Trois décennies après que le Rwanda, notamment, se fut lancé dans des campagnes militaires de déstabilisation et de pillage des ressources naturelles de la RDC, entraînant la mort de plus de 5 millions de personnes selon des estimations onusiennes, pas la moindre condamnation formelle de Paul Kagame et de son armée. Même pas après que Kigali eût ressuscité le M23, un groupe terroriste vaincu par les FARDC soutenus par la brigade spéciale d’intervention de la MONUSCO en 2013, depuis le second semestre 2021. Soutenus par les RDF (Rwanda Defense Force), les terroristes du M23 new look ont pris le contrôle de Bunagana à la frontière ougandaise depuis plus d’un trimestre, avant de relancer les hostilités qui ont abouti à la prise de Kiwandja, Rutshuru-Centre et Rumangabo le week-end. Avec en prime une crise humanitaire sans précédent.
Selon les chiffres d’agences onusiennes, quelques 11.000 civils Congolais ont trouvé refuge en Ouganda voisin depuis le déclenchement des hostilités par le M23. Alors que 75.000 autres sont en errance dans la province du Nord-Kivu, dont près de 40.000 depuis moins de 10 jours. C’en en faisait sans doute beaucoup et ça a quelque peu ému la bienpensante communauté internationale, juste assez pour condamner le soutien militaire apporté aux terroristes. Mais le pays qui entretient des exterminateurs en RDC depuis des dizaines d’années.
Force est de constater que les lignes ont, néanmoins, tendance à bouger. Le langage utilisé s’avère de moins en moins complaisant, même l’on ne va pas encore jusqu’à citer Kigali.
Les Etats-Unis condamnent
Au cours d’une réunion du conseil de sécurité des Nations-Unies consacrée à la situation à l’Est de la RDC, mercredi 26 octobre 2022 à New York, Robert Wood, représentant alternatif pour les affaires politiques spéciales de l’administration Biden, a clairement appelé l’armée rwandaise à cesser tout soutien au M23. «Ces violences sont inacceptables et les Etats-Unis exigent des groupes armés qu’ils mettent fin à leurs attaques contre les populations les plus vulnérables de la RDC. Nous appelons également les acteurs étatiques à cesser de soutenir ces groupes, notamment l’aide apportée par les Forces de défense rwandaises au M23», avait-il déclaré en substance, tout en relevant que pour les Etats-Unis, «il va de soi que l’instauration de la paix dans les Grands Lacs ne passera pas par la force. La paix dépend d’un processus politique, d’une volonté politique et de solutions politiques».
A la suite de l’administration américaine, nombre de représentants des pays membres du Conseil de sécurité des Nations-Unies avaient profité de la réunion du 26 octobre pour condamner tout soutien au M23 … et à tout autre groupe armé, notamment les FDLR rwandais, comme pour faire bonne mesure.
Le 28 octobre 2022, une source onusienne citée par le service de communication de la présidence de la RDC a annoncé l’arrivée dans les régions dans les tous prochains jours d’une équipe du comité des sanctions des Nations-Unies, «chargée de rencontrer les parties prenantes» dans le conflit de l’Est de la RDC. Le Conseil de sécurité a le pouvoir d’imposer des sanctions exécutoires à des Etats ou entités aux fins d’exercer une pression sur eux afin de faire respecter ses décisions en cas de menace contre la paix et d’échec de l’action diplomatique, rappelle-t-on à cet effet.
Réactions musclée du Foreign Office
Mais l’évolution de la situation sur le terrain des affrontements ces dernières semaines ainsi que la réaction diplomatique musclée de Kinshasa qui a décidé l’expulsion de l’ambassadeur rwandais en RDC et le rappel de son chargé d’affaires à Kigali, ont, elles aussi, entraîné une levée de boucliers contre le mouvement terroriste soutenu par Kigali, sans aller jusqu’à nommer le parrain des exterminateurs.
Des Etats-Unis, le président de la Commission des affaires étrangères du Sénat a carrément demandé à Paul Kagame d’arrêter de soutenir le M23, «un mouvement terroriste responsable du meurtre des Congolais et des casques bleus». Le Foreign Office britannique s’est, lui aussi, insurgé contre les souffrances infligées aux populations civiles en RDC : «Les hostilités doivent cesser. Le soutien au M23 doit cesser», a-t-on lu dans un communiqué relatif à la situation à l’Est de la RDC.
Le 1er novembre, une note diffusée par l’ambassade américaine en RDC appelait le M23 à cesser immédiatement les hostilités, exhortant les parties (sans les citer) à une reprise «rapide du processus de Nairobi et du processus de médiation trilatéral de Luanda».
Lundi 31 octobre, Hadja Lahbib, ministre fédérale belge des affaires étrangères, des affaires européennes et du commerce extérieur et des institutions fédérales a exhorté «le Rwanda à contribuer à la désescalade et à utiliser tous les moyens à sa disposition pour persuader le M23 à cesser immédiatement les combats, de se retirer des zones conquises et de se réengager dans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration communautaire» au cours d’un communication téléphonique avec Vincent Biruta, ministre rwandais des affaires étrangères.
Seul le Quay d’Orsay français est demeuré en reste, se contentant d’exhorter les Etats de la région au dialogue, sans doute pour ne pas déplaire à Kigali. Et avec lui, ses porte-voix sur le continent que sont la présidence et la Commission de l’Union Africaine.
Réaction mitigée du Quai d’Orsay et de l’UA
Dans un communiqué publié dimanche 30 octobre 2022 à Addis-Abeba, le président en exercice de l’UA, le Sénégalais Macky Sall, et le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, ont exhorté «toutes les parties prenantes à s’engager dans un dialogue constructif, dans le cadre du Mécanisme existant, le cadre de paix, de sécurité et coopération de l’Union Africaine pour la RDC et la région, et du Dialogue de paix intercongolais de la communauté d’Afrique de l’Est». Mais aussi, «à participer de bonne foi au troisième dialogue de paix intercongolais qui se tiendra à Nairobi du 4 au 13 novembre 2022».
Réitérant son soutien à la «Feuille de route de Luanda » visant à normaliser les relations politiques entre la RDC et le Rwanda, le communiqué conjoint du 31 octobre souligne que «les initiatives de l’Union africaine, de l’EAC et de la CIRGL sont complémentaires et se soutiennent mutuellement». C’est de la bonne vieille langue de bois, estiment d’aucuns en RDC, dont les limites intrinsèques s’étalent sur trois décennies de tueries et de pillages des ressources nationales.
Dimanche 30 octobre, Antonio Tete, ministre angolais des affaires étrangères et envoyé spécial du président Joao Lourenço avait transmis à Félix Tshisekedi un message de son homologue angolais lié aux relations entre les deux pays et aux questions de sécurité à l’Est de la RDC, selon la présidence congolaise. Lundi 31 octobre, l’envoyé spécial angolais transmettait le même message à Paul Kagame au Village Urugwiro à Kigali.
Mardi 1er novembre 2022, la presse angolaise a fait d’entretiens téléphoniques entre Joao Lourenço et Félix Tshisekedi, dont rien n’a filtré, mais les observateurs doutent du succès de la médiation confiée au chef de l’Etant angolais, après que la tripartite organisée à Luanda le 6 juillet 2022 eût accouché d’une souris. Outre que le cessez-le-feu convenu a été rompu à l’initiative du M23 soutenu par Kigali, le retrait immédiat des positions conquises par les terroristes n’a jamais été effectué. Selon Kigali, «le sommet tripartite de Luanda sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC s’est conclu par une feuille de route convenue pour désamorcer les hostilités qui comprend la résolution de la question des FDLR tandis que la question du M23 doit être traitée au niveau régional, dans le cadre du processus de Nairobi». Seule la nomination par Luanda d’un officier général angolais chargé de diriger le mécanisme d’observation ad hoc destiné à désamorcer la tension entre les deux Etats a, effectivement, été nommé. En échange du cessez-le-feu immédiat et du retrait du M23 de ses positions en RDC, Kigali s’était donc ménagé son éternel motif d’intrusions dans les territoires de son voisin congolais : la nébuleuse FDLR-Génocidaire que Kagame n’a eu de cesse de recycler ces dernières années.
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