Le célèbre réalisateur belge Thierry Michel aurait reproduit frauduleusement des extraits du film «Congo ! Le silence des crimes oubliés», réalisé auparavant par deux cinéastes congolais qui ne se sont pas privés de dénoncer cette tricherie.
Répondant à ses accusateurs devant un parterre de journalistes, Thierry Michel et ses partenaires ont rapidement présenté le parcours de leur film «L’Empire du silence» qu’ils se projettent d’emmener en tournée en RDC à partir de la semaine prochaine.
S’agissant de l’affaire l’opposant aux frères Balufu, Thierry Michel, flanqué de sa productrice a insisté sur le fait qu’il n’y avait aucun plagiat à son sens.
Films sur les droits humains
On rappelle que les deux films traitent des crimes et atteintes aux droits de l’homme qui endeuillent la région des Grands lacs depuis plus de deux décennies. Le réalisateur carolorégien et son avocat, Alexis Deswaef, ont qualifié ces accusations de plagiat et contrefaçon de «grotesques», tout en émettant des craintes de poursuites judiciaires contre au Congo. «Je ne connais pas les raisons profondes de ceci puisque cela ne repose sur aucun fondement. Une étude juridique a été faite par un bureau spécialisé en droits d’auteur à la demande de la Scam dont je suis membre et dont les frères Balufu sont membres pour déceler le vrai du faux», explique Thierry Michel. Il soutient que «cette étude a bien précisé évidement qu’il n’y avait aucun plagiat, mais il y a cette tentative de censure brutale de la part des frères Balufu qui veulent empêcher cette parole des victimes que j’ai récoltée de s’exprimer mais ce qui est paradoxal c’est que leur film, qui date de 2015, est un film fantôme que personne n’a vu». Sans expliquer pour quelles raisons les Balufu feraient obstruction à la divulgation d’informations qu’ils avaient eux-mêmes déjà publiées à leurs risques et périls en 2015.
Viol de l’imaginaire
Contacté par la Deutsche Welle, le réalisateur, producteur et professeur d’universités Balufu Bakupa Kanyinda précise que ce qui l’oppose à Thierry Michel est «une affaire relative à un soupçon de plagiat, de contrefaçon, et de viol de l’imaginaire». A son sens, le film réalisé par
Thierry Michel en 2021 a été copié de son film «Congo le silence des crimes oubliés», produit en 2015.
«Quand nous avons vu son film, nous nous sommes rendu compte que même la structure narrative et le titre découlent de notre oeuvre. Nous avons pris contact avec lui pour demander gentiment de mettre à notre disposition la copie de son film afin de procéder à une comparaison et lever les soupçons ou les confirmer. Monsieur Thierry Michel a refusé et c’est comme ça que nous avons décidé de nous adresser à la justice. Seule la justice peut maintenant exiger cette copie que nous n’avons pas pu obtenir à l’amiable. Nous ne sommes pas des magistrats pour interdire son film ou le censurer», a-t-il précisé.
Faire taire les voix du plaidoyer
Christian Liongo, membre de la structure Conscience congolaise pour la Paix (COPAX) proche du Prix Nobel de la paix 2018 Denis Mukwege, était présent à cette conférence de presse de Thierry Michel pour soutenir ce dernier contre son compatriote. Il a déclaré à cette fin que l’accusation de Balufu est à placer dans un contexte beaucoup plus global qui vise à «faire taire des voix influentes pouvant agir contre l’impunité à l’Est de la RDC. Nous avons constaté systématiquement un harcèlement vis à vis des grandes voix qui mènent un plaidoyer par rapport aux crimes commis en RDC. Pour nous en tenir aux faits, je pourrais citer le cas d’Alphonse Maindo, professeur à l’Université de Kisangani qui a été arrêté au mois de juin. Bien entendu, il y a le Dr. Denis Mukwege à qui on a encore empêché la semaine dernière de tenir une conférence strictement scientifique et effectivement, il y a le cas de Thierry Michel qu’on essaye clairement de faire taire. A travers des outils comme le rapport Mapping ou encore le film l’Empire du silence de Thierry Michel où l’on cite nommément certains responsables congolais, certains d’entre eux sont encore actifs aujourd’hui au sein des institutions ou encore de l’armée ou de la police», a vitupéré Liongo.
Ce partisan du Dr. Mukwege confond délibérément la démarche légitime de Balufu qui, n’ayant aucune responabilité publique au Congo, s’estime lésé par le vol de tout ou partie de l’oeuvre de son esprit avec des considérations politiciennes évanescentes.
On retrouve dans cette agitation de Liongo, la déplorable inclinaison de plus d’un intellectuel congolais à adouber les causes les plus indéfendables contre leur pays et leurs compatriotes dès lors qu’ils y trouvent un intérêt personnel.
Dédommagements symboliques
Thierry Michel dont on connait la tendance à se victimiser pour assurer le succès de ses oeuvres au lieu de compter sur leurs qualités artistiques, avait naguère défrayé la chronique en prétendant fallacieusement que son film ‘‘L’homme qui répare les femmes’’ sur le travail du Dr. Denis Mukwege avait été interdit par le régime de Joseph Kabila. «Ce cinéaste qui semble faire son beurre sur le Congo-bashing voudrait faire croire que même après l’avènement de Félix Tshisekedi au pouvoir, il continue à faire l’objet de restrictions, ce qui est totalement faux puisque ‘‘L’Empire du silence’’ a été déjà projeté au palais du peuple fin novembre 2021 sans soulever la moindre vague», déclare Jean Albert Assiani, professeur à l’Institut national des Arts (INA).
Lors de la première audience, le tribunal a procédé à l’identification des parties et à l’audition des charges retenues contre les accusés Thierry Michel, en présence des deux frères cinéastes congolais.
Dans ce procès pénal, les deux frères ont sollicité des dommages et intérêts purement symboliques (1 FC) ainsi que la saisie conservatoire du film «L’empire du silence».
Le procès se tiendra à Kinshasa le 30 août, suite à la citation pénale à comparaître pour Thierry Michel et sa productrice devant le Tribunal de Kinshasa.
LE MAXIMUM AVEC DW
