Le gouvernement congolais persiste et signe : le Trésor public perd près d’un milliard USD par an suite à la contrebande de minerais par le Rwanda, ce qui appelle à l’imposition de sanctions internationales à l’encontre des responsables de ce crime économique. C’est ce qu’a déclaré Nicolas Kazadi, ministre des Finances et a.i. de l’Economie. Selon l’argentier national, le Rwanda a exporté l’année dernière près d’un milliard USD d’or, d’étain, de tantale et de tungstène dont les gisements dans ce pays sont insignifiants. «En fait, tout vient de la RDC. Ce ne sont pas seulement des allégations, il y a des preuves». Le ministre congolais des Finances est revenu sur les accusations de son gouvernement désignant le Rwanda comme principal auteur du pillage des ressources naturelles de la RDC par le biais du soutien au M23, un groupe armé vaincu en 2013 et remis sur pied en 2021 par Kigali. «Le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a récemment exhorté son homologue français Emmanuel Macron en visite à Kinshasa à envisager des mesures économiques contre le Rwanda pour son soutien au M23, auteur d’une insurrection brutale dans l’Est de la RDC. Nous attendons toujours ces sanctions», a-t-il ajouté dans son interview avec le Financial Times Commodities Summit à Lausanne (Suisse), en précisant que l’objectif principal de l’offensive du M23 était de siphonner les minerais de la RDC vers le Rwanda. «Nous sommes très surpris de voir qu’il n’y a pas de sanction [pour le Rwanda], pas même un début».
En décembre 2022, le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait dit au président rwandais Paul Kagame que «tout soutien extérieur aux groupes armés non étatiques en RDC doit cesser, y compris l’aide du Rwanda au M23», selon le département d’État américain. Le Rwanda a nié à maintes reprises les allégations faisant état de son implication dans la prétendue rébellion du M23.
Minerais extraits à la main
La RDC possède certaines des ressources naturelles les plus recherchées dans le monde. Le riche gisement de minéraux qui longe la frontière de la RDC avec l’Ouganda et le Rwanda contient de grandes quantités d’or et certains des plus grands gisements de tantale de la planète, également connu sous le nom de coltan. Extrait à la main, le coltan est utilisé dans la fabrication d’appareils électroniques. La RDC a exporté 2.220 tonnes de coltan l’année dernière, soit une hausse de 54 % par rapport à 2021. Les exportations officielles d’or ont chuté de 11 % à un peu plus de 28 tonnes, bien que les véritables exportations d’or soient considérées comme beaucoup plus élevées. Le Trésor américain a estimé que plus de 90 % de l’or de la RDC était «passé en contrebande» vers des pays comme le Rwanda et l’Ouganda, où il est raffiné et exporté, principalement vers les Émirats arabes unis.
L’année dernière, les États-Unis ont sanctionné le propriétaire d’une raffinerie d’or ougandaise pour son implication présumée dans le commerce illégal de cette matière, qui, selon les analystes, est un moteur important du conflit de longue date à l’Est de la RDC. Dans un effort pour résoudre le problème, le gouvernement de la RDC a lancé en janvier une coentreprise avec une société basée aux Émirats arabes unis pour exporter l’or de la RDC extrait artisanalement vers une raffinerie du Golfe. Nicolas Kazadi a déclaré à ce sujet que l’entreprise, Primera Gold DRC, qui vise à terme à exporter une tonne d’or certifié de la RDC chaque mois, avait exporté 454 kg d’or depuis le début de ses opérations en janvier. «Ce que nous essayons de faire maintenant avec les Émirats est l’une des réponses que nous apportons [au conflit] sur le plan économique. Nous avons encore besoin d’autres réponses, y compris des sanctions». Kagame a souvent entretenu de solides relations bilatérales avec des partenaires occidentaux, y compris le Royaume-Uni, malgré les nombreuses preuves produites par les enquêteurs de l’ONU sur l’implication de son pays dans la déstabilisation de l’Est de la RDC. Le gouvernement britannique a accepté de payer au Rwanda 120 millions de livres sterling pour accueillir les demandeurs d’asile à problème afin de les dissuader de se rendre dans ce pays, un plan très critiqué par les politiciens de l’opposition et les groupes de défense des droits de l’homme.
AVEC FINANCIAL TIMES