L’église catholique fonctionne à maints égards comme un régime parlementaire. Le Pape ne l’engage qu’après avis du collège des cardinaux (assemblée plénière de la congrégation pour la conservation de la foi, synodes des évêques ou conciles, selon les cas). De même que dans les dynasties constitutionnelles, le roi n’exprime que le point de vue de la majorité parlementaire au gouvernement, le numéro 1 du Vatican ne s’exprime que sur base d’un script passé au peigne fin par l’épiscopat.
C’est dans ce cadre que la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) prépare les communications que le Pape François fera lors de sa visite à Kinshasa et Goma début juillet prochain.
Le Saint père a déjà indiqué qu’il comptait placer son séjour en RDC sous le signe de la réconciliation, autour du thème : «Tous réconciliés en Jésus-Christ». Toutefois, des informations parvenues à notre rédaction font état d’une certaine agitation au sein de la commission ad hoc chargée de rédiger ces homélies pour la circonstance. D’aucuns tiennent mordicus à y inclure l’idiolecte de la théologie de la libération que l’Eglise universelle avait tolérée pour combattre certaines dictatures d’Amérique latine dans les années 80-90.
Ce courant, emmené notamment par le cardinal Fridolin Ambongo, tenterait d’infléchir l’adresse papale pour lui donner une intonnation rien moins que révolutionnaire. A en croire nos sources, «des prélats proches de quelques milieux de l’opposition souhaiteraient mettre dans la bouche du Pape des appels à la ‘‘libération de l’esclavage et de la misère’’». De leur point de vue, le Pape devrait appeler le peuple congolais à se soulever contre l’ordre établi car «nul autre que lui-même ne pourra le libérer, à l’instar du peuple hébreu qui a eu le courage de laisser les marmites regogeant de viande en Egypte pour traverser la mer rouge et entamer un exode périlleux vers la terre promise».
L’objectif poursuivi serait d’instrumentaliser la visite du n° 1 de l’église catholique romaine à des fins politiciennes, en faisant mine de puiser dans les propos du successeur de Saint Pierre les éléments de langage d’une rhétorique insurrectionnelle déjà embouchée par Mgr Donatien Nshole dans les voeux de Pâques prononcés au nom de tous les évêques et archevêques membres de la CENCO.
Tout faux à la CENCO
Il est évident que l’obsession politique de certains prélats catholiques ne fait pas l’unanimité au sein même de l’épiscopat national où certains évêques sont vent debout contre le parti pris politique régulièrement affiché par quelques têtes courronnées de cette congrégation soutenues par le secrétariat général de la CENCO qui attribuent souvent à l’ensemble des évêques les desseins inavoués de certains parmi eux.
«Il n’est ni acceptable, ni véridique d’affirmer que le régime politique actuellement en place en RDC est comparable à la dictature sanguinaire du Chili d’Augusto Pinochet par exemple», s’insurge l’évêque d’un diocèse de l’Est qui conteste la prétention selon laquelle les chrétiens de chez nous en sont réduits à se défaire de leurs dirigeants par la théologie de la libération. «Le raccordement historique et contextuel tendant à comparer deux époques et deux situations diamétralement opposées est pour le moins frauduleux et n’honore pas ceux qui s’y accrochent», ajoute-t-il.
Toujours sous le sceau de l’anonymat, un deuxième prélat en provenance des provinces kasaïennes surenchérit en déclarant que le Nonce apostolique devrait faire très attention sur cette question. «Le seul qui puisse arrêter à ce stade la perversion recherchée d’une visite papale hautement réconciliatrice est le Nonce apostolique. En sa qualité d’ambassadeur plénipotentiaire du Saint Père en terre congolaise, il lui revient d’éviter toute allusion clivante dans les homélies en préparation du vicaire du Christ qui a déjà prévenu à bon escient qu’il venait réconcilier les Congolais pour qu’ils vivent en paix. Le Nonce doit veiller à ce que certains esprits chagrins ne dévient le Pape de sa mission évangélisatrice», dit-il.
Gouvernement peu regardant
Pendant ce temps, le gouvernement dont on sait qu’il est associé aux préparatifs de la visite papale semble ne pas se préoccuper de certains détails déterminants. Tout porte à croire dans la praxis des membres du cabinet Sama Lukonde commis à cette tâche que seuls comptent les aspects financiers et sécuritaires de cet événement historique.
Ils n’ont vraisemblablement aucun souci pour le contenu communicationnel de cette visite perçue plus sous un angle plus sensationnel qu’utilitaire.
La visite de François en RDC revêt un caractère complexe et varié mêlant les aspects politiques, géopolitiques, diplomatiques et médiatiques qui semblent échapper à la plupart des ‘’Warriors’’, manifestement plus interressés par le coté clinquant de la chose.
Pourtant, en sa qualité de chef de l’Etat du Vatican, le prochain voyage du Pape en RDC est obligatoirement précédé d’une invitation en bonne et due forme lui adressée par son homologue le chef de l’Etat rd congolais. Il s’ensuit pour le gouvernement congolais le devoir et le droit d’être pleinement informé de toutes les séquences de ce séjour, y compris le contenu des communications qui l’émailleront.
Il s’agit de se mettre d’accord avec la curie romaine sur les voies et moyens de maintenir à des proportions appropriées les communications pontificales adressées au peuple de la RDC dans l’intérêt supérieur de ce pays post-conflit qui se remet laborieusement d’un traumatisme de près de 30 ans d’atrocités ininterrompues.
JBD AVEC LE MAXIMUM