Sale temps pour les juges constitutionnels. Dernier épisode en date : la prise à partie de ceux d’entre eux qui avaient composé la chambre spéciale chargée de revisiter une partie des arrêts qui avaient invalidé l’élection de certains députés. Pour mémoire, une vingtaine d’élus nationaux parmi lesquels les Lamuka Chérubin Okende et Daniel Safu ou Mbaki Masanga qui avaient été finalement réhabilités au grand dam de ceux qui, à l’instar du FCC/Alliance CCU Einstein Ebengo Koko (Tshangu) avaient été invalidés après avoir été proclamés élus auparavant et qui ne l’entendent pas de cette oreille.
Mende appelle à la discipline dans l’Alliance CCU & Alliés
Mauvais perdant, Ebengo Koko s’est arrangé malicieusement dans une démarche unilatérale de prise à partie de cinq juges ayant composé la chambre spéciale de la Cour constitutionnelle devant la Cour de cassation tous investis par le président de la République honoraire Joseph Kabila, autorité morale du FCC en impliquant dans cette démarche l’Alliance CCU & Alliés à l’insu de la hiérarchie de cette plateforme que dirige Lambert Mende Omalanga. Un acte dolosif et d’indiscipline qui lui a valu d’être sévèrement rappelé à l’ordre par le député national de Lodja, initiateur de l’Alliance CCU & Alliés et membre de la Conférence des chefs des regroupements du FCC auquel il a platement présenté des excuses.
Curieusement, pour une raison non encore élucidée, Ebengo a enregistré son entretien téléphonique avec Lambert Mende dont l’audio circule depuis le week-end dernier sur les réseaux sociaux. Une situation qui a fait les choux gras des commentateurs de la toile et des médias sensationnalistes intrigués autant par la forfaiture d’Einstein Ebengo, un cadre de la CCU autant que par l’attitude de fermeté et de loyauté envers le FCC qui transparaît à travers les bribes des mots prononcés par Mende que certains médisants donnaient déjà pour un transfuge à la suite de sa nomination à la tête du Conseil d’administration des Lignes maritimes Congolaises par le président de la RDC Félix Tshisekedi, une nomination qu’il doit pourtant à la recommandation formelle de son autorité morale Joseph Kabila.
La loyauté : un devoir, pas une option
Un mal pour un bien : ceux qui ont manipulé Ebengo qui a comparu lundi 17 août 2020 devant la Commission de discipline de la CCU (qui a prononcé à son encontre la sanction extrême de radiation du parti) en sont pour leurs frais. L’impair qu’ils ont fait commettre à ce mauvais perdant a permis à l’inamovible ancien porte-parole de tous les gouvernements de JKK depuis 2008 de prouver sa loyauté envers sa famille politique et son chef de file.
Ce n’était pas pour plaire à quelques extrémistes de l’opposition Lamuka et même de CACH, l’autre composante de la coalition au pouvoir qui se sont aussitôt livrés à une exégèse douteuse des propos du PCA des Lignes maritimes congolaises, l’accusant de reconnaître aux cinq juges constitutionnels une proximité avec l’ancien chef de l’Etat rd congolais. En fait Lambert Mende qui n’est pas né de la dernière pluie reprochait à Ebengo le fait d’avoir qualifié de «pros-Kabila» lesdits juges dans sa requête devant la Cour de cassation comme s’il voulait faire accréditer l’idée que l’Alliance CCU & Alliés voulait les faire limoger au profit d’autres, proches du CACH, une énormité au regard de l’appartenance de ladite Alliance CCU & Alliés au FCC de Kabila.
Quelques excités qui excellent dans l’agitation à travers les réseaux sociaux usent d’une stratégie récurrente depuis les années 1980 dans la communication politique, liée notamment à des pratiques odieuses mises en exergue récemment par Facebook lorsqu’il a purement et simplement déconnecté des dizaines de comptes du cybercriminel Honoré Mvula pour Intox, Infox et manipulation de l’opinion (Cfr. ‘’Cybercriminalité en RDC : Désinformation et Trafic d’influence’’, in le Maximum n° 750).
«Rien n’est gratuit dans le discours politique. Derrière cette agitation autour des propos de Lambert Mende se jouent des postures politiciennes égocentriques. A l’évidence, la loyauté de notre initiateur ne faisait pas bon ménage avec l’ambition démesurée de notre camarade Ebengo pour qui devenir député national valait bien l’honneur et la réputation de celui à qui il doit tout», déplore un cadre proche du très apprécié ancien ministre de la Communication et des médias de Joseph Kabila.
Fidèle à ses idéaux et à ses engagements
Par loyauté à ses idéaux et à ses engagements, Lambert Mende a strictement écarté l’hypothèse de voir son regroupement politique mêlé d’une façon ou d’une autre à une histoire qui pouvait prendre les allures d’une offensive contre le FCC et qu’il n’a jamais cautionnée faute d’en avoir été tenu informé. Il reste fidèle à son pays et aux valeurs qui fondent le vivre ensemble, l’unité et la cohésion nationales.
L’inconséquence politique est une chose très partagée dans l’arène politique de la RDC où les débats politiques et autres discussions théoriques s’appuient davantage sur les idées d’appartenance à des groupes identitaires, régionalistes ou communautaires. On assiste ainsi à une avalanche de trahisons, de rupture de promesses, de tricheries, de manipulations. En plus de 12 ans de collaboration avec Joseph Kabila, Lambert Mende aura été celui qui, constamment dans les feux de la rampe, a pris une multitude de coups pour ses convictions politiques et idéologiques sans jamais broncher. Plusieurs observateurs le qualifient d’attaquant de pointe. La campagne de diffamation entamée sur les réseaux sociaux sur sa prétendue ‘’traversée de la rue’’ ne résiste à aucune analyse objective.
Ceux qui lui ont attribué l’«aveu» affabulatoire selon lequel les 5 juges constitutionnels mis en cause par Ebengo Koko seraient ‘’acquis à l’ancien président Joseph Kabila’’ devraient savoir que la Cour constitutionnelle est composée de 9 membres tous investis par le président de la République pour un mandat de 9 ans. Parmi eux, 3 proviennent de sa propre initiative, 3 sont choisis par le Parlement et 3 désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. On ne voit pas par quelle alchimie dans un contexte aussi composite une frange aussi significative de juges pourrait être acquise à la cause du seul président grâce au mécanisme de l’investiture qui procède du reste d’une compétence liée.
Compétence discrétionnaire ou liée ?
Par ailleurs, au regard des textes légaux qui régissent à ce jour la Cour constitutionnelle (Loi Organique portant organisation de la Cour constitutionnelle), il n’est pas prévu une procédure de prise à partie ou de démission d’office des juges constitutionnels qui ne sont pas régis par les statuts des magistrats de l’ordre judiciaire. Article 35 : « La Cour constate, le cas échéant, la démission d’office de l’une des personnes visées à la présente section qui aurait exercé une activité ou accepté une fonction incompatible avec sa qualité ou qui n’aurait pas la jouissance de droits civils et politiques. La démission d’office s’applique également en cas de perte des droits civils et politiques, d’empêchement définitif par suite d’incapacité physique ou mentale ou toute condamnation irrévocable pour infraction Intentionnelle». Le statut particulier des membres de la Cour constitutionnelle stipule à son article 10 que «Tout membre de la Cour constitutionnelle désireux de mettre volontairement fin à ses fonctions conformément à l’article 28 de la loi organique adresse une lettre de démission au président de la Cour, avec copies aux autres membres de celle-ci.
La Cour en apprécie l’opportunité. La Cour constate la démission d’office d’un de ses membres frappé d’une incapacité physique ou mentale définitive, ayant exercé ou accepté d’exercer une fonction incompatible ou déchu de ses droits civils et politiques, ou encore à la suite d’une condamnation définitive à une peine d’au moins trois mois d’emprisonnement pour infraction intentionnelle. Tout membre de la Cour constitutionnelle reconnu coupable, à l’issue d’une procédure disciplinaire régulière suivie devant le conseil de discipline, d’un manquement grave contraire à l’honneur et à la dignité de ses fonctions, peut être contraint à la démission sur décision de la chambre disciplinaire devant laquelle il aura préalable présenté ses moyens de défense».
Il appert clairement que toutes les décisions ayant un impact sur le principe d’inamovibilité des magistrats du siège de cette haute juridiction relèvent de la Cour elle-même à travers sa plénière ou son conseil de discipline. Le président de la République à travers ses ordonnances ne se limite qu’à donner la forme exécutoire aux décisions de ces instances. C’est le principe de la compétence liée grâce auquel le législateur a préservé la séparation des pouvoirs et l’indépendance de cette juridiction qui a, outre son rôle de contrôle de la constitutionnalité des textes légaux et réglementaires, celui de juge pénal du chef de l’Etat et du premier ministre.
Le panel des experts de la Société civile demande à bon escient au président de la République de retirer les ordonnances controversées relatives à la nomination des nouveaux magistrats à la Cour constitutionnelle afin de rétablir la confiance de tous les acteurs et partenaires.
Dans leur mémorandum de vendredi 14 août, le panel relève en effet «un certain nombre de situations qui mettent à mal la cohésion interne nécessaire pour préparer les élections apaisées à l’horizon 2023».
Il en veut entre autres preuves « les contradictions soulevées autour des nominations des juges Noël Kilomba et Jean Ubulu à la Cour de cassation, des nominations auxquelles ils ont renoncé en ne se présentant pas à la prestation de serment, ce qui entame la confiance vis-à-vis et de cette Cour et de la Cour constitutionnelle, qui du reste, demeure le juge du contentieux électoral».
Pour dissiper ces inquiétudes et rassurer davantage les Congolais ainsi que les compétiteurs politiques, le panel dit s’en remettre à la sagesse du garant du bon fonctionnement des institutions qu’est le président et soumet à son appréciation des mesures devant contribuer à rétablir et garantir la confiance dans le processus électoral à venir.
Parmi ces mesures, il propose au chef de l’Etat de rapporter ses dernières ordonnances de mise en place des magistrats à la Cour constitutionnelle et de s’investir pour la mise en place des nouveaux membres de la CENI, afin de mettre fin au glissement qui est en train de se mettre en place à la suite de la fin déjà intervenue du mandat des animateurs actuels de cette institution d’appui à la démocratie.
A.M