Pas de dialogue ni d’élections pour les « radicaux » des oppositions politiques rd congolaises. Chacune mijote un schéma qui, d’une manière ou d’une autre, renvoie le processus électoral et tout ce qui s’y rapporte aux calendes grecques. A commencer par l’Udps d’Etienne Tshisekedi, malgré les apparences et les discours qui n’ont de révolutionnaires que la forme, du reste désuète à plus d’un égard.
En annonçant avec fracas, le 10 avril 2016 à partir de Bruxelles, qu’il prenait acte de la désignation par la Commission de l’Union Africaine d’un facilitateur du dialogue national convoqué par le Président Joseph Kabila il y a plusieurs semaines, Etienne Tshisekedi et l’Udps avaient fait renaître quelque espoir parmi ceux qui estiment que seul ce forum destiné à baliser le chemin d’un processus électoral plombé par des problèmes techniques permettrait la tenue d’élections à « bonne date ». C’est-à-dire, selon cette expression plutôt nuancée qu’adoptent de plus en plus les protagonistes les plus réalistes de la très influente communauté internationale, lorsqu’il sera possible de tenir des scrutins qui répondent aux standards requis. Et non plus strictement aux dates prévues par la constitution, qui, chacun dans la classe politique le sait depuis que la CENI s’est lancée en campagne d’explication sur la question, sont intenables avant un minimum d’un an et demi.
Espoirs en berne
Seulement, à en juger par les conditionnalités présentées par l’UDPS, le bout du tunnel s’éloigne plus qu’il ne se rapproche. Les espoirs, s’il y en a eus, n’ont duré que 4 jours, le temps que la délégation du parti politique de Tshisekedi prenne contact avec Edem Kodjo au 6ème étage de l’immeuble Serkas sur le boulevard du 30 juin. Dans un communiqué fleuve rendu public le 14 avril, Bruno Mavungu, le secrétaire général de l’Udps et également chef de la délégation des mandatés qui indiquait que le but de la rencontre était de « s’assurer de la concordance des vues entre les missions confiées au Facilitateur Kodjo et la Feuille de Route sur la sortie de crise publiée le 14 février 2015 ». Une sorte de fenêtre ouverte à un rétropédalage, en fait, au cas où la mission de l’ancien premier ministre togolais ne concordait pas avec les desseins du gourou de la 13ème rue Limete. Selon l’UDPS, le dialogue politique doit remplir un certain nombre de conditions : être transparent et associer toutes les parties prenantes congolaises ; respecter la constitution et les délais constitutionnels (seulement en ce qui concerne les législatives et la présidentielle) ; organiser la passation pacifique du pouvoir à l’issue des élections crédibles et apaisées de novembre 2016 ; entre autres. Un véritable tissus de contradictions, dans la mesure où l’une des missions principales du dialogue consiste, justement, à envisager un réaménagement consensuel du calendrier électoral en fonction des possibilités (dates, moyens disponibles). Parce qu’il est clair qu’aucune élection crédible et apaisée n’est tenable d’ici un semestre.
Tout ou rien
La conclusion à tirer de cette gesticulation est simple pour beaucoup d’observateurs à Kinshasa : des élections, le parti d’Etienne Tshisekedi n’y croit guère et n’en veut pas, simplement. Le prouve, l’autre conditionnalité brandie par les porte-voix du ‘lider maximo’ de l’Udps en rapport avec la constitution du comité préparatoire du dialogue. C’est le bon vieux tout ou rien qui a toujours caractérisé les radicaux, depuis l’époque de la dictature de Mobutu. Les 12 places réservées à l’opposition, l’UDPS les veut toutes, et ce en vertu d’un principe aussi vieux, lui aussi, que l’ère des conférences nationales africaines : en dehors d’Etienne Tshisekedi il n’est point d’opposant à quelque pouvoir que ce soit en RD Congo. Et aussi, en raison des résultats de la présidentielle 2011 : le dialogue est présenté comme un remède au contentieux électoral né du fait qu’Etienne Tshisekedi n’a pas été proclamé élu président de la RDC au terme de ces scrutins. Par conséquent, les assises que facilite le togolais Edem Kodjo doivent placer face à face le camp tshisekediste et celui de Joseph Kabila, accusé à cor et à cri d’avoir volé à l’octogénaire « sa » victoire.
Etienne Tshisekedi et les siens font donc table rase des quelques 4 ans de mandat présidentiel et exigent de tout recommencer, quasiment : avec un nouveau parlement, une nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI), et sans doute une nouvelle cour constitutionnelle, etc. En ce qui concerne la CENI, les sources du Maximum à la 13ème rue assurent que l’UDPS exige rien moins que la recomposition de la plénière et du bureau de la centrale électorale. Le principe, assez connu lui aussi puisqu’il guide toute l’action politique de l’UDPS depuis Mobutu, c’est la partage fifty-fifty, une autre forme du fameux « partage équitable et équilibré du pouvoir ».
Une nouvelle transition
C’est donc une nouvelle transition, carrément, que vise l’UDPS et son leader. Dans la mesure où, à elle seule, la recomposition de la CENI étirera le processus électoral loin au-delà des prévisions les plus modestes connues jusque-là (le temps exigé par le calendrier électoral à confectionner par la CENI). Une nouvelle transition ou un mandat électoral sans élections, en fait. On peut trouver plus soucieux des principes démocratiques à travers la RD Congo, tout de même.
Malheureusement, on ne trouve pas meilleure perspective chez les opposants rangés sous la bannière de la dynamique de l’opposition ou du G7 de Moïse Katumbi, les deux plates-formes les plus réfractaires au dialogue politique. En alléguant de délais constitutionnels qu’ils savent pertinemment intenables et en invoquant une vacance à la fonction présidentielle au-delà de ces délais, qui n’est prévue dans aucune disposition de l’article 75 y relative de la constitution, les uns et les autres prônent un schéma insurrectionnel qui ne pourra que déboucher sur une transition-partage de pouvoir avant l’organisation des élections. Foyers et activités insurrectionnelles maquillées sous forme de manifestations démocratiques sont en gestation. Comme ce rassemblement populaire convoqué sur le boulevard triomphal, à l’intersection des communes populeuses de Kalamu, Kasavubu, Kinshasa et Lingwala, sous prétexte de commémoration d’une démocratisation qui n’a jamais eu lieu, le 24 avril prochain, qui est l’anniversaire d’un discours célèbre du dictateur Mobutu Sese Seko.
En somme, en RD Congo, les acteurs politiques des oppositions, cornaqués par des maîtres à penser tapis dans certaines chancelleries étrangères, courent tous derrière un nouveau partage du pouvoir, une nouvelle transition. Seules les dénominations diffèrent.
J.N.