Le gouverneur élu de la province du Sankuru, Joseph-Stéphane Mukumadi, n’a pas encore gagné son fief. A Kinshasa où il séjourne depuis son élection le 20 juillet dernier, le nouveau chef de l’exécutif du Sankuru (à former), s’est manifesté auprès d’une frange des ressortissants de son entité administrative samedi 3 août 2019 à Kinshasa. C’était à la faveur d’une célébration eucharistique en la Cathédrale Notre Dame du Congo de Kinshasa, devant une brochette de personnalités, essentiellement religieuses. Au cours de l’homélie prononcée à cette occasion, l’Abbé Emmanuel Aseke, recteur de la maison diocésaine de Tshumbe à Kinshasa, a appelé les ‘dignes’ fils et filles de la province du Sankuru à travailler pour l’unité et la cohésion. « Mes frères et sœurs, je vous prie de travailler dans l’amour du Christ, pour la paix et l’unité du peuple Sankurois«, les a t-il exhortés. Le prêtre catholique a invité le nouveau Gouverneur à être un gouverneur rassembleur, qui misera toute son énergie à travailler pour la paix et pour le bien-être du peuple de la province d’origine de Patrice Emery Lumumba. Remerciant ainsi ses frères et sœurs du Sankuru pour le soutien dont il a été bénéficiaire, Joseph-Stéphane Mukumadi a, à son tour, appelé les Sankurois à tenir un seul langage pour permettre à la province de se développer. Pour rappel, M. Mukumadi, candidat indépendant (il s’est déclaré membre de CACH quelques jours après le scrutin) a été élu gouverneur de la province du Sankuru, le 20 juillet 2019, avec 17 voix contre Lambert Mende Omalanga candidat du FCC, qui n’a obtenu que 8 voix sur 25 votants parmi lesquels 21 appartiennent à sa famille politique, une anomalie qui n’a pas fini d’intriguer.
Le diocèse catholique de Tshumbe, dont l’évêque, Mgr. Nicolas Djomo n’a pas ménagé son soutien à Mukumadi qui recourt naturellement à lui pour s’adresser à ses nouveaux administrés n’est pourtant pas l’intermédiaire le mieux indiqué en l’espèce, ainsi que le révèle cette correspondance d’un membre du clergé local « exilé » en France depuis de longues années. Pour la énième fois depuis plusieurs semaines, Jean-De-Dieu Ndjadi largue des révélations à faire pâlir le Pape en personne, sur la gestion plus que scabreuse du patron de l’église catholique dans un des plus grands diocèses du Sankuru.
Dans ce dernier courrier daté du 31 juillet 2019, le prêtre dénonce les contre-vérités qui ont entouré les projets CRS. Et le dit crûment mais poliment à Mgr Djomo.
La nouvelle épître de l’Abbé Ndjadi
Excellence, Un de vos proches collaborateurs m’a fait parvenir une lettre datée du 25 juillet 2018 que vous avez adressée au président du CRS pour dénoncer certaines contre-vérités qui y sont contenues. En effet, dans votre correspondance, vous énumérez les projets financés par l’organisme et que vous auriez réalisé dans notre diocèse : « Construction de sept ponts en béton armé, construction d’un centre de formation, construction d’un orphelinat, construction et réhabilitation de plus de 50 écoles primaires, réhabilitation d’hôpitaux, construction de plusieurs centres de santé, sécurité alimentaire, construction d’un système d’adduction d’eau pour la population de Tshumbe, etc. » (Annexe 1). Excellence, à l’exception du dernier projet, personne ne sait localiser les autres réalisations financées pour la plupart par d’autres organismes. A titre exemplatif, les 11 ponts sur l’axe Katako Kombe – Kiomi ont été financés par Pooled Fund et supervisés par UNOPS. Les ponts Ongomadi (18 m) et Opango (8 m) sur la route de Shilo ont été financés par Fonds privés de France. Les ponts Loheyi (21 m) et Djese, tous les deux en béton armé, furent financés par le Foner, c’est-à-dire le gouvernement de la RDC. D’autres ponts ont été financés par le PNUD. En réalité, seuls les ponts Lonya (22 m) et Loka (8 m) ont été réalisés avec l’appui de CRS.
Par ailleurs, dans une interview que vous avez accordée à l’abbé Okondjo Claude, vous reconnaissez avoir signé un contrat avec le gouvernement congolais pour l’entretien des routes : « Pour alléger tant soit peu la misère du peuple congolais en milieu rural, le Chef de l’État, monsieur Joseph KABILA, a voulu que, par mon humble personne, l’Église Catholique qui est à Tshumbe puisse construire une route au Sankuru. Ainsi ai-je signé le contrat avec le gouvernement congolais ». De fait, grâce au fonds du Foner, la Caritas du diocèse de Tshumbe a entretenu les axes routiers Lodja-Tshumbe (150 km) et Odumbe-Wembonyama (60 km). Avez-vous encore perçu des sommes d’argent du gouvernement congolais pour les ponts et pour d’autres projets ?
Dans le domaine de la santé, malgré l’aide des Cordaid, Usaid, CRS et PESS (Projet d’Equipement des Structures Sanitaires), l’action du Bureau Diocésain des Oeuvres Médicales a consisté principalement à repeindre quelques hôpitaux et centres de santé qui existaient déjà. A Lubefu, cette couche de peinture a fait défaut. Ce qui ne vous a pas empêché de faire porter sur un écriteau collé au bâtiment la mention «Hôpital réhabilité par le Bureau Diocésain des Œuvres Médicales » que la population locale, écœurée a fini par gommer en signe de protestation. Le nouvel hôpital de Tshumbe et le centre de santé de Ndjo ont été financés par le gouvernement congolais sous la supervision de Caritas Développement Tshumbe (Annexe 2). Bien que ce centre soit financé pour sa construction et son équipement, le mobilier fait encore défaut. D’autres ONG oeuvrent dans ce secteur : SANRU, UNICEF, OMS, GAVI, MEMISSA et PARSS (Projet d’Appui au secteur de la santé) financé par le gouvernement congolais.
Dans cette configuration, on a du mal à percevoir les réalisations de chaque ONG, surtout celles du CRS. Dans le domaine scolaire, le PRRIS (Projet de Reconstruction et de Réhabilitation des Infrastructures Scolaires), une structure gouvernementale, a permis d’initier la construction des écoles EP Onema dans le secteur de Mondja-Ngandu, EP Menga Otete, EP Luandanda et l’entôlage de l’EP saint Jean de Lubefu. Il a aussi permis la construction et la réhabilitation de quelques écoles primaires et secondaires notamment l’EP Ekanga, EP OhambeTambwe, EP Okonda, EP Dihela Lopano, EP Kinyamba qui sont en cours de réhabilitation etc. Il a encore permis la réhabilitation des écoles primaires Elondo, Afumba et Shinga.
Excellence, quelles sont donc les écoles qui ont été construites ou réhabilitées avec le fonds du CRS ou avec le don de la MIBA qui s’élevait à 5000$ par mois ? Etant donné que les projets financés par CRS ne sont pas visibles, voudriez-vous nous aider à les localiser et à connaître l’apport des autres partenaires susmentionnés et suivants: Mr Georges D. Nagrodsky (USA), Propaganda Fidei, Conférence Episcopale Italienne, Archidiocèse de Cologne, Archidiocèse de Los Angeles, Diocèse de Gand, Réseau Caritas Internationalis, Caritas-Congo, Missio-Aachen, Missio-Munich, Miva Autriche, Fondation Porticus, Action de Carême des Catholiques Suisses, Merlin, Apoc/ Oms, Solidarité Protestante (Coopération Belge) ?
Cet exercice vous exonérera des soupçons qui pèsent lourdement sur vous selon lesquels, pour chaque projet, vous percevez doublement ou triplement le financement. Ainsi l’église Saint Désiré de Lodja aurait été financée par la conférence épiscopale italienne, Missio-Aachen et le diocèse de Los Angeles, sans oublier Monsieur Jean-Pierre Bemba qui, lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2006, avait fait un don de 50 000$ et de 100 sacs de ciment. Curieusement, cette église, bien que pompeusement inaugurée par vous, n’a jamais été achevée et que son pavement est en état de délabrement avancé.
De même, la construction d’un système d’adduction d’eau pour la population de Tshumbe a été financée triplement par CRS, Rotary club München Solln et Architecte sans frontières. Toute dérobade à la présente nous poussera à nous adresser directement au président du CRS et aux différents organismes. En ce jour où nous célébrons la mémoire de saint Ignace de Loyola, puissions-nous nous approprier cette pensée : « Regi supremo caelitum amore vinctus unico, eius fovenda gloria nil censuit iucundius. », conclut le révérend Ndjadi.
H.O.