDC les territoires cédés par la coalition RDF-M23 au Nord-Kivu. Au cours d’un point de presse animé le 13 mai à Kinshasa, Christophe Lutundula se demandait, en effet : «Où sont passés les M23 qui auraient déposé les armes et rendu les territoires occupés à la force de l’EAC ? Où sont les armes et munitions ‘‘sophistiquées’’, de l’aveu même de l’ONU, dont disposaient ces terroristes ? Qui sont les éléments qui se pavanent avec les Ougandais dans les territoires supposés rendus à l’EAC et perçoivent les taxes dues à l’Etat congolais ? Pourquoi les déplacés des territoires conquis supposés rétrocédés ne retournent pas chez eux et pourquoi l’EAC n’aide pas l’administration congolaise à se réinstaller dans ces territoires ?».
S’agissant de l’Ouganda particulièrement, dont l’armée était déjà engagée dans une mission conjointe d’éradication des rebelles ADF/MTN dans une partie du Nord-Kivu et en Ituri, tout en demeurant un allié objectif de Kigali dans le pillage des ressources naturelles de la RDC au Nord-Kivu, un retrait des troupes de l’UPDF paraît plus que problématique. «L’UPDF semble venue en RDC pour rester plus longtemps que prévu», notaient déjà des observateurs, fin novembre 2021, lorsque l’armée des Museveni père et fils franchissait la frontière congolaise pour se rendre dans la région de Beni et en Ituri, aux fins d’y éradiquer leurs compatriotes rebelles ADF/MTN. Cela fera bientôt 2 ans que comme les terroristes M23 soutenus par l’armée rwandaise, les Ougandais de l’UPDF sont toujours là à guerroyer sans réussir à en finir avec leurs criminels compatriotes.
Résultats mitigés de Shuuja
Rien que pour les mois de mars et avril 2023, les attaques armées ont provoqué la mort de 500 civils et le déplacement d’1 million de personnes, selon Marc Karna Soro, chef du bureau de la MONUSCO en Ituri qui fait état de la présence des ADF dans la région de Tchabi et de Boga, notamment.
Au Nord-Kivu voisin, la situation n’est sûrement pas plus enviable. Dans une évaluation des opérations conjointes FARDC-UPDF, le 17 mai 2023, la société civile du secteur de Ruwenzori dans le territoire de Beni rapportait que la léthargie observée dans la pression exercée sur les ADF avait permis une réorganisation des terroristes, notamment autour de Mwalika, un sanctuaire située dans la vallée du même nom. «Bien qu’attaqué à plusieurs reprises par la coalition FARDC-UPDF, Mwalika est un gros bastion des ADF et aussi longtemps qu’il ne sera pas entièrement démantelé, il n’y aura pas de paix durable pour les populations civiles», selon Ricardo Bupande de la société civile de Ruwenzori.
En réalité, il ne semble pas que l’UPDF ait reçu mission d’anéantir et d’éradiquer les terroristes du M23 mais plutôt de les affaiblir en les dispersant et de les éparpillant en Ituri et au Nord-Kivu. A l’occasion de la seconde prolongation du séjour des troupes ougandaises en RDC, le 26 août 2022 à Fort-Portal en Ouganda, le Général FARDC Camille Bombele le reconnaissait indirectement en assurant que tous les grands bastions des rebelles ougandais avaient été conquis. Et que seuls quelques groupuscules défaits et éparpillés tentaient de se reconstituer à Beni, Irumu et Mambassa. La suite de la mission des forces conjointes FARDC-UPDF consistait donc au démantèlement des poches de résistance et à l’application des méthodes terroristes pour faire face à la stratégie asymétrique mise en œuvre par les terroristes.
Dispersés, les ADF courent toujours
Près d’une année après, les ADF courent toujours, élargissant manifestement leurs espaces d’interventions dans le Grand Nord Kivu, entre Beni – Butembo et Kanyabayonga, s’approchant ainsi dangereusement du reste de la province du Nord Kivu où le risque de faire jonction avec les terroristes du M23 n’est pas à exclure.
Selon un rapport de Crisis Group (mai 2022), l’intervention ougandaise au Nord-Kivu et en Ituri visait davantage la protection d’intérêts économiques ougandais matérialisés par des accords relatifs aux travaux routiers conclus entre les deux pays, plutôt que l’éradication des ADF. Des experts militaires interrogés à ce sujet estiment que l’armée ougandaise n’a jamais visé ni une victoire militaire ni un déploiement à durée limitée : «le fait que l’armée ougandaise n’ait utilisé qu’un seul poste frontière pour entrer en RDC, permettant ainsi aux combattants ADF de se disperser vers le Nord-Ouest, semble corroborer cette théorie. Les troupes ougandaises auraient en effet pu acculer le groupe si elles étaient entrées en RDC par plusieurs points de passage simultanément est de nature à corroborer ce point de vue», selon un expert militaire cité par Crisis Group.
Que Yoweri Museveni ait pris prétexte d’attentats commis par les rebelles ougandais sur le territoire de ce pays voisin de la RDC révèle qu’à l’instar de Kigali qui dispose de ses propres FDLR et autres M23, il est possible que Kampala manipule certains ADF. Crisis Group rappelle à cet effet que les deux voisins de la RDC s’accusent mutuellement de soutenir ces rebelles ougandais. La vérité résidant peut-être dans le fait que chacun des deux Etats tient ses rebelles à sa solde : dans la région de Beni, une importante partie de l’opinion est persuadée que les ADF sont en réalité des troupes chargées d’une sorte nettoyage ethnique de la région.
Soutenus moitié par Kigali moitié par Kampala
Cette version des faits a été confirmée le 14 juillet 2022 à la Division des droits de l’homme du Congrès américain par Ida Sawyer, directrice à division Crise et conflits de Human Rights Watch (HRW). Invitée pour éclairer les législateurs US sur le travail des enfants et les violations des droits humains dans l’industrie minière en RDC, Mme Sawyer a expliqué que ces phénomènes étaient secondaires par rapport à l’insécurité consécutive à l’absence d’un Etat de droit qui sévit en raison notamment de l’insécurité entretenue en permanence par les pays voisins : l’Ouganda et le Rwanda. «Les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe islamiste salafiste armé et dirigé à partir de l’Ouganda et lié à l’Etat islamique (EI), sont responsables de la plupart des attaques les plus meurtrières perpétrées contre des civils ces dernières années», a-t-elle affirmé, établissant ainsi pour la première fois la responsabilité directe de Kampala et ces rebelles ougandais qui ne s’attaquent quasiment plus à leur pays d’origine depuis plusieurs décennies. S’agissant du Rwanda, la directrice de HRW a relevé au sujet de la résurgence du mouvement terroriste M23 qu’« il y a de plus en plus d’indications que le Rwanda les soutient ».
Le plan opérationnel initial de déploiement des troupes de l’EAC semble, lui aussi, de nature à conforter les envies de rester en RDC des Ougandais. Il les charges de combattre les ADF au Nord-Kivu et en Ituri (comme le plan conjoint convenu avec les FARDC) et préfigure de facto une prolongation de ses missions dans ses régions congolaises. De 1.700 hommes de troupes annoncées novembre 2021, il semble que l’UPDF ait porté le nombre de ses éléments engagés dans la traque des ADF à 4.000, selon les sources.
Fin mars 2023, l’armée ougandaise avait déployé un millier de combattants et du matériel militaire dans la région de Rutshuru avant d’être stationné à Kiwandja après le retrait supposé du M23, annoncé depuis le 10 avril par les forces ougandaises de l’EAC. Un milli er d’autres combattants UPDF était attendu pour être déployé au-delà de de Bunagana, Rutshuru-Centrre et Kiwanja où les ougandais font copain-copain avec les terroristes M23 chargés de percevoir des taxes, à Mabenga et sur l’axe Binza.
Déloger ces combattants des armées des pays voisins de la RDC ne sera pas opération aisée, estiment des observateurs qui craignent de la résistance de leur part.
J.N. AVEC LE MAXIMUM