Entre la RDC et son voisin rwandais, l’escalade de la tension a atteint des proportions critiques. Kinshasa, qui accuse Kigali d’agression armée carrément en raison de son soutien et la participation de ses forces armées aux combats contre les FARDC au Nord-Kivu, menace d’en arriver à la rupture des relations diplomatiques si Kigali ne renonce pas aux violations de son territoire.
Sur le terrain, les affrontements entre les forces armées de la RDC et les rebelles du M23 soutenus par l’armée rwandaise se sont poursuivis mardi 21 juin 2022 dans la zone de Bikenge et Ruyumu, vers les groupements de Kisigari et de Jomba en territoire de Rutshuru. Après avoir été repoussés lundi 20 juin de Karambi, Kitagoma et Kitovu en groupements de Bweza et Busanza, les rebelles du M23 et leurs alliés RDF ont réagi, mardi matin, ciblant les positions FARDC à Bikente et Ruyumu sur l’axe Kabaya-Rumangabo, rapportent des sources locales.
Ces affrontements d’une rare violence ont provoqué la mort d’une dizaine de civils fauchés par les obus tirés par les rebelles qui, selon les observateurs, visent la conquête de la ville de Goma.
La recrudescence des affrontements au Nord-Kivu et l’escalade de la tension dans les relations entre la RDC et le Rwanda ne devrait pas provoquer une guerre entre les deux pays, selon Fitch Solutions Country Risk and Industry Research, une agence de notation américaine. «Les intérêts des forces en présence affaiblissent les possibilités d’un tel scénario», selon un rapport de l’agence.
65 % de chance
Le document, qui évalue à travers plusieurs scénarios, les possibilités de dénouement de la crise actuellement en cours entre les deux pays, les tensions rwando-congolaises, nouvel épisode d’une relation houleuse qui dure depuis 1996 devraient se poursuivre sur plusieurs mois encore. Néanmoins, l’institution indique qu’il y a 65% de chance que la situation se poursuive sans déboucher sur un conflit militaire à grande échelle. «Nous pensons qu’en dépit des tensions élevées, la médiation en cours de la communauté internationale empêchera un conflit militaire à grande échelle entre les forces armées de la RDC et du Rwanda, même si les liens bilatéraux entre les deux pays continueront de se détériorer», précise la note citée par Ecofin. «Nous nous attendons à ce que, même si les relations entre les deux Etats restent fracturées pendant un certain temps, les implications économiques ne soient pas graves. (…). De plus, la RDC obtiendra probablement le soutien militaire de ses partenaires de l’EAC. Ce qui empêchera une augmentation significative de l’activité des groupes armés», ajoute-t-elle.
Cette prévision est également motivée par le fait que selon Fitch, aucun des pays de la région ne tirerait un quelconque avantage d’un affrontement, à commencer par le Rwanda. S’il entre en guerre contre son voisin, le pays des Mille collines pourrait en effet ternir l’image de marque qu’il s’est forgé à l’international en tant que pays stable et qui lui permet entre autres d’attirer les investisseurs et de bénéficier du soutien des bailleurs de fonds internationaux. De plus, Kigali qui a ouvert il y a trois ans sa première raffinerie d’or, alimente celle-ci grâce à la matière première importée de la RDC. Un conflit ouvert avec Kinshasa risquerait donc de perturber cet approvisionnement et d’affaiblir les recettes issues de cette activité.
Lundi 20 juin, Nairobi, la capitale du Kenya, a accueilli à l’initiative du président Uhuru Kenyatta un sommet des chefs d’Etats de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) pour tenter de trouver une solution pacifique aux tensions. Si aucun accord entre Kigali et son voisin n’a été annoncé à l’issue de la rencontre, la présence de Félix Tshisekedi et de son homologue Paul Kagame au sommet a envoyé un signal positif concernant l’ouverture des deux dirigeants au dialogue.
Dans l’immédiat, l’Est de la RDC devrait bientôt voir arriver des contingents de la mission militaire de l’EAC, dont le déploiement a été approuvé à l’issue du sommet.
J.N