Quelques semaines seulement après l’ouverture du dialogue politique de la Cité de l’OUA modéré par les soins du diplomate togolais Edem Kodjo, le 1er septembre 2016, la délégation de l’Eglise catholique romaine rd congolaise faisait sensation en claquant la porte de ses accises qui se tenaient sous les auspices de l’Union Africaine, de l’Union Européenne, de la mission onusienne en RD Congo et de la quasi-totalité d’organisations régionales. A l’époque, les prélats prenaient prétexte de manifestations violentes organisées par la frange radicale de l’opposition politique rd congolaise réunie sous le label du RaSop (Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement) dirigé par le tandem Etienne Tshisekedi – Moïse Katumbi, qui ne prenait pas part aux accises de la Cité de l’OUA, effectivement. Elles avaient provoqué morts d’hommes, les manifestants particulièrement agressifs ayant affronté les forces de maintien de l’ordre déployé à travers les rues de Kinshasa la capitale. Le dialogue facilité par Edem Kodjo n’était pas suffisamment inclusif, décrétèrent donc les calottes sacrées de l’église catholique réunies sous le label de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). « Les évêques ont été interpellés par le sang de nos frères et sœurs versés pour le respect de la constitution … par respect pour ces morts, les évêques ont choisi de suspendre leur participation au dialogue pour parvenir à un consensus plus large », lisait-on dans le communiqué publié à cet effet, signé de Marcel Utembi, l’archevêque de Kisangani qui préside aux destinées de la CENCO.
Mais, ce n’était pas tout, en réalité. Le communiqué clérical était assorti d’une prise de position politique d’une rare clarté, puisqu’elle épousait à la perfection les préoccupations de l’opposition politique radicale récemment créée sous les auspices des libéraux belges en Belgique. Elle ne jurait que sur le départ hic et nunc de Joseph Kabila. Tout en claquant la porte du dialogue de la Cité de l’OUA, les évêques de la CENCO n’en exigeaient pas moins que soit « clairement établi et stipulé » dans l’accord politique à intervenir à la Cité de l’OUA que « l’actuel président de la République ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle à organiser le plus tôt possible ».
Partis pour revenir parachutés
En obtenant de Joseph Kabila une mission de rapprochement des vues afin de recadrer l’accord politique intervenu quelques semaines plus tôt à la Cité de l’OUA, début novembre 2017, les évêques catholiques parvenaient en réalité à leurs véritables fins politiques.
Le 27 juin 2016, plusieurs mois avant le démarrage du dialogue Kodjo, les prélats catholiques s’étaient déjà fendus d’une « offre de sollicitude pastorale » en appui au facilitateur Togolais du dialogue national. Mais l’ancien secrétaire général de l’OUA n’avait pu que caser leurs excellences parmi les autres confessions religieuses, parce que la RD Congo est un Etat laïc, sans nul doute. Des demandes de médiations en demandes de médiations non sollicitées par qui que ce soit les évêques catholiques avaient donc fini par obtenir ce qu’ils voulaient. Dès début novembre 2016, ils entamaient des contacts avec la classe politique, aussitôt encouragées par la frange de la communauté internationale qui s’estimait lésée par les conclusions du précédent accord politique : la communauté occidentale.
Le 5 décembre 2016 pouvaient s’ouvrir les travaux d’un nouveau dialogue politique sous les auspices d’évêques qui, comme les radicaux de l’opposition, ne juraient que sur le départ de Joseph Kabila du pouvoir. En quelques semaines, les prélats arrachaient la signature de l’Accord dit de la Saint Sylvestre, par lequel les protagonistes confirmaient ce qui était déjà acquis à la Cité de l’OUA : pas de modification constitutionnelle ; pas de mandat présidentiel supplémentaire pour Joseph Kabila. Tout en exigeant la tenue de la présidentielle avant fin 2017, là où la Cité de l’OUA la fixait à la mi 2018.
Empoignades imprévues autour des arrangements particuliers
Restait néanmoins l’épineuse question des arrangements particuliers portant mesures d’application de l’Accord signé le 31 décembre 2016. En fait, des ententes particulières sur le partage du pouvoir durant la période pré-électorale et électorale. C’est ici où les Romains s’empoignèrent. Commencées le 5 janvier 2017, les empoignades autour du partage des strapontins ministériels et autres avantages politiques auront duré plus de 80 jours sans que les protagonistes ne s’accordent sur l’essentiel. Ce qui n’a pas empêché les évêques de la CENCO, tout à leurs nouvelles charges politiques, de sillonner l’essentiel des capitales occidentales connues pour leur hostilité au régime en place en RD Congo. A la dernière étape de ces pérégrinations cléricales, au Conseil de sécurité des Nations-Unies, leurs excellences se sont finalement crues suffisamment légitimés par les faiseurs de rois occidentaux pour proclamer l’illégitimité des institutions politiques de la RD Congo. Un peu comme on proclame l’Evangile.
Mais c’était sans compter avec leurs partenaires de l’opposition politique rd congolaise qui, entretemps, ont entrepris de s’entr’écharper, se disputant de juteux maroquins, principalement la primature du prochain gouvernement et la présidence du Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA). Le RaSop cher à la CENCO, c’est désormais 3 tendances qui revendiquent la continuation de l’œuvre d’Etienne Tshisekedi, le président du conseil des sages de la nouvelle plateforme décédé le 2 février dernier à Bruxelles. Ajoutés à ces déchirements internes que les prélats ont tenté de régler d’autorité en portant leur choix une des trois tendances déclarées du RaSop, le refus de la Majorité Présidentielle de plier devant toute revendication réductrice des attributs régaliens du Chef de l’Etat, l’échec de la médiation cléricale est apparu inévitable.
Le 28 mars 2017, 24 heures après que les négociations dites directes du Centre interdiocésain se furent clôturées sur un constat d’échec, les évêques de la CENCO ont été reçus par le Président de la République, Joseph Kabila. Devant l’échec, les calottes sacrées de l’Eglise catholique se sont avisés de rendre le tablier à celui qui le leur avait confié. Le Chef de l’Etat leur a promis d’œuvrer à la finalisation des travaux des arrangements particuliers, ainsi qu’ils en avaient émis le vœu, lundi 27 mars, à la clôture des accises du Centre interdiocésain de Kinshasa.
Mais, que du chemin parcouru depuis le dialogue de la Cité de l’OUA, au nom d’une impossible inclusivité, même si on s’en réfère aux Saintes Ecritures. Ce qu’il en coûte de faire semblant d’ignorer que la Tour Babel a existé !
J.N.