Une nouvelle affaire de présomption de détournement de deniers publics oppose, depuis plusieurs jours, l’Inspection générale des finances au cabinet du ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique. Elle a trait à la gestion des moyens financiers mis à la disposition du ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et technique dans le cadre du championnat interscolaire d’Afrique.
Selon les fins limiers de l’Inspection générale de finances, le cabinet du ministre Tony Mwaba n’aurait pas justifié correctement l’affectation de 400.000 USD sur les plus d’un million USD alloués à l’organisation de cette compétition placée sous l’égide de la Fédération internationale de football association (FIFA) à Kinshasa.
Les inspecteurs qui ont enquêté sur le dossier assurent notamment que sur un prétendu paiement de 120.000 USD effectué auprès de la société de transport en commun TRANSCO sous la rubrique location des bus, seulement 16.000 USD ont été retracés auprès de cette dernière. Sous la rubrique impression des T-Shirts, les factures de justification des dépenses engagées ont été multipliées par 10 par les mêmes agents.
Fonds détournés
Interrogé, Jules Alingete Key explique que pour l’organisation de cette activité sportive continentale, des fonds publics ont été décaissés au profit des ministères des Sports et de l’EPST. «Si pour le ministère des Sports, la justification des dépenses effectuées ne pose pas de problème, il n’en est pas de même pour l’EPST où mes services ont mis à jour des fraudes, notamment pour les frais de transport et d’impression des T-Shirts», révèle l’inspecteur général des finances chef de service.
Par ailleurs, dans leurs investigations, les inspecteurs de l’IGF, se faisant passer pour des clients de GRADECO, l’entreprise chargée de l’impression des T-shirts pour cette manifestation, sont tombés des nues en constatant que des collaborateurs du ministre Mwaba avaient tout simplement multiplié par 10 le coût dela facture initiale. « Ils ont payé un montant x et ils ont transcrit sur la facture ce montant en le multipliant par 10. Il s’agit de faits flagrants. D’où, la décision prise par mes agents de transférer le dossier auprès des instances judiciaires pour les poursuites appropriées », explique Alingete.
Politisation infantile
Entre la dénonciation des nouveaux détournements au ministère de l’EPST et cette sortie médiatique de l’intraitable flic financier de Félix Tshisekedi, l’affaire avait pris une tournure politicienne, des collaborateurs du ministre Mwaba ayant dénoncé de manière tonitruante ce qu’ils ont présenté comme un « acharnement » de Jules Alingete contre leur patron et la gratuité de l’enseignement fondamental prônée par le chef de l’Etat dont son département est chargé de la mise en oeuvre.
Dans un courriel largement partagé dans les réseaux sociaux et les médias, Eddy Mwanzo, directeur de cabinet du ministre de l’EPST reproche à Jules Alingete «des commentaires téméraires et incompréhensibles (qui) démontrent clairement l’acharnement et le manque d’objectivité qui caractérisent l’enquête en cours, dont les conclusions seront sans aucun doute biaisées ».
Il accuse carrèment l’IGF d’avoir ‘‘séquestré’’ des membres du cabinet Mwaba dans ses bâtiments sis avenue du Haut Commandement à Gombe.
Dans sa mise au point adressée à un confrère en ligne, le dircab de l’EPST indique à ce sujet que « les membres (du cabinet de l’EPST, ndlr) ont été convoqués le 16 mars 2022 à 8 h 00 à l’IGF pour être entendus à 20 heures, privés de leur liberté, pièces d’identité et téléphones confisqués avec interdiction de sortie … ».
Ni cachot ni cellule à l’IGF
Ce à quoi les services de l’IGF rétorquent que les griefs de détournements des fonds publics retenus à charge des membres du cabinet de l’EPST relèvent de la sphère judiciaire. Dans un communiqué daté du 18 mars 2022, la cellule de communication de l’IGF précise en effet que « le directeur du cabinet, les conseillers et le comptable du ministère de l’EPST se sont rendus coupables de faux et d’usage de faux dans le but de détourner des fonds publics destinés à l’organisation du tornoi interscolaire panafricain. Ils ont falsifié les factures de TRANSCO et imité les signatures de l’imprimeur GRADECO situé aux galeries présidentielles pour détourner ces fonds publics. L’inspection générale des finances ne dispose d’aucun cachot. Cela n’existe que dans la tête de ces agents manipulés par leur hiérarchie avec qui ils opèrent en bande organisée ».
Version et contre-version
Dimanche 20 mars, un communiqué du service de communication du cabinet Mwaba, livrait un nouveau commentaire remettant en cause les chiffres avancés par les inspecteurs des finances. Il fait plutôt état du déblocage de 60.000 USD au titre de location des bus (et non pas 120.000 USD), et de 62.000 USD pour l’impression des T-Shirts, képis, badges, bâches (au lieu de 82.000 USD). Ce qui, de toute évidence, ne règle pas la question du gap entre les montants perçus et ceux justifiés.
Faux et usage de faux
Dans leur imposant siège de l’avenue du haut commandement, Jules Alingete et ses fins limiers restent plus que jamais droits dans leurs bottes. D’autant plus que GRADECO, l’imprimeur sollicité par le cabinet Mwaba est monté au créneau mardi 22 mars 2022 en annonçant une action en justice contre le ministère de l’EPST pour faux et usage de faux, accusant les agents du ministère d’avoir utilisé son papier à en-tête et imité la signature d’un de ses préposés pour se justifier. Le cabinet Mwaba aurait contrefait une facture pro-forma de l’entreprise pour détourner les fonds destinés au tournoi inter-scolaire panafricain. D’autre part, une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux présente un responsable de TRANSCO confirmant, documents à l’appui, que seulement 16.000 USD avaient été effectivement versés à cette entreprise publique de transport par le cabinet Tony Mwaba au titre de location des bus. Imparable.
Cette deuxième confrontation entre l’IGF et le ministre UDPS Tony Mwaba gêne au plus haut niveau les sociétaires du parti présidentiel qui ne s’embarrassent plus pour exprimer leur ras-le-bol au sujet des accusations de prévarications portées contre certains des leurs. « Nos ministres UDPS doivent être des modèles de bonne gouvernance. La seule et meilleure façon de contredire les accusations de l’IGF est de fournir un rapport crédible accompagné de pièces justificatives des montants alloués à votre ministère et non de tirer sur la personne de Jules Alingete. Evitons la diversion ! » écrit à ce propos sur son compte Twitter une certaine @BenitaNtumba le 20 mars.
LE MAXIMUM