Du front du territoire de Rutshuru (Nord- Kivu), l’évolution de la situation n’avait pas notablement évolué depuis les derniers affrontements entre les FARDC et les rebelles du M23, soutenus selon Kinshasa par Kigali. Au 10 avril 2022, les collines stratégiques de Chanzu et Runyonyi qui permettent de contrôler les frontières entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda sont l’objet de communiqués contradictoires de part et d’autre. L’accès à l’axe Kalengera-Tongo (Masisi) est aussi concerné.
Le mouvement rebelle M23, qui avait annoncé l’abandon de certaines positions conquises quelques jours plus tôt pour favoriser des négociations, n’en avait rien fait en réalité, selon des sources dans la région. Une portion de l’axe Cherengero-Kabindi-Bunagana étant tenue par ses combattants, et une autre par les FARDC. Lundi 11 avril, des témoins rapportaient que les troupes loyalistes avaient réoccupé certaines localités, notamment Kabindi et Cherengero sans rencontrer de résistance armée. Le 12 avril, des sources indépendantes ont assuré au Maximum que les pertes rebelles étaient plus graves que ne voulait l’avouer le M23. Mais aussi que la projection des FARDC souffrait de difficultés d’acheminement de renforts. Anticipant l’offensive à venir des forces gouvernementales décidées à récupérer les positions de Chanzu et Runyonyi, les rebelles avaient feint de les abandonner pour dissimuler leurs pertes. L’entrée en scène du ‘‘général’’ autoproclamé Sultani Makenga, dont les troupes avaient été défaites par les FARDC soutenues par la brigade internationale de l’ONU il y a quelques années n’y a rien changé.
Rencontre au sommet
On en était à ce statu quo sur le terrain des affrontements lorsque se sont rencontrés à Nairobi (Kenya), les présidents Tshisekedi et Kagame, qu’entouraient leurs homologues Kényan et Ougandais, Uhuru Kenyatta et Yoweri Museveni. Une quadripartite qui se tenait en marge de la signature de l’acte d’adhésion de la RDC à la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (CEAE), intervenue 48 heures plus tôt. Si toutes les sources conviennent que rien n’a filtré de cette rencontre au sommet que n’a, du reste, sanctionné aucun communiqué, la question de la résurgence du M23 en RDC devrait avoir été au menu des échanges, sans qu’une solution définitive n’ait été trouvée. Hormis la nécessité de recourir à une solution non-militaire du problème sécuritaire rd congolais grâce à un dialogue pour convenir du rapatriement des rebelles cantonnés au Rwanda et en Ouganda.
La rengaine habituelle donc, pour l’opinion congolaise lassée des intrigues à répétition du voisin rwandais. Ici, le jeu de Kigali, qui consiste à susciter des rébellions aux couleurs locales pour poursuivre la prédation des richesses du pays et assouvir ses desseins expansionnistes ne fait plus de doute. En séjour dans la partie Est du territoire national depuis quelques jours, le 1er ministre, Jean-Michel Sama Lukonde l’a affirmé plus ou moins clairement.
C’était au cours de son point de presse de mardi 12 avril à Goma où il a fait état d’interactions d’ordre étranger, du point de vue des conditions posées par les rebelles pour mettre un terme aux affrontements. «Nous n’oublions pas que d’un côté nous avons le M23, mais nous avons aussi d’autres groupes armés. Donc, dans les réponses que nous donnons, nous devons savoir que nous sommes aussi observés par ces autres groupes là. Je pense qu’ici en interne, nous avons ces questions humanitaires à régler, nous avons ces questions opérationnelles à régler, mais du point de vue international, nous avons notre cadre d’échange, notamment dans le cadre de la communauté des États de l’Est et je pense qu’en combinant toutes ces actions, on devrait arriver à la pacification que nous voulons», a-t-il déclaré en substance.
Les FDLR dénoncent
Le même jour, un communiqué des rebelles rwandais FDLR accusait carrément le Rwanda d’être derrière les attaques récentes de la RDC attribuées au M23. Ce mouvement qui opère en RDC depuis le tristement célèbre génocide rwandais condamne « l’attaque de grande envergure perpétrée par le Rwanda à partir du 28 mars 2022 dans le territoire de Rutshuru sous la couverture de la rébellion du M23». Il soutient que «les troupes du président Paul Kagame ont abattu ignominieusement l’hélicoptère de la MONUSCO dans lequel ont péri 8 casques bleus en mission de maintien de la paix en RDC».
Un communiqué qui, selon l’ACAJ, une ONG congolaise de défense des droits de l’homme, résume bien l’état d’esprit du Congolais lambda qui ne croit plus guère aux professions de foi du président rwandais Kagame. Il rappelle, en effet, que depuis 2019, les autorités de la RDC ont fait part de leur détermination à respecter leurs engagements vis-à-vis du Rwanda en neutralisant et en rapatriant les chefs rebelles et combattants FDLR susceptibles de menacer la paix dans ce pays, sans la moindre contrepartie de Kigali. «Il semble plus réaliste que la RDC exige du Rwanda, chaque fois qu’elle rapatrie des Rwandais dans leur pays d’origine, de faire de même pour les rebelles du M23 … ». Même si, de plus en plus d’observateurs en conviennent que cela n’entre pas dans les desseins du n° 1 rwandais qui tire de substantielles rentes de l’exportation de la violence armée dans la région et le continent. Sans s’en cacher outre mesure, puisqu’il déclarait récemment à nos confrères de Jeune Afrique que « nous souhaitons la paix à tout le monde dans la région, mais quiconque nous souhaite la guerre, nous la lui donnons. Nous avons des professionnels formés pour cela. Le Rwanda est de petite taille, notre doctrine est de faire la guerre en territoire ennemi quand les circonstances l’exigent». Et les circonstances pour entrer en guerre, Kagame ne se prive pas de les créer lui-même en suscitant des pseudos rébellions qui imposent les conditions de la coexistence avec le Rwanda à la RDC.
En séjour en Brazzaville, lundi 11 avril 2020, Paul Kagame est pratiquement passé aux aveux dans un discours au parlement. «Il y a aujourd’hui beaucoup de conflits qui durent des décennies sur le continent. Ce qui explique cela, c’est notre inaction, il est temps de rebattre les cartes», a-t-il soutenu au milieu de déclarations vantant la présence de ses troupes disséminés à travers le continent pour rétablir la paix.
D’aucuns croient savoir que les fameuses cartes à rebattre de Kagame sont géostratégiques et impliquent notamment la révision des frontières héritées de la colonisation.
Inacceptable pour la RDC.
LE MAXIMUM