Ça n’est pas une chasse à la sorcière mais au regard des échéances politiques qui s’annoncent, ça va y ressembler dans l’opinion. Pourtant, le contrôle des finances s’impose, au nom de la bonne gouvernance, dans tout Etat de droit. A la suite de l’ukase du vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Évariste Boshab, interdisant aux Assemblées provinciales de ne tenir aucune session jusqu’à nouvel ordre, un audit des comptes est annoncé pour les prochains jours dans toutes les provinces.
Des sources généralement bien informées, il pleuvrait des indices des malversations par ici, de péculat, des conflits d’intérêts par là, chez Luzolo Bambi, le conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance et de corruption. D’ores et déjà, le gouvernement central a décidé de geler tout transfert des fonds aux provinces et aux entités territoriales décentralisées (ETD). A Kinshasa, le Gouv de la capitale, André Kimbuta, dit à qui veut l’entendre, que jamais le gouvernement central ne lui a versé le moindre frais d’investissements. La mesure, avis d’analystes, enténèbrerait davantage les 21 nouvelles provinces qui manquent de tout. Selon une source du ministère du Budget, le gouvernement central a, courant 2014, rétrocédé au titre de frais de fonctionnement au premier semestre, un montant de 7,2 milliards de francs à la ville de Kinshasa ; 12,4 milliards au Katanga ; 6,9 milliards à la Province- Orientale ; 6,5 milliards à l’Équateur ; 7,4milliards au Bas-Congo. Mais il appert que la gestion de ce fonds et particulièrement le transfert aux ETD a posé problème. Depuis le démembrement des provinces, aucune des 21 provinces ne fournit de renseignements sur les recettes mobilisées depuis l’entrée en vigueur de la loi de programmation du 28 février 2015, renseigne-t-on au ministère du Budget. Une autonomie de fait qui ne dit pas son nom. D’aucuns, a contrario, parlent de rébellion voilée. Une guerre fiscale se fait déjà jour dans les provinces démembrées (Equateur, Province Orientale…Bandundu). A chacun sa petite DGI, son semblant de DGRAD, son simulacre de DGDA, en fait sa douane… toutes regroupées en des structures monobloc montées de bric et de broc. Quoique sans gouverneur, et une administration plutôt en lambeaux, les nouvelles provinces telles que l’Ituri, la Tshuapa, ne veulent plus rien attendre ni entendre de leur ancienne tutelle provinciale. Des régies financières de fait sont mises en branle ça et là, dans les nouvelles provinces. Le régime fiscal s’en trouve perturbé et le climat des affaires devient, au jour le jour, délétère. A l’issue d’un conseil des ministres de l’ «ancienne» province de l’Equateur mi-août 2015, le gouverneur par intérim, Sébastien Impeto, a demandé aux nouvelles provinces issues de l’Equateur (en clair aux trois autres provinces Mongala, Nord et Sud-Ubangi) de transférer les recettes qu’elles perçoivent à la Direction générale des recettes de l’Equateur, DGREG, donc à Mbandaka, qui n’est plus que chef-lieu de la nouvelle province de l’Equateur. ”Il n’y a pas de raison que les recettes soient bloquées par les députés et chefs de divisions de nouvelles provinces. Je vais répercuter la disposition du vice-Premier ministre [ et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab] qui ne leur donne pas la responsabilité de gérer les provinces financièrement mais ils doivent s’arrêter à poser des actes d’administration et de gestion”, a affirmé le gouverneur sortant de l’ex-province de l’Equateur. Réponse du berger à la bergère, les députés provinciaux de la nouvelle province du Sud-Ubangi, par exemple, disent se référer plutôt aux récents propos du conseiller juridique du ministère de l’Intérieur en charge de la territoriale, Albert Mpaka, qui avait soutenu que les nouvelles provinces sont autonomes dans la gestion de leur fiscalité. Déjà en juillet dernier, les députés provinciaux du Sud-Ubangi avaient interdit au bureau de la Direction générale des recettes de l’Equateur (DGREG) à Gemena de transférer les recettes vers Mbandaka pour permettre à leur province de disposer de moyens financiers. Dans le Bandundu morcelé en 3 provinces (Kwango, Kwilu et mai-Ndombe), la société civile locale exhorte plutôt les acteurs politiques à tempérer leurs ardeurs séparatistes et d’accorder un régime de gestion des affaires courantes à la BRB, Brigade des recettes de Bandundu, le temps de la mise en place des animateurs de nouvelles provinces. Voilà donc des entités sui generis, ex-nihilo c’est selon, qui brassent d’importantes sommes d’argent dont la gestion est plutôt nébuleuse. Des poursuites judiciaires en perspectives. Pour l’exercice budgétaire 2016, les 26 provinces se partageraient-aucunement à part égale- quelque 321 milliards de francs soit un accroissement de 79 milliards de francs par rapport à 2015. Mais une précision de taille, l’on est passé de 11 à 26 provinces. Commentaire de l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito, chaque province n’aura que 12 milliards de francs soit moins de 15 millions de dollars. Par conséquent, les crédits des provinces de Kinshasa, du Kongo-Central, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont réduits respectivement de 14 milliards, de 10 milliards, de 7 milliards et de 8 milliards de francs.Cela représente un crédit mensuel de 1 milliard de francs pour chaque province, soit 1,1 million de dollars pour le fonctionnement. Jamais deux sans trois. Le nouveau découpage territorial est une obligation constitutionnelle. La retenue à la source des 40% des recettes à caractère national aussi. L’argent, c’est le nerf de la guerre, dit-on. Jusqu’où n’iraient pas les (politiques et milieux d’affaires) nouvelles provinces pour disposer d’elles-mêmes ?
POLD LEVI MAWEJA