Les chants de sirène de la diplomatie du Rwanda appelant à la patience avant la signature d’un accord de paix avec la RDC n’y auront rien fait. Sous la pression de l’administration Trump, trois jours de travaux ont suffi pour que les experts des deux pays paraphent formellement un draft d’accord de paix. Le document sera signé au niveau ministériel, par la Congolaise Thérèse Kayikwamba Wagner et le Rwandais Olivier Nduhungirehe dès la semaine prochaine.
Les travaux de Washington sont allés vite parce que les négociateurs ont pris le relais des progrès enregistrés dans le cadre du processus de Luanda, piloté par l’Angolais Joao Lourenço, et snobé par Paul Kagame à la toute dernière minute. A deux reprises l’année dernière, les experts des deux pays belligérants étaient parvenus à un accord sur le retrait des troupes rwandaises et les opérations coordonnées contre les résidus des milices FDLR. Mais la mauvaise foi manifeste de la partie rwandaise avait fini par venir à bout de la patience de la médiation angolaise.
Cette fois-ci, un accord global a été obtenu grâce à la pugnacité de la médiation américaine. Il a été annoncé par un communiqué conjoint de la RDC, du Rwanda et des Etats-Unis sous l’observation du Qatar.
Cette déclaration conjointe publié le 18 juin 2025 rapporte que «des équipes techniques de la République Démocratique du Congo et de la République du Rwanda ont paraphé le texte de l’accord de paix, en présence de la sous-secrétaire d’Etat américaine aux Affaires politiques, Allison Hooker, en prévision de la signature ministérielle de l’accord de paix le 27 juin 2025, en présence du secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio».
Intérêts politico-économiques et sécuritaires
L’accord s’appuie sur la Déclaration de principes du 25 avril 2025 et porte sur les intérêts politiques, sécuritaires et économiques, souligne la déclaration. «Il comprend des dispositions sur le respect de l’intégrité territoriale et l’interdiction des hostilités ; le désengagement, le désarmement et l’intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques ; la mise en place d’un Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité intégrant le CONOPS du 31 octobre 2024 ; la facilitation du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi que l’accès humanitaire ; et un cadre d’intégration économique régionale», y lit-on.
La déclaration conjointe renseigne également que le Qatar «a participé à ces discussions afin d’assurer la complémentarité et l’harmonisation des initiatives des deux pays visant le dialogue et la paix dans la région».
Selon les engagements politiques auxquels Kinshasa et Kigali ont souscrit le 25 avril 2025 à Washington (accord de principes), les deux Etats affirment le respect de la souveraineté, des frontières et de la non-ingérence. Ils s’engagent dans la résolution des conflits par la diplomatie au lieu de la force ; s’abstiennent de soutenir les groupes armés non étatiques ; conviennent d’un mécanisme conjoint de sécurité ainsi que d’un plan d’intégration économique progressive via l’EAC, le COMESA et la CIRGL. Les Etats Unis se sont pour leur part engagés à soutenir le commerce régional par des investissements dans les secteurs miniers, de l’énergie et des parcs naturels. Kinshasa et Kigali ont promis de s’impliquer dans la facilitation du retour volontaire et en toute sécurité des déplacés internes et des réfugiés avec le soutien de l’ONU dont la mission de stabilisation au Congo (MONUSCO) est appelée de concert avec des forces régionales à vérifier la mise en oeuvre de ces engagements et protéger les populations civiles.
Un pas significatif vers la signature de l’accord
Le document paraphé par les équipes techniques rd congolaises et rwandaises à Washington constitue donc un pas significatif vers la signature d’un accord de paix entre les deux Etats devant le président américain, Donald Trump. «Nous attendons avec intérêt le prochain sommet des chefs d’Etat à Washington, D.C., afin de promouvoir davantage la paix, la stabilité et la prospérité économique dans la région des Grands Lacs», conclut, à cet effet, la Déclaration conjointe du 18 juin 2025, publiée par le porte-parole du Département d’Etat américain.
On est loin du pessimisme affiché par l’inénarrable Olivier Nduhungirehe, chef de la diplomatie rwandaise qui s’est fendu non sans délectation d’un tweet le 16 juin pour expliquer qu’aucun accord de paix ne serait signé le 15 juin 2025 à Washington. De fait, il y en a bel et bien eu un, 48 heures après.
Les négociations en présentiel entre les équipes techniques de la RDC et du Rwanda se sont ouvertes le 15 juin 2025 à Washington, D.C., après plusieurs semaines d’échanges entre les parties par courriels.
Calendrier américain contraignant
Le 12 juin 2025, Troy Fitrell, haut fonctionnaire du Département d’Etat américain chargé des Affaires africaines avait donné le ton en soulignant l’importance stratégique de la RDC de même que les enjeux sécuritaires et les perspectives économiques entourant l’accord.
Le diplomate américain avait, à l’occasion d’un événement organisé par Africa Center, un démembrement de Atlantic Council, détaillé une stratégie en 6 points visant l’intensification de la présence américaine sur le continent africain, la diplomatie commerciale, les investissements dans les infrastructures et la mobilisation des entreprises américaines. M. Fitrell a ainsi rappelé que 71 nouveaux accords, représentants plus de 7 milliards USD ont été conclus depuis janvier dernier.
En matière sécuritaire, le diplomate américain a confirmé l’implication des Etats-Unis dans la facilitation du dialogue entre Kinshasa et Kigali, en coordination avec les initiatives régionales et internationales. «Nous visons toujours un accord de paix d’ici juin ou juillet», avait-il précisé, en rappelant le caractère impérieux du calendrier proposé par Washington. Pour l’Oncle Sam, il n’y a plus place désormais pour les tergiversations habituelles dans les négociations devant aboutir à la pacification de la région des grands lacs perturbée de manière incéssantes par l’activisme militaro-économique du régime de Paul Kagame.
J.N.