Gouverner par le chaos. C’est vraisemblable- ment la méthodologie que s’est concocté le chef de l’exécutif de la province du Sankuru, Jules Lodi Emongo, une approche qui a le don d’énerver les responsables du pouvoir délibérant et du pouvoir judiciaire en place dans cette entité qui ne mettent plus de gants pour défendre les compétences que la constitution et les lois régissant la République Démocratique du Congo attribuent à chacun des trois pouvoirs dont l’ordonnancement juridique dans un État de droit voudrait qu’ils soient séparés. Accusé par les chefs des institutions législative et judiciaire de faire preuve d’une gouvernance marquée par la prédation et l’arbitraire, le gouverneur Lodi, au lieu de jeter des passerelles d’un dialogue susceptible de créer l’empathie interinstitutionnelle élémentaire qui constitue la pierre angulaire de la décentralisation en vigueur dans le pays de Lumumba semble avoir choisi de s’enfoncer dans le déni le plus abject en se confinant dans des manœuvres de diversion qui ne font qu’aggraver la situation de non-droit qui infecte la gestion publique dans cette partie du territoire congolais. Plus de 5 millions d’habitants de cette province ont, de ce fait, vécu un cycle de troubles intermittents parce le pouvoir y est totalement décorrélé de l’intérêt public. Dernier épisode en date, ce constat sévère et amer du pouvoir judiciaire local à travers une correspondance sans aménité du premier président de la Cour d’appel du Sankuru qui, après le président de l’Assemblée provinciale,la classe politique et la société civile, est monté au créneau pour remonter les bretelles à Jules Lodi. Dans une correspondance datée du 22 mars 2023 adressée à Jules Lodi, le taciturne juge David Okundji Wembokoko, ci-devant premier président de la Cour d’appel du Sankuru a rompu sa réserve pour exprimer son profond désappointement en le décrivant comme «seul coupable et responsable de la détérioration du climat entre les institutions étatiques au sein de la province du Sankuru. Au lieu de jouer le rôle qui est le vôtre, en respectant vos attributions constitutionnelles et légales, vous préférez entretenir le désordre, l’anarchie et une cohabitation inutilement et vainement conflictuelle avec le pouvoir judiciaire». Le patron de institutions judiciaires du Sankuru reproche à Jules Lodi plusieurs chefs d’accusation relatifs parmi lesquels «l’obstruction à l’exécution des décisions judiciaires, l’outrage au chef de l’État au nom des quels les jugements sont exécutés, l’outrage aux membres des cours et tribunaux, des cas d’excès de pouvoir, des arrestations arbitraires suivies de détentions illégales et la violation des principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’usurpation des fonctions publiques en s’autoproclamant ‘’magistrat suprême par délégation’’, la provocation et l’incitation de manquement envers l’autorité publique, incitation à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline». Cette déclinaison est loin d’être exhaustive. Détaillant ses allégations, le 1er président Okundji a fait allusion notamment aux initiatives réitérées du gouverneur de s’opposer à l’exécution des ordonnances sous ROR 064, 065 et 071 de la Cour d’appel faisant fonction de Cour administrative d’appel portant annulation d’actes administratifs jugés illégaux à l’encontre respectivement d’un média audiovisuel à Lodja et du chef de son secteur d’origine à Katako-Kombe en instrumentalisant les administrateurs de ces deux territoires et des officiers de la Police nationale congolaise. Jules Lodi est également épinglé pour avoir fait expulser des magistrats et des membres de la société civile du Sankuru en atelier de formation sur la traite de personnes et tenté d’empêcher la libre circulation des magistrats en pré- textant que la Cour d’appel aurait dû préalablement faire avaliser leurs activités par lui «un outrage aux membres des cours et tribunaux punis par l’article 136 et suivants du code pénal ordinaire livre II et en violation du principe constitutionnel de l’indépendance du pouvoir judiciaire consacré par l’article 149». Autre reproche fait au numéro 1 de la province du Sankuru, ses immixtions intempestives dans l’instruction pré juridictionnelle et le fonctionnement du parquet en soustrayant des justiciables de leurs juges naturels et en instituant une curieuse pratique de «grâce du gouverneur à des personnes présumées coupables de diverses infractions». Ce cri de cœur du 1er président Okundji fait suite à une précédente alerte lancée le 06 décembre 2022 par le magistrat Gilbert Kyungu Kasumbi, procureur général a.i. près la Cour d’appel du Sankuru qui, s’adressant au procureur général près la Cour de cassation, avait également dénoncé «les nombreuses interférences du gouverneur dans les affaires judiciaires, les arrestations et incarcérations arbitraires de personnes qualifiées de criminels, sans aucune pièce de détention et sans qu’elles ne soient auditionnées par l’officier du ministère public ni condamnées par une juridiction compétente». Avant ces deux hauts magistrats, le président de l’Assemblée provinciale du Sankuru, l’honorable Benoît Olamba avait jeté un pavé dans la marre en prenant de la distance par rapport à la gestion incurieuse des maigres ressources de la province tandis que le responsable de la Société civile, forces vives du Sankuru, Me Benoît Savin Dandja et le bâtonnier de l’Ordre des avocats de cette province, Me Albert Elonge, imputaient publiquement aux dérives autoritaires débridées du gouverneur Jules Lodi les difficultés du vivre ensemble qui minent la province. Interrogé sur tous ces faits au cours d’un entretien avec Top Congo FM, Lodi s’est emmuré dans la langue de bois en passant par pertes et profits les critiques lui adressées par la société civile, le barreau et le parquet avant de nier carrément avoir reçu la correspondance du premier président de la Cour d’appel du Sankuru alors que dans le même temps un de ses griots, le sieur Samuel Olema, utilisant son pseudonyme sur internet, Billy Charles y répondait à travers une réaction vitriolée qui s’apparente plus à un maladroit plaidoyer pro domo. Peine perdue car, face à la persistance de la clameur publique qui poursuit le gouverneur et la pertinence des allégations soigneusement documentées par l’Assemblée provinciale, les cours et tribunaux, le barreau et la société civile concernant ses pratiques en marge de la législation, les propos fantasques de ce volubile porte-voix du gouverneur Jules Lodi ont pris la forme d’une jactance déchaînée et sans lien avec les imputations attribuées au chef de l’administration provinciale, avec, en plus une lamentable tentative de politisation qui ne tient pas la route. En effet, dans leur réaction à la correspondance que leur chef prétend n’avoir jamais reçue, les collaborateurs de Lodi écrivent que : «Le 1er président de la Cour d’appel qui est un fervent militant de la Convention des Congolais Unis (CCU), a raté une occasion de se taire » (tweet du dénommé Samuel Olema). En accusant ainsi ce haut magistrat d’être encarté dans le parti politique dirigé par le député national Lambert Mende Omalanga a fini de convaincre les plus sceptiques quant à la justesse des accusations qui accablent le gouverneur. «Cette allégation d’une prétendue inféodation du 1er président de la Cour d’appel du Sankuru à la CCU est d’autant plus invraisemblable qu’il est de notoriété publique que c’est sous l’autorité de ce magistrat que cette juridiction a, dans un passé récent littéralement vidé ce parti de la quasi-totalité de ses députés provinciaux en invalidant tour à tour les honorables Berthold Oyangandji (élu de Lodja) et Lobho (élu de Lusambo) et ce, malgré l’opposition de la CCU qui a épuisé toutes les voies de recours quant à ce. Comment un haut magistrat prétendument membre de ce parti aurait-il pu rendre de tels arrêts contre un parti dont il serait membre?», s’est interrogé un prêtre séculier du diocèse de Tshumbe dans le Sankuru pour qui la fuite en avant de Jules Lodi relève d’une sorte de suicide politique de Jules Lodi dans lequel il donne l’impression de vouloir entraîner les autres institutions provinciales. Et d’ajouter : «C’est un cas-type de crise institutionnelle que le président de la République et le gouvernement central auraient tort de minimiser car elle peut provoquer l’effondrement de la confiance des citoyens dans les pouvoirs publics, avec des conséquences totalement imprévisibles sur le bien-être collectif et la paix sociale». On rappelle que la province du Sankuru a eu en 2019 avec le semi-lettré Joseph-Stéphane Mukumadi, un gouverneur issu de la pègre qui, d’intrigues en rebondissements a plongé cette entité dans une gestion vaudevillesque. Avec l’avènement l’année dernière de l’avocat Jules Lodi, on croyait l’espoir permis. A tort car il paraît même incapable de se remémorer ses notes des cours de droit que les uns et les autres ne cessent de lui rappeler au gré de sa gestion erratique de l’exécutif provinciale. «Ce monsieur donne l’impression d’un enfant à qui on a donné un jouet dont il peut user à sa guise», se plaint un député provincial excédé par les excentricités du gouverneur qui a transformé son cabinet de travail en un salon de mondanités pour une cour de flagorneurs aussi serviles que boulimiques qui ont réussi à lui faire croire que la province était un bien privé à sa disposition. Les masques sont tombés Maître Jules Lodi n’avait aucune expérience politique avant qu’il soit propulsé au gouvernorat du Sankuru en 2022 grâce à une opération concoctée par une poignée de députés provinciaux. Ne possédant aucune culture gestionnaire démocratique, il ne fait pas mystère du fait que pour lui, tout désaccord avec sa volonté ses décisions constitue une atteinte à la sécurité de «sa» province et une insulte personnelle. Affligé d’un narcissisme rare, il s’est permis de faire fermer sur un coup de tête une demi-douzaine de médias communautaires en pleines opérations d’enrôlement alors qu’ils auraient pu jouer un rôle important dans la mobilisation des populations des sankurois pour la réussite desdites opérations. Sa propension à museler toute contradiction l’a poussé à s’aliéner tous les leaders politiques du Sankuru qui osent lui prodiguer des conseils mettant une grande majorité de la population dans un état de rage dirigée contre sa personne. Pour s’en sortir, il campe de manière morbide dans un déni proche de l’infantilisme, la diversion et la confrontation. «On ne doit pas s’opposer à l’État! », vocifèret-il en donnant à croire que ce concept se résume en sa personne car il bénéficie de l’appui des forces de police chargée du maintien de l’ordre qui n’hésitent pas à recourir utiliser à la violence même contre le personnel des Cours et tribunaux au service desquels elles sont aussi affectées lorsque ceux-ci s’opposent aux abus et excès du gouverneur-dispensateur des-prébendes.
On parle aussi de rafles illégales qui ciblent les jeunes leaders en vue des communautés autres que celle de Jules Lodi et qui croupissent parfois sans raisons valables dans des prisons privées du gouvernorat sous la surveillance du commissaire supérieur principal Ekofo, qui après le départ en congé forcé de son chef, le sous-divisionnaire adjoint Kyungu, s’est spécialisé dans le rôle de factotum patenté du gouverneur Lodi le « magistrat suprême par délégation » qui embastille ou accorde la « grâce gouvernorale », une allégorie fantaisiste et usurpateur de la « grâce présidentielle », cette prérogative dévolue exclusivement au chef de l’État à cette différence que ce dernier n’y recourt qu’en faveur des délinquants dûment condamnés par la justice alors que sieur Lodi se permet d’empêcher toute procédure judiciaire à l’encontre des justiciables de son obédience au motif en arguant, pince sans rire, du fait qu’ils lui aurait demandé pardon ! Les bénéficiaires de ces mesures illégales sont en général des délinquants ou des agents publics auteurs d’agressions contres des membres de groupes autres que ceux proches du gouverneur, ce qui les encourage rivaliser de cruauté dans leurs actions de répression des «ennemis» du gouverneur. Quelques éléments de la police nationale se sont ainsi transformés en une milice privée qui, par la violence et l’intimidation, se signale par des graves atteintes aux droits garantis par la constitution qui sont le dernier souci de l’omnipotent gouverneur. Peu de gens sont capables de voir à travers un écran de fumée. Mais… les dernières remontrances du 1er président de la Cour d’appel du Sankuru publiées après les mises en garde de l’Assemblée provinciale du Sankuru sur la gestion calamiteuse de la province et les dénonciations du barreau et de la société civile locale prouvent que les sinistres frasques de Jules Lodi ont été démasquées. Face aux désastres protéiformes provoqués par son inconséquence, le chef de l’exécutif provincial du Sankuru rue dans les brancards et fait qu’il a lui-même provoqués et semble ne plus rien contrôler. À son image, l’ensemble de l’exécutif provincial avance à reculons dans un bourbier général dont on ne voit plus très bien le bout. Il reste à espérer que la propension du gouverneur à s’enfoncer dans le déni et la diversion ne va pas se solder par l’ouverture d’un nouveau front avec des armes autrement plus acérées. En attendant, les populations du Sankuru doivent faire face à une inflation incontrôlée du prix des denrées alimentaires et du carburant à cause de la grave défectuosité du réseau routier et des road blocks dont l’inénarrable gouverneur Lodi a jalonné les principales voies d’accès des agglomérations pour extorquer de pauvres paysans en route vers, ou en provenance des marchés saisonniers. Il n’y a plus de médecin dans la plupart des hôpitaux à cause des intimidations et des harcèlements provoqués par le gouverneur qui se laisse souvent aller à des excentricités comme lorsqu’il a tenté d’imposer une infirmière les attributions d’un jeune médecin placé à la tête d’un programme prophylactique nécessitant une spécialisation. Le niveau scolaire s’est très dangereusement affaissé, la police ne parvient plus à maintenir l’ordre, la justice est bridée dans ses efforts pour dire le bon droit qui doit rimer avec les humeurs du proconsul. A moins que l’Assemblée provinciale ou le président de la République n’y mettent bon ordre, il y a véritablement péril en la demeure.
A.M. AVEC LE MAXIMUM