Ça fait quelque désordre, cette politique «combattante» avec, d’un côté, un père vieillissant et malade (le constat n’a rien d’injurieux), de plus en plus contesté au sein d’une UDPS « recréé à son image », et de l’autre, un fils hanté par le désir de récupérer toute la mise, tout aussi contesté au sein du parti qu’il veut récréer à sa propre image. La perspective qui s’en dégage est claire: un parricide garanti en gestation. L’épisode du Dialogue politique apparaît donc comme un prétexte pour dissimuler cette saga de succession entre un père et un fils aux allures de drame cornélien imposant la survie de l’un par la disparition de l’autre. Tout interlocuteur a besoin d’être fixé avant de s’engager dans un quelconque contrat politique avec l’Udps…
Le journal belge «Le Vif», dans sa livraison du 23 octobre 2015, reprend une dépêche de l’agence Belga intitulée «RDC : l’UDPS lance un ultimatum à Kabila». « Le principal parti congolais d’opposition, l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS), a lancé vendredi un ultimatum au président Joseph Kabila, l’enjoignant d’entamer d’ici fin novembre le ‘dialogue national’ qui doit mener à l’organisation d’élections présidentielle et législatives en République démocratique du Congo ‘en septembre prochain’ dans un climat apaisé, menaçant d’en appeler à la rue en cas de nouvelle manœuvre ‘dilatoire’ du pouvoir », y lit-on.
Une nouvelle prise de position sur le même débat en moins de 2 mois. Qui a le don de donner le tournis à plus d’un. Résidant en Belgique, l’internaute congolais Cheik Fita souligne, dans sa livraison de la même date, sous le titre « Bruxelles. Ultimatum de l’UDPS à Kabila pour un dialogue inclusif balisant le processus électoral », « L’obligation pour le clan Kabila de s’impliquer dans le processus du dialogue avant fin novembre ». Les propos sont de Bruno Tshibala au cours d’une conférence de presse tenue le 23 octobre 2023 en la salle « Brussel Press Club Europe ». « Au-delà, l’UDPS considérera le dialogue comme sans objet, et le parti s’en remettra aux Congolaises et Congolais pour décider de leur destin commun », dit le porte-parole de l’Udps.
Ce que le confère congolais tait dans sa dernière livraison sur le sujet, c’est la décision – qu’il avait vivement saluée une quarantaine de jours plus tôt – d’Etienne Tshisekedi de mettre fin aux pourparlers visant justement le dialogue. «L’Union pour la Démocratie et le Progrès social (…), a pris acte de l’échec des entretiens de Venise et d’Ibiza ayant mis aux prises ses représentants et ceux du camp Kabila et a demandé à ses délégués de se retirer dès cet instant de la table des négociations », a décidé, avec tambours et trompettes, le lider maximo de l’UDPS.
Commentant cette décision le même jour dans son blog, Cheik Fita écrivait : « Pour rappel, les délégués de l’UDPS et ceux du clan Kabila se sont rencontrés deux fois : à Venise en Italie, puis à Ibiza en Espagne. Et selon ce communiqué, ces rencontres ont été un échec. Les contacts entre l’UDPS et le camp Kabila ont créé ces dernières semaines une véritable fracture dans la communauté congolaise de l’étranger entre ‘pro-dialogue’ et ‘ anti-dialogue’. (…) ». Le confrère concluait : « Quelle pourrait être l’avenir politique de la RD Congo avec ce retour à la radicalisation de l’UDPS ? Il y aura désormais une fracture claire et nette dans la population entre les tenants du pouvoir et l’opposition ».
Tout le monde peut donc s’en rendre compte : Etienne Tshisekedi – pourtant rattrapé par l’irrationalité de sa décision – lance un ultimatum à Joseph Kabila alors qu’en réalité, c’est lui qui se dédit et relance le Président de la République. Un exercice de rétropédalage dans lequel il excelle et se livre depuis les années ’90.
Un état de santé qui dément ses prétentions
La question de fond, que l’on se pose de plus en plus dans l’opinion, est de savoir ce que représente encore le Dialogue politique pour le lider maximo, même s’il continue de le réclamer sur base d’un Accord-cadre d’Addis-Abeba qui ne l’évoque pas. Réponse : pas grand-chose, sinon rien. Parce que si Etienne Tshisekedi venait à recouvrer, même par le fait d’un miracle, le fameux impérium issu de la présidentielle de novembre 2011, qui a eu le don tout aussi miraculeux de le créditer de six scores différents et contradictoires, son état de santé l’empêcherait d’exercer pleinement les prérogatives définies dans l’article 69 de la Constitution.
Etienne Tshisekedi Chef d’Etat, la fonction présidentielle devra être assurée par personne (s) interposée (s), avec tout que cela comporte comme risque pour le fonctionnement normal de l’Etat. Le pays ayant vécu cette « comédie » au niveau de la Primature, sous un certain Antoine Gizenga, personne de sensé ne peut envisager la transposition d’une telle crise au niveau de la première institution de la République.
A supposer même que sa santé recouverte, Etienne Tshisekedi soit candidat à la présidentielle de 2016, l’humiliation qu’il a fait subir aux opposants non Udépésiens le rattrapera. Autant que ceux de 2011, les opposants de 2016 ne se laisseront pas avoir une seconde fois, surtout avec le trop plein d’ambitieux, pardon d’ambitions qui gonflent les rangs de l’opposition et qu’Il faut gérer. Au risque de devenir « prisonnier » des forces qu’il combat depuis 1980, Etienne Tshisekedi – qui n’a jamais été homme de compromis – rendrait la « cohabitation » inflammable au sein de la future majorité…
Félix Tshisekedi, la succession à portée de la main
Que représente le même Dialogue politique pour Félix-Antoine Tshisekedi, fils de son père ? L’homme a, on le sait, imperturbablement poursuivi les contacts en vue de ces assises, malgré la décision tranchante de son père et l’animosité des combattants de la Diaspora. Assurément, il vise l’effectivité de son entrée dans l’ordre institutionnel. Il l’a manquée en faisant invalider son mandat de député. Et n’entend manifestement pas répéter la bourde infantile. Le Dialogue, c’est l’occasion inespérée pour devenir Premier ministre, Vice-Président de la République ou encore Président de la République, comme certains le supputent. Peu importe la réponse. Félix a conscience du fait que sa carrière politique véritable ne peut commencer qu’au prix d’une passation de pouvoirs avec son père. Il sait que les élections – mal ou bien organisées – ont moins d’importance à ses yeux dès lors qu’elles ne l’amèneraient pas sur le fauteuil présidentiel, de speaker national, voire de la primature. Il faut donc négocier l’entame de sa carrière d’homme d’Etat avec le pouvoir en place. Ça peut s’appeller pragmatisme. Le prix à payer, il le connaît : survivre d’abord à la bourrasque qui va inéluctablement entraîner son père. Personne de raisonnable ne peut le lui reprocher. C’est une question de choix responsable.
Dans ces conditions, le fameux ultimatum de l’Udps au Président Joseph Kabila de convoquer le dialogue au plus tard en novembre 2015 charrie en réalité une manœuvre d’« alternance » interne à l’Udps entre, d’un côté, un père désireux de léguer à la postérité l’image d’un démocrate et, de l’autre, un fils réalisant que l’héritage doit d’abord lui revenir.
Surtout au moment où au Palu, chez cet autre gourou de l’arène politique congolaise, Antoine Gizenga, on vient de franchir le Rubicon. Le vieux fait de son fils Gizenga Lumumba son successeur. Pourquoi pas une « dynastie tshisekedienne » ?
LE MAXIMUM & OMER NSONGO DIE LEMA