« Il ne manquait plus que lui ! », réagit à la lecture d’un quotidien rd congolais, cet universitaire qui ne cache pas son mépris pour la classe politique de son pays. Lui, c’est Denis Mukwege, un médecin-gynécologue qui s’est fait connaître, au Sud Kivu où il dirige l’hôpital de Panzi, et à travers le monde, pour ses interventions sur les fistules des femmes qu’il fait passer toutes pour « violées » même lorsque les fistules ont d’autres causes (génico-obstétriques notamment). « Le réparateur des femmes », c’est le surnom qu’une certaine presse internationale accole à ce médecin, plus politicien que thérapeute depuis quelques années.
Mardi 4 juillet 2017, Denis Mukwege a donné de la voix, redonné de la voix en fait, parce que le 30 juin, date anniversaire de l’accession à la souveraineté nationale et internationale de son pays, le médecin s’était déjà lui aussi fendu d’une sorte de « message à la nation » très peu flatteuse pour la majorité au pouvoir à Kinshasa. Mardi 4 juillet, Mukwege récidivait donc en appelant ses compatriotes à braver la peur et à réclamer leur droit à sortir de l’esclavage. « Aujourd’hui, il est temps de comprendre que la peur est la seule façon de rester esclave toute sa vie. Si vous ne savez pas vous libérer en réclamant votre droit, personne ne le fera à votre place. Aujourd’hui, toutes les manœuvres politiciennes qui ont été faites c’était pour éviter les élections. On a signé des accords mais ces derniers n’étaient que des bouts des papiers. Si on n’a pas respecté la Constitution, je ne vois pas ce qui pousserait quelqu’un qui l’a violé à respecter les bouts des papiers signés par quelques individus. La Constitution est un contrat social entre les dirigeants et le peuple. Et si ce contrat n’a pas été respecté, je crois que c’est au peuple de pouvoir demander des comptes. S’il n’arrive pas à demander des comptes parce qu’il a peur, ça veut dire qu’il accepte de rester dans l’esclavage. J’insiste que quand un peuple décide de se libérer, il n’y a rien qui peut résister et c’est cette décision qu’il faut absolument prendre », a soutenu le toujours médecin directeur de l’hôpital de Panzi. L’homme se range ainsi aux côtés de ceux qui en RD Congo préfèrent l’insurrection populaire aux élections pour se débarrasser de Joseph Kabila et sa famille politique au pouvoir à Kinshasa.
Crédibilité douteuse
Mais le problème, c’est la crédibilité de ces contestataires de tous poils. Le médecin de Panzi qui appelle ses compatriotes à surmonter la peur n’a pas lui-même l’étoffe d’un héros. « Il vit sous la protection des troupes onusiennes armées jusqu’aux dents qui veillent nuit et jour à l’Hôpital de Panzi », rappelle l’interlocuteur du Maximum avec un sourire ironique. En effet, à la suite d’une attaque par des malfrats à son domicile de Bukavu en octobre 2012, l’homme s’est retranché dans l’enceinte de l’hôpital de Panzi où veillent en permanence des gardes de la Monusco, la mission onusienne en RD Congo. Il peut donc paraître bizarre d’en appeler au courage des autres lorsqu’on n’effectue pas un seul pas hors de sa concession sans être escorté par une escouade dissuasive de casques bleus.
Début mai dernier, le Dr Denis Mukwege ruait sur les brancards, accusant la Monusco de lui avoir retiré sa garde. « Depuis l’attentat contre mon domicile, je vis avec ma famille dans l’enceinte de l’hôpital de Bukavu et sous la protection des soldats de l’Onu. Malheureusement, celle-ci vient de m’être retirée », annonçait-il à nos confrères du quotidien français Le Monde. Une information démentie par la mission onusienne : « La MONUSCO sécurise toujours le docteur Denis Mukwege. Nos forces sont toujours là pour sécuriser ceux qui se sentent menacés. Nos éléments sont même près de l’hôpital de Panzi », avait rétorqué Charles Antoine Bambara, le directeur de l’Information publique de la MONUSCO au cours d’une conférence de presse mercredi 10 mai à Kinshasa. « Le médecin de Panzi entretient la manie d’attirer les lampions de l’actualité sur lui, à n’importe quel prix », commente avec une pointe d’agacement une source au gouvernement provincial du Sud Kivu. Sans vraiment exagérer, de toute évidence.
Doutes chez les praticiens
Le domaine sécuritaire n’est le seul où le courage fait défaut au médecin « réparateur des femmes ». Sur le plan strictement professionnel aussi, certains praticiens reprochent au Dr Mukwege de monter en épingles des pratiques chirurgicales qui n’ont rien à voir avec la politique ou l’insécurité due à la politique nationale. Pas toujours. Comme ce jeune médecin rural rd congolais, qui assure que les fistules qui ont fait la renommée de Mukwege ne sont pas toujours dues aux viols. A Bukavu même et dans nombre de régions non affectées par les problèmes de violences basées sur le genre existent également des femmes atteintes de problèmes fistulaires. « Parfois, voire souvent, il s’agit de problèmes sanitaires consécutifs aux accouchements sans assistance nombreuses et fréquentes dans les zones rurales », explique-t-il. Les fistules réparées par le Dr Mukwege sont-elles toutes causées par les viols ? En RD Congo, certains en doutent, de plus en plus.
J.N.
ENTOURE D’UNE IMPRESSIONNANTE GARDE ONUSIENNE : Le Dr Mukwege exhorte les Congolais au « courage »
