Rome, 07 mai 201
Monsieur l’Editeur du bi-hebdomadaire « Le Maximum »
57/bis, avenue Ndjombo
Kinshasa, Ngiri-Ngiri
Concerne : Droit de réponse
Monsieur l’Editeur,
Je viens par la présente faire valoir mon droit de réponse à l’article publié à la Une de votre édition numéro 529 du vendredi 27 avril 2018, intitulé « Beni, Fonds de commerce tueur des Nyamuisi », avec des photos d’illustration que je souhaite revoir à l’appui de la publication de ma réaction ci-dessous.
L’article signé par les initiales JN incrimine mon défunt frère Enoch Nyamuisi Muvingi, l’enfant terrible de la perestroïka (dixit la presse kinois des années 1990), et moi-même, reconnu artisan de la réunification de notre pays en 2002 à cause de la première liaison aérienne entre une ancienne zone rebelle (Beni) et la capitale Kinshasa. Je voudrais par les lignes suivantes corriger globalement les inepties prêtées à JN par les auteurs intellectuels et les exécutants du projet de génocide : des cultivateurs des territoires de Beni, Lubero, Rutshuru, Masisi, Nyiragongo, et Walikale ; des cultivateurs et éleveurs des territoires de Boga, Djugu, Irumu, Mambase ; des autres compatriotes du Kasai et du Tanganyika, etc. :
– Enoch Nyamuisi Muvingi a été tué à Butembo par des militaires intoxiqués par des articles de presse du genre de celui signé par JN, en profitant des pillages de triste mémoire, alors qu’il appuyait stratégiquement la hiérarchie politique et l’Armée régulière contre une agression dont les signes précurseurs étaient déjà perceptibles. La preuve est qu’après son assassinat le 05 janvier 1993, le régime (distrait par divers trafics comme aujourd’hui) et le pays sont tombés progressivement comme des châteaux de cartes ;
– En Août-septembre 1996, ce régime finissant, se rendant tardivement compte de l’imminence de l’agression, avait organisé un pont aérien entre la ville soudanaise de Juba et Beni en faveur des supplétifs ADF qui furent accueillis au grand jour et basés à l’aéroport de l’entreprise ENRA, d’où un recrutement de jeunes fut également effectué, par les Forces Armées Zaïroises sous le commandement local de feu le colonel Ebamba et son adjoint, le major Mayala Vainqueur, aujourd’hui général au sein des FARDC, et naguère commandant de la huitième région militaire du Nord-Kivu. Ces ADF, après avoir attaqué sans succès l’Ouganda, rejoignirent dans les contreforts du mont Rwenzori les maquis lumumbistes qui intégreront l’AFDL, ceci pouvant expliquer peut-être les accointances que je ne cesse de dénoncer ;
– Attribuer la présence des ADF à Beni à mon frère décédé trois ans avant leur arrivée dans la région relève de l’affabulation ou du mensonge systémique ambiant dans la gouvernance actuelle ;
– En travaillant dès 2001 avec le nouveau Président qui semblait disponible pour pacifier et restaurer l’Etat Congolais, je n’ai fait que remplir mon devoir de patriote. En appuyant sa candidature aux élections présidentielles de 2006, je pensais comme beaucoup d’autres consolider les acquis obtenus par la Transition, ce qui fut une erreur progressivement reconnue depuis 2008 au vu de la mollesse de son implication dans la stratégie de montée en puissance d’une Armée Nationale efficace et d’éradication des groupes armés nationaux et étrangers au profit d’un engouement obsessionnel vers un enrichissement personnel ;
– En reprenant uniquement des passages tendant, dans le rapport du Groupe d’Etudes sur le Congo de mars 2016, à incriminer d’anciens membres du RCD-KML dont j’ignore l’existence, JN a omis volontairement de rappeler aux lecteurs que suite au même rapport, Jason Stearns, son auteur principal, au lieu d’être approché pour approfondir l’enquête, avait été refoulé du pays en avril de la même année, soit moins d’un mois plus tard, du fait que dans ce rapport sur les massacres de BENI, il épinglait des responsables officiels, notamment militaires ;
– Le récent procès public tenu à BENI et conduit en personne par le Chef de la Justice Militaire a superbement ignoré de solliciter l’extradition du chef des ADF, Jamil Mukulu, pourtant incarcéré en Ouganda, et dont je rappelle qu’il a déjà vécu sous haute protection à Kinshasa et bénéficié d’un passeport congolais ;
– Le maintien du général « Mundo » dans la zone opérationnelle contre ces « ADF » alors qu’il fut déjà l’officier traitant de Jamil Mukulu lors de son séjour évoqué à « Ma Campagne » à Kinshasa ;
– Ledit procès, seize mois durant, n’a pas pu élucider ces massacres mais a semblé plus s’intéresser à des personnalités de la société civile et autres dont la particularité est de porter le plaidoyer pour la fin des massacres, comme pour cacher la vérité, museler la population et la résigner à mourir en silence ;
– Quant à JN, peut-il expliquer comment, après avoir, dans votre précédente édition numéro 528 du mardi 24 avril, vanté le rejet de l’interpellation du ministre de la défense qui aurait pu permettre de dénoncer, ne fût-ce qu’à huit clos, les tenants du « fonds de commerce tueur » décrié par lui dans l’édition suivante, rejet intervenu le 16 avril dernier par le biais d’une motion autorisée après la réunion des députés MP avec le Chef de la Majorité qui à l’occasion s’est attaqué à la principale ethnie victime des massacres de BENI, comment peut-il honnêtement présenter des morceaux choisis d’un rapport public que les lecteurs peuvent se procurer sur le net, pour tenter de blanchir ceux-là qui cachent la vérité à l’Assemblée légalement habilitée à les contrôler ?
– Point n’est besoin de rappeler par exemple qu’au 9/11/2014, juste après le carnage d’octobre 2014 ayant couté la vie à une dizaine des paisibles citoyens à un pas du camps des FARDC et non loin d’une base des Casques Bleus à l’Aéroport de Mavivi, une commission parlementaire dépêchée sur le lieu avait révélé des dysfonctionnements terribles et sciemment montés au sein de la chaine de commandement au point de dévoiler que le loup était dans la bergerie. Quelques temps après, les forces vives de la région s’étaient retrouvées à Beni pour discuter de la question et encore une fois, des faiblesses avaient été épinglées dans les chefs des services de sécurité et défense de la nation. S’il y a une voix qui s’est levée la première pour non seulement dénoncer ce crime d’Etat mais également demander une enquête internationale et transparente en vue de clarifier la situation, c’est la mienne. Pourquoi tout ce temps le régime actuel empêche la communauté internationale de diligenter cette enquête ?
– Ainsi, au lieu de servir de caisse de résonnance à ceux qui sont à la recherche permanente des boucs-émissaires pour justifier leur stratégie de conservation du pouvoir et de prévarication de l’Etat, votre organe de presse devrait, comme moi et beaucoup d’autres, appuyer les multiples campagnes tendant à la saisine d’instances supranationales comme la Cour Pénale Internationale, susceptibles de dégager les responsabilités sans parti pris.
– En conclusion, gouverner revient à trouver des solutions aux problèmes de la population. De mémoire des Congolais de partout et particulièrement de Beni, égorger ses semblables n’est pas une pratique locale, depuis des temps immémoriaux.
Aider le gouvernement à justifier son incompétence ou sa complicité par la recherche continuelle des boucs-émissaires, c’est prendre une part de responsabilité dans les crimes commis.
Antipas MBUSA NYAMUISI
NOTE DE LA REDACTION
Les rédactions du Maximum ont reçu, jeudi 10 octobre 2018 alors qu’elles mettaient sous presse, le droit de réponse de Monsieur Antipas Mbusa Nyamuisi, ci-avant. Elles lui accordent donc ce que de droit et même plus. Parce que le dessein de l’ancien « roi de Beni-Butembo », dixit la presse kinoise des années ‘2000, est d’établir ou de rétablir la vérité pour le plus grand bien de notre cher et beau pays, autant commencer par ne rien dissimuler du sujet qui a suscité un droit de réponse aussi virulent de la lointaine capitale italienne qu’est Rome. Le Maximum choisit donc d’offrir au lecteur du droit de réponse qui lui est adressé, l’intégralité de l’article qui le justifie pour lui permettre d’apprécier à leur juste valeur « les vérités » de M. Antipas Mbusa.
Force est de constater, de prime abord, que ce que Monsieur Mbusa reproche à J.N., il ne le respecte pas lui-même. Loin s’en faut.
En effet, ce qu’il présente comme une interprétation sélective du rapport du Groupe d’Etudes sur le Congo (Qui sont les tueurs de Beni, mars 2016), fait état de l’implication des forces armées de la RD Congo dans les massacres des civiles dans la région de Beni. Mais il omet délibérément de signaler que le fameux Groupe d’Etudes sur le Congo, auteur de ces allégations, est une création d’un acteur étranger, Jason Stearns, en délicatesse avec les services d’immigration qui l’avaient déclaré indésirable sur le territoire pour atteinte à la sécurité de l’Etat congolais. Dissimuler cet état de choses dans le but crédibiliser ces récits infamants n’est pas moins « sélectif ». Sans vouloir polémiquer davantage au sujet du sieur Stearns, Le Maximum note que Monsieur Mbusa lui-même fait l’impasse sur de nombreux autres rapports d’enquêtes, dont celui du groupe d’experts onusiens sur la RDC (janvier 2014), qui fait lui aussi mention d’implications des frères Nyamuisi dans les commerces avec différents groupes armés de la région, notamment les ADF. Il en est de même de cette évocation de la réunion des notables locaux après les massacres de Mavivi (Beni). Elle a, certes, stigmatisé des dysfonctionnements dans le chef de l’armée nationale sur lesquels Monsieur Mbusa surfe volontiers. Néanmoins, elle a également relevé la responsabilité d’acteurs locaux dans l’étonnante résilience de rebelles qui, installés dans cette région pour théoriquement s’attaquer au régime en place dans leur pays, l’Ouganda, massacrent quotidiennement les populations congolaises du Grand Nord-Kivu depuis des décennies ; sujet que l’ancien chef rebelle pro ougandais de Beni se garde bien d’effleurer.
Il sied en outre de faire remarquer que prétendre aussi allègrement que « l’Enfant terrible de la perestroïka » (Enoch Nyamwisi) et son jeune frère, « l’artisan de la réunification » (de la RDC), sont des hérauts du nationalisme est pour le moins une insulte à l’intelligence humaine. Parce que s’agissant des conditions de l’assassinat d’Enoch Nyamuisi en 2003, la chronique locale rapporte qu’en réalité nul ne sait jusqu’à ce jour qui en fut le vrai commanditaire entre les services de la police politique du régime Mobutu et ceux de l’Ouganda voisin qui s’opposaient déjà mais au service desquels il a servi d’agent double, à en croire les rapports susmentionnés. Les risques du métier …
Tout laisse croire, plutôt, que Monsieur Antipas Mbusa Nyamuisi qui, depuis sa jeunesse a nagé dans ces eaux glauques, a hérité d’une tradition de trahison et d’aventurisme politique stipendiés que l’évolution subséquente de la situation dans le pays n’a à aucun moment démenti.
A ce sujet, et pour terminer, avant de laisser le lecteur découvrir l’article qui a attiré ses foudres sur Le Maximum, il convient de rectifier une inexactitude contenue dans le droit de réponse ci-avant. « Attribuer la présence des ADF à BENI à mon frère décédé trois ans avant leur arrivée dans la région relève de l’affabulation ou du mensonge systémique ambiant dans la gouvernance actuelle » comme l’allègue Monsieur Mbusa, est une parfaite et habile distorsion de la vérité. Le lecteur le découvrira dans l’article incriminé qui cite le rapport du Groupe d’Etudes sur le Congo. Il est de notoriété publique que les ADF ne sont pas les seuls rebelles étrangers qui ont bénéficié des faveurs des Nyamuisi. L’article querellé ne l’affirme nulle part. De fait, ce groupe terroriste s’est allié de manière formelle au NALU, un autre groupe rebelle ougandais qui écumait la région depuis 1988 déjà. « Il avait tissé des relations étroites avec les autorités locales, notamment avec Enoch Muvingi Nyamwisi, le frère aîné de Mbusa Nyamwisi ». C’est Jason Stearns qui l’écrit dans le rapport précité. Ce n’est pas Le Maximum, qui ne fait que citer ce rapport parmi tant d’autres.
La Rédaction.
LES TRAFICS MORTELS DU GRAND NORD KIVU