La polémique autour des frontières rwando-congolaises n’a plus sa raison d’être. Plusieurs historiens estiment que c’est la République Démocratique du Congo qui a des terres à revendiquer au Rwanda, et non le contraire.
Il en est ainsi du très respecté professeur Isidore Ndaywel è Ziem pour qui «le Rwanda n’avait même pas accès au lac Kivu. C’est sur demande de l’Allemagne que l’actuelle RDC a dû le lui accorder».
Dans une ancienne vidéo qui fait le tour des réseaux sociaux, cet historien congolais avait eu à démontrer la contre-vérité de la récente assertion de Paul Kagame selon laquelle le Congo est à la base de la réduction de l’espace du Rwanda. «Il existe un mythe du grand Rwanda qui s’est développé dans la région, et qui, depuis la fin des années 1990 nourrit un imaginaire susceptible de pérenniser le climat des violences existant», avait alors déclaré l’académicien cartes en mains.
Il a ajouté que «c’est à partir de la manipulation de tels mythes que l’on prétend qu’il aurait existé un ‘‘grand Rwanda’’ englobant les espaces actuels du Nord et du Sud-Kivu, et que ce grand Rwanda aurait été combattu puis réduit à des portions congrues lors des conquêtes coloniales. Cette nouvelle situation aurait été adoptée par la conférence de Berlin puis après les indépendances par le 2e sommet de l’OUA en 1964 qui a opté pour le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. On comprend alors que cette soi-disant reconstitution du passé puisse alimenter des velléités hégémoniques du présent, en vue de l’accaparement éventuel d’une partie des terres congolaises par toutes sortes de prédateurs».
Pour l’historien Ndaywel, «en ce qui concerne les frontières rwando-congolaises, la situation ne souffre d’aucune ambiguïté. S’il faut revenir à la première carte de la région, du 1er août 1885, c’est plutôt le Congo qui aurait des terres à récupérer au Rwanda, et non le contraire, car sur cette carte initiale, la parte occidentale de l’actuel République du Rwanda était congolaise».
Et d’expliquer : «c’est à la suite de l’expédition du comte allemand Van Bilsen sur le lac Kivu en 1884 que furent réouvertes les négociations qui aboutirent à la signature de la convention du 11 août 1910 entre la Belgique, régente du Congo, et l’Allemagne, fixant la frontière actuelle avec le Rwanda et le Burundi».
Pour ce professeur d’université de renommée internationale, «par cette convention qui adopta un nouveau tracé allant du mont Sabinio au Tanganyika, le Congo a perdu une partie de ses terres au profit du Rwanda et du Burundi. L’instrumentalisation de l’histoire des conquêtes rwandaises au 19è siècle apparaît dès lors comme une accumulation de malentendus et même d’erreurs. L’allusion concerne toujours le règne de Kigeri IV, le roi du Rwanda qui était en place de 1867 à 1895. Avec ses 8 armées, ce souverain aurait organisé 13 campagnes militaires à la base de l’expansion et de la centralisation du royaume du Rwanda. Mais certaines de ses campagnes, furent des simples expéditions de razzia pour piller de l’ivoire, notamment dans les forêts du pays de Tembo, sans être suivies d’une quelconque annexion effective. De même, toutes ces campagnes ne furent pas couronnées de succès, comme dans le Sud contre le Burundi».
Comme quoi, les manoeuvres de prédation en RDC à partir du Rwanda ne datent pas d’aujourd’hui.
Makambo Bernetel avec le Maximum