Ils étaient visibles un peu partout dans les rues de la capitale de la RDC, jeudi 6 avril 2023, défilant fièrement et gaiement au son de divers instruments de musique et de chants. Mais sans doute un peu partout sur le territoire national et ailleurs. Les adeptes de la religion kimbanguistes sont à la fête. Et ça n’est sans doute pas terminé. Parce qu’au terme d’une ordonnance datée du 30 mars 2023, le président Félix Tshisekedi Tshilombo a décrété le 6 avril de chaque année jour férié légal, en souvenir du combat de libération, religieuse et sociale, mené par le prophète congolais Simon Kimbangu.
Le chef de l’Etat congolais honorait ainsi une promesse faite aux fidèles kimbanguistes et à leur chef spirituel à l’occasion du centenaire de cette église qui compte de nombreux adeptes dans les pays limitrophes liés à la RDC par une longue histoire commune, le Congo-Brazza et l’Angola, notamment. Mais pas seulement, parce que la journée décrétée fériée le plus légalement du monde consacre, au-delà du combat du prophète Ne Kongo, l’éveil de la conscience africaine. Parce que Simon Kimbangu, né le 12 septembre 1887 à Nkamba – soit, seulement 3 ans après que des puissances occidentales se furent partagées les terres congolaises à Berlin – sera à l’origine d’un vaste mouvement socio-religieux prônant la libération de l’homme noir avili et colonisé par l’homme blanc. La rengaine du prophète, qui multiplie miracles et guérisons de malades dans les années 1920 est connue et très embêtante par l’occupant colonialiste belge : «L’homme noir remplacera l’homme blanc », énonce-t-il au cours de ses nombreuses prédications.
Religion de libération
La réaction, extrêmement musclée des autorités coloniales ne se fait pas attendre. Le 6 juin 1921, elles diligentent une colonne de la Force Publique à Nkamba en vue d’appréhender Simon Kimbangu. Mais la tentative échoue, miraculeusement, selon les adeptes de plus en plus nombreux du prophète. Seulement des dirigeants et collaborateurs du mouvement religieux sont arrêtés et emmenés à Thysville (actuel Mbanza-Ngungu). L’opération militaire en elle-même se soldant par plusieurs blessés et au moins un mort, selon les officiels. C’est que les soldats placés sous les ordres d’un certain capitaine Morel avaient tiré à balles réelles.

En septembre 1921, Simon Kimbangu décide de se rendre spontanément aux autorités coloniales. Pour arrêter le carnage de ses compatriotes. Il est aussitôt traduit devant un conseil de guerre et condamné à mort au bout de trois jours de procès. Le Roi Albert 1er de Belgique commuera sa peine en détention à perpétuité et Simon Kimbangu est transféré à la prison d’Elisabethville au Katanga. Il y restera en détention jusqu’à sa mort, le 12 octobre 1951. C’était neuf ans avant l’indépendance annoncée de son pays, acquise le 30 juin 1960.
Mais les bourreaux du prophète congolais ne s’en tiendront pas à son élimination physique et tenteront de briser définitivement son mouvement indépendantiste en reléguant ses principaux disciples aux quatre coins de l’immense RDC. Sans grand succès parce que ce faisant, ils permirent une extraordinaire expansion du mouvement socio-religieux à travers le pays. C’est la consécration qui n’attendait que la commémoration officielle ordonnée 72 ans après sa mort, par le président Tshisekedi.
Nouvelles formes d’asservissement
En consacrant le 6 avril de chaque année journée de commémoration de la lutte du prophète de la libération que fut Kimbangu, Félix Tshisekedi semble également appeler le saint prophète à la rescousse. Car, comme pendant la période coloniale, la RDC fait plus que jamais l’objet de la convoitise des puissances de la planète qui pillent ses ressources naturelles sans réelle contrepartie. Pire, depuis près de trois décennies, le pays-continent fait l’objet d’agressions militaires à répétition qui martyrisent les populations congolaises sous le regard indifférent des puissants de ce monde, sans doute complices de ces atteintes d’un nouveau genre à la dignité des Congolais. Se libérer des nouvelles formes d’asservissement et de re-colonisation requiert plus que des armés à feu : des ressources culturelles et identitaires sont indispensables. A cela, la lutte de libération lancée par le prophète Simon Kimbangu peut servir. Beaucoup.
J.N. AVEC LE MAXIMUM