C’est parti pour de nouvelles surenchères belliqueuses autour de la date de la tenue des prochaines élections en RD Congo. Depuis quelques semaines, ténors de l’opposition radicale rangés sous la bannière du Rassop aile Katumbi et prélats catholiques montent au créneau pour préparer les esprits aux soulèvements et remous sociaux. Le G7, ce groupe de 7 anciens partis politiques de la majorité présidentielle passés à l’opposition et qui soutient un des candidats déclarés à la magistrature suprême, Moïse Katumbi Chapwe, se dit déterminé à arracher « coûte que coûte » la tenue des élections en décembre 2017. Ces katumbistes en costume-cravate ou en soutane laissant entendre à qui veut les entendre que la tenue de ces scrutins serait compromise malgré les progrès enregistrés dans la révision du fichier électoral qui approche les 30 millions d’électeurs identifiés 6 mois avant cette échéance voulue fatidique. «Le G7 s’engage à tout faire avec le Rassemblement pour contraindre le pouvoir à ne plus entraver la mise en œuvre de l’accord et la CENI à organiser les élections présidentielle, législatives et provinciales avant décembre 2017 », lit-on sur un communiqué des transfuges de la Majorité présidentielle rendu public samedi 24 juin 2017.
Même son de cloche chez les radicaux de l’opposition, notamment l’UDPS de Félix Tshilombo Tshisekedi, qui ne jure que par le départ de Joseph Kabila du pouvoir « avant l’année prochaine », révélant ainsi la vraie préoccupation de ces déçus des discussions politiques pilotées par les princes de l’Eglise catholique de la RD Congo, qui se sont terminées sans satisfaire leur agenda en mars dernier.
EXTREMISTES
A ces partisans de l’extrémisme parmi les multiples tendances du Rassop (Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement), il faut ajouter les évêques de l’Eglise catholique réunis au sein de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). Ils sont montés au créneau le 23 juin 2017 pour appeler « au respect de la constitution » qu’ils alignent désormais sur l’accord politique de la Saint Sylvestre dont ils ramènent la quintessence à la seule tenue des élections au mois de décembre prochain.
En réalité, les trois groupes préparent et appellent à l’insurrection violente pour ne pas laisser les élections présidentielle, législatives et provinciales se tenir dans un contexte apaisé le plus tôt que possible comme le souhaitent la majorité au pouvoir à Kinshasa et les autres branches de l’opposition (républicaine, modérée et Rassop/Kasavubu) auxquels s’est jointe une partie importante de la société civile. Parce qu’organiser les élections à fin décembre prochain s’avère techniquement impossible. Force sera donc manifestement de tout rééchelonner, compte tenu des aléas organisationnels mais surtout sécuritaires rencontrés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) dans l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs, qui menacent gravement la crédibilité et l’inclusivité des scrutins à tenir.
C’est de notoriété publique, la CENI se trouve dans l’incapacité de lancer les opérations de révision du fichier électoral dans deux provinces kasaiennes et dans un certain nombre d’entités dans deux autres provinces du même espace pour des raisons sécuritaires. Même si la situation évolue progressivement vers le retour à la paix, elle demeure encore volatile, comme en témoignent des événements qui remontent à quelques 72 heures. Dans la province du Kasaï Oriental, les autorités politico-administratives attendaient encore, samedi 24 juin 2017, la libération d’au moins 3 agents de la CENI enlevés 14 jours plus tôt par des ravisseurs se réclamant du groupe terroriste Kamwina Nsapu. Un mouvement criminel qui sévit dans ces provinces depuis un an, et qui a occasionné entre 400 (selon la Monusco) et 3.800 décès (selon les évêques catholiques et l’opposition radicale), et provoqué le déplacement d’une trentaine de milliers d’âmes. Même les examens d’Etat (baccalauréat) 2017, organisés sur toute l’étendue du territoire national du 19 au 22 juin dernier, n’ont pu se tenir au Kasaï central et ont été renvoyés au milieu du mois de juillet prochain.
PERTURBER LE PROCESSUS ELECTORAL
Lorsque les prélats de l’Eglise catholique congolaise et leurs alliés radicaux de l’opposition appellent à la tenue « coûte que coûte » des scrutins électoraux au plus tard en décembre prochain, c’est en réalité le processus électoral en cours qu’ils tentent délibérément de perturber pour lui substituer d’autres modalités d’accession ou de partage de pouvoir. Ce qui ne peut aller sans malmener aussi bien la constitution de la RD Congo, à laquelle ils donnent l’impression trompeuse de vouloir se référer, que l’Accord politique arraché à une trentaine de représentants de la classe politique fin décembre dernier.
La surenchère autour des échéances électorales énerve particulièrement les dispositions constitutionnelles qui stipulent ‘expressis verbis’ que les matières relatives à l’organisation électorale sont de la seule compétence de la CENI. Et non de quelques individus ou groupe d’individus, fussent-ils des évêques de l’Eglise catholique rd congolaise qui, du reste, n’ont jamais reçu quelque mandat politique que ce soit pour statuer légitimement quant à ce.
Même l’accord dit de la Saint Sylvestre, auquel les uns et les autres se réfèrent bruyamment dans les travées de la contestation politique en RD Congo, recommande aux parties prenantes de respecter strictement la Constitution de la République et, s’agissant des matières électorales, d’en référer en cas de difficultés aux avis de la CENI, du Conseil National de Suivi de l’Accord et du Gouvernement pour se prononcer sur les échéances électorales projetées pour fin décembre 2017.
Essentiellement porté sur le partage du pouvoir, plutôt que sur l’organisation effective et réelle des élections, l’accord conclu sous l’égide des prélats de l’Eglise catholique met un accent particulier sur la réduction des pouvoirs du Chef de l’Etat en place au profit de ténors de l’opposition radicale ne disposant d’aucun mandat même échu. Les questions électorales n’y sont que laconiquement abordées. Tout le contraire du précédent accord signé à la Cité de l’OUA au mois d’août 2016 qui avait permis de confronter l’expertise de la CENI et à celle de l’Organisation Internationale de la Francophonie et de l’ONU. Qui avaient conclu qu’au mieux et au plutôt, des scrutins électoraux sur la base d’un fichier électoral révisé n’étaient tenables qu’en avril 2018 en RD Congo.
C’est à l’UNC Vital Kamerhe, alors chef de file de l’opposition partie prenante à ce dialogue facilité par le Togolais Edem Kodjo que l’on doit la fixation de cette échéance. « On ne va pas brûler le pays pour un report de quelques 4 mois », avait conclu cet autre candidat déclaré à la prochaine présidentielle.
Des élections en décembre prochain ou rien, c’est un véritable projet d’une chienlit programmée contre lequel tous les hommes de paix et de bonne volonté doivent se mobiliser.
J.N.