Dans l’ex-province du Katanga démembrée, katumbistes et apparentés sortent du bois cahin-cahan pour remettre au goût du jour la vieille rengaine sécessionniste qui failli sonner le glas du grand Congo à peine indépendant au début des années 60. En des termes non voilés pour le Congolais lambda.
C’est à ce scénario politique esquissé par le tristement célèbre leader séparatiste Moïse Tshombe que s’est adonné, le 9 avril 2023 dans le fief paternel de Moba au Tanganyika, Christian Mwando, député national et tout récent ministre d’Etat au Plan pour le compte du parti politique d’un autre Moïse, Katumbi Chapwe, candidat déclaré à la présidentielle de 2023 dont il est devenu le haut représentant. La vidéo présentant l’héritier Charles Mwando Nsimba haranguant une foule de partisans est devenue virale sur les réseaux sociaux. L’élu de la circonscription de Moba y entonne un refrain populiste tiré des poubelles de l’histoire sombre de la RDC, mais qui séduit toujours quelques têtes brûlées ici: la sécession du Katanga. «Les jeunes menacent d’utiliser des ciseaux pour couper la province du reste du pays au cas où la candidature de Moïse Katumbi à la présidentielle ne serait pas retenue», lance-t-il à la cantonnade, récoltant une salve d’applaudissements.
L’affaire est plutôt sérieuse. Comme sous le régime du katangais Joseph Kabila, la candidature à la présidentielle de l’homme d’affaires italo-zambio-congolais, ancien gouverneur de l’ex -Katanga pose problème. En raison de problèmes juridiques créés par la multitude de nationalités qu’il traîne dans un pays dont la constitution réserve le top job aux seuls Congolais d’origine. Une proposition de loi initiée par un ancien candidat à la présidentielle, le professeur Noël K. Tshiani Mwadiamvita, portée par le député Nsingi Pululu et programmée à la session en cours de l’Assemblée nationale, verrouille l’accès aux fonctions de souveraineté, à commencer par la présidence de la République, gène particulièrement Katumbi qui se sent personnellement visé. C’est contre la perspective de l’adoption de cette proposition de loi que Christian Mwando et ses congénères katumbistes se sont mobilisés.
Porte-parole sécessionniste
Mercredi 12 avril 2023, le haut représentant de Moïse Katumbi dans le Katanga (les katumbistes récusent également le démembrement intervenu dans l’ancienne province) a formellement démenti le caractère sécessionniste de ses propos tenus à Moba. «Ils ont été sortis de leur contexte» se défend-il, expliquant que son objectif était «d’alerter le gouvernement et le président de la République sur la division et l’éclatement de l’Etat qui pourraient arriver par la loi Tshiani. C’est vrai ici au Katanga les gens sont très remontés et je dis très clairement que nous alertons toutes les institutions pour que cette loi ne soit pas programmée, votée, parce que c’est une loi qui va créer l’exclusion et qui va avoir des transhumances ethinicistes, régionalistes». En réalité, ceux qui dans l’opinion croient à ce qui est perçu comme un rétropédalage de Christian Mwando peuvent se compter sur les les doigts de la main. «La stratégie des katumbistes est connue, elle consiste à faire des déclarations avant de les démentir par la suite. Moïse Katumbi lui-même avait fait état de ‘‘kits électoraux achetés avec l’argent du Katanga’’ dans une récente interview avant de se rétracter», rappelle l’influenceuse Lisette Mongendu. Tandis que l’Institut de recherche sur les droits humains (IRDH) assure que le code «ciseaux» employé par Mwando au cours de son meeting de Moba est «un concept propre au milieu sécessionniste katangais». Il ne s’agissait donc nullement d’alerter quiconque, surtout pas le gouvernement et le président de la République avec lesquels les canaux de communication sont connus, selon cet entendement.
Chauffés à blanc par la propagande
Dans le Haut-Katanga, ces groupes irrédentistes sont convaincus que le haut représentant de Moïse Katumbi dit à peu près la vérité lorsqu’il déclare que «les gens sont très remontés au Katanga». Même s’il se garde de désigner qui les «remonte». On signale l’apparition à Lubumbashi et dans certaines agglomérations de l’ancienne province cuprifère, de groupes de jeunes des partis politiques séparatistes qui font régner une atmosphère de terreur du genre de celle que l’on a vue avec la Juferi de Gabriel Kyungu wa Kumwanza et Jean Nguz-Karl-I-Bond. «Dans certains quartiers, ils érigent des barrières et imposent des taxes aux passants, particulièrement à ceux qui sont perçus comme non originaires du Katanga», rapporte-t-on. C’est à ces groupes d’exaltés que l’on doit l’incident malheureux qui a opposé des jeunes manifestants de la Junafec à des éléments FARDC à Lubumbashi, qui se sont soldés par morts d’hommes. «Les jeunes de la Junefec tentaient une marche vers le centre des affaires à Lubumbashi lorsqu’ils se sont affrontés aux éléments FARDC envoyés pour les en empêcher», expliquent encore nos sources au sujet de cette affaire portée devant les juridictions locales.
Des sources sécuritaires dans l’ex-Katanga font état de la gestation de groupuscules armés dans le dessein de soutenir un éventuel projet de sécession du Katanga à partir de la Zambie voisine. A l’appui de ces graves dénonciations, on fait état des échanges téléphoniques et de vidéos présentant les cartes de la nouvelle province sécessionniste, drapeaux et emblèmes. De Kinshasa, les autorités du gouvernement central semblent au fait de la menace qui pèse sur le pays puisqu’on note une augmentation sensible des troupes FARDC dans la région. Au grand dam du clan katumbiste dont quelques membres se plaignent publiquement de cet afflux de militaires dans l’ex-Katanga «alors que la province n’est pas en guerre».
Situation explosive
A l’évidence, la situation est explosive dans l’ex-Katanga où il suffirait d’une étincelle pour faire flamber la région. Mais pas à cause de la loi dite Tshiani, ni de l’exclusion de Moïse Katumbi de la course à la présidence. «Le président du TP Mazembe de Lubumbashi avait déjà été écarté de la course au Top Job en RDC en 2018 sans attirer les foudres sur quiconque», rappelle ce professeur de sciences politiques à l’Université de Lubumbashi. Qui situe le vrai danger au niveau des puissances occidentales mécontentes d’avoir été surclassées par leurs rivaux asiatiques sur le terrain de l’exploitation minière et qui ont intérêt à bouleverser les cartes pour se repositionner avantageusement dans cet eldorado. Et sont susceptibles de soutenir des troubles, comme en 1960.
De ce point de vue, les Mwando, Katumbi et autres Dominique Munongo ne font qu’emboîter les pas de la génération des Moïse Tshombe, Godefroid Munongo etc. au profit des mêmes occidentaux qui financèrent la funeste sécession katangaise de 1960 via l’Union minière du Haut-Katanga. Comme quoi, l’histoire a tendance à se répéter. Simplement.
J.N. AVEC LE MAXIMUM