Traîné en justice depuis près d’une semaine pour des auditions qui devraient logiquement se poursuivre encore de longs jours, compte tenu de l’épaisseur du dossier et des faits mis à sa charge, l’ex. gouverneur de l’ancienne province du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe comparait ce vendredi pour la troisième fois consécutive devant un magistrat de Lubumbashi. A l’évidence, l’homme est aux abois, et multiplie les astuces pour politiser et populariser un dossier judiciaire on ne peut plus sérieux. Pour se rendre au Palais de justice de Lubumbashi, situé à quelques encablures de sa résidence cossue non loin de l’Hôtel Karavia, le président du TP Mazembe prend soin de faire le tour de la ville en passant notamment par la commune populeuse de la Kenya. Un tour de ville qui, s’il prouve que l’homme jouit bel et bien de toute sa liberté de mouvement et de la sécurité (personne ne semble plus vouloir attenter à sa vie, apparemment, contrairement à ses nombreuses insinuations) trahit le souci de se faire accompagner de groupies stipendiés pour impressionner les membres des instances judiciaires en charge de son cas. Du jamais vu dans une étape pré juridictionnelle de la procédure qui est réputée secrète !
Tout le monde à la soupe
Comme si cela ne suffisait pas, pour se faire entendre par les magistrats de la cour d’appel de Lubumbashi, Moïse Katumbi a même fait se déplacer du beau monde de la capitale Kinshasa à ses frais. On parle d’une trentaine de journalistes, y compris de la presse internationale, qui ont voyagé et sont logés à ses frais. Sans compter la ribambelle de courtisans politiques, anciens et nouveaux opposants qui, pressés par les besoins de la survie en ces temps de vaches maigres ont trouvé une place juteuse dans le navire du nouveau « Monsieur Tiroir – Caisse congolais ». Ici, le dollar coule comme du robinet, à n’en pas douter. Des sources du Maximum à Lubumbashi rapportent que chacun dans la capitale cuprifère y va de son état des besoins et de sa « facture » à faire honorer par Salomon, le factotum attitré du chairman du TP Mazembe.
Le 25 avril dernier, au lendemain de la manifestation interdite devant le siège scellé de l’Unafec – Katanga, l’inénarrable Gabriel Kyungu wa Kumwanza, un vieil habitué de la mangeoire katumbiste, avait donné le signal en brandissant devant son patron une facture bien salée, relative à de prétendus « dommages causés sur une centaine de militants de mon parti politique ainsi qu’à mon véhicule (un cadeau de Moïse lorsqu’il présidait l’assemblée provinciale du Katanga !) endommagé pendant la manifestation par les forces de l’ordre ». L’ancien gouv’, qui, bien richissime, reste plutôt regardant aurait, assure-t-on, demandé à voir la liste des militants et la facture du garage où le véhicule aurait été réparé. Avant que Kyungu ne s’exécutât, un autre baron du G7, l’octogénaire Charles Mwando Nsimba, avait lui aussi exigé des dédommagements du chairman pour 147 militants qui auraient été arrêtés dans les mêmes circonstances. leur malheur, c’est que dame Ida Sawyer, une antikabiliste viscérale et son ONG Human Rights Watch avait déjà fait état de ces interpellations survenues au cours de la manifestation interdite du 24 avril dernier, et chiffré le nombre à quelques 21 personnes seulement. Les comptables de Moïse ont suggéré à leur boss de poser aux deux comparses la question de savoir qui aurait interpellé les autres militants qui constituent la différence entre les 247 des deux vieux briscards katangais et 21 (presque 230, en fait). En vain.
Un avocat acteur de cinéma à la rescousse
Mais les tracas de l’ancien gouverneur de l’ex. Katanga se traduisent aussi par ce recrutement en fanfare d’un avocat français spécialisé dans la défense des personnages sulfureux, Me Eric Dupond-Moretti. L’homme qui a chargé des complices de le faire fallacieusement valoir auprès du richissime Katumbi est une personnalité médiatique plus acteur de cinéma que juriste. Il a déjà comme « M. Acquittator » (un avocat qui a toujours systématiquement fait acquitter ses clients) a même concouru au Festival de Cannes en France.
Eric Dupond-Moretti a ainsi défendu les intérêts de l’attaquant Français du Réal Madrid, Karim Benzema, mêlé à une sale affaire de chantage et de sexe, qui l’a finalement privé de sélection nationale pour l’Euro 2016 qui débute en juin prochain. Mais aussi la famille Omar Bongo et du Franco-camerounais Jean-Michel Atangana, condamné et longtemps emprisonné au Cameroun dans une affaire de détournement d’argent. Récemment, Me Dupond-Moretti a défendu les intérêts d’un membre du tristement célèbre groupe terroriste Etat Islamique (EI) condamné par la justice française, avant de voler au secours de Moïse Katumbi et de ses mercenaires. Dupond-Moretti, c’est tout de même cet « … avocat notoirement plus attiré par les clients très riches que par les causes nobles. Pour sa réputation jusqu’ici irréprochable sur le fond, Moïse Katumbi aurait mieux fait de choisir un ténor des droits de l’homme, tels Henri Leclerc ou les ex. ministres Badinter et Joxe, plutôt que l’Ogre du Nord. Erreur de casting et faute de goût ! », commentait mercredi dernier un lecteur de la Libre Belgique, Christian Grafé. Casting ? Oui, un casting, tout est là : Katumbi fait du casting, justement, et tente de muer une affaire judiciaire qui peut compromettre son avenir politique en théâtre. Sur ce point, l’avocat qu’il s’est choisi à prix d’or et lui ont un point commun : se donner en spectacle. Dupond-Moretti ne s’en cache pas, du reste. « Je peux vous garantir que nous allons harceler, harceler sur le plan médiatique, Monsieur Kabila », s’est-il répandu dans une interview à Jeune Afrique. Plutôt que de parler droit et procédure, dans les colonnes du quotidien conservateur et néocolonialiste belge La Libre Belgique, il déclarait qu’ « il faut pouvoir faire du bruit autour de ce dossier, déjà pour que le pouvoir n’ose pas aller trop loin, ensuite pour aller frapper à toutes les portes de l’ONU et à la Cour internationale de Justice ». L’avocat Français de Moïse Katumbi n’est du reste pas du tout pressé de se rendre à Lubumbashi, c’est simplement un relais médiatique du Chairman, une sorte d’épouvantail pour faire peur aux juges congolais et au régime Kabila qu’il s’apprête à discréditer systématiquement. Sa défense, c’est dans les colonnes des agences de presse internationale, des quotidiens européens sur les chaînes de radio et de télévision dits mondiaux, qu’elle se déploie. Il suffit de se placer devant son écran de télévision ou d’écouter ses « radios mondiales » à destination des peuples noirs d’Afrique, pour s’en rendre compte : du théâtre à l’échelle planétaire.
Gros griefs, malgré tout
Reste à savoir si cette dramatisation suffira à sauver Katumbi des griffes de la justice rd congolaise. Le 4 mai dernier au cours du point de presse qui a précipité l’annonce de la candidature à la présidentielle de l’ancien gouverneur de l’ex. Katanga, le ministre de la justice, le juriste Alexis Thambwe Mwamba, l’avait clairement affirmé : « nous disposons de suffisamment d’éléments … , nos services sont très bien outillés techniquement … ». Il faisait allusion à des rapports d’écoute téléphoniques attestant de conversations entre le sujet US, Darryl Lewis, ses commanditaires basés aux Etats-Unis, et des complices qui courent toujours mais ne semblaient toujours pas avoir quitté le territoire rd congolais au moment de son arrestation et sa tentative avortée d’évasion à Kinshasa. Outre Moïse Katumbi, ses proches collaborateurs, qui ont invité les ex marines en RD Congo, des pasteurs responsables des congrégations qui pullulent en RDC qui ont servi de couverture aux activités de ces ex militaires, devraient être entendus. L’affaire Katumbi ne fait que commencer. N’en déplaise aux nostalgiques d’un ordre suranné.
J.N.