Les jours fastes de la rhétorique des autorités rwandaises sur le génocide rwandais et la chasse aux sorcières déclenchée à cet effet semblent expirer. De plus en plus de voix s’élèvent pour déconstruire le narratif officiel sur le drame survenu au pays des mille collines en 1994, qui présente Paul Kagame comme le sauveur du peuple rwandais victime de massacres préparés et perpétrés par des extrémistes Hutu. Ainsi que la chasse à l’homme tous azimuts qui s’en est suivie.
Accusée par Kigali d’avoir commandité ces crimes, Agathe Habyarimana, l’octogénaire veuve du président Rwandais tué dans l’attentat d’avion déclencheur des massacres contre les Tutsi à Kigali survenu le 6 avril 1994, est mise hors de cause par la justice française. L’ex première Dame du Rwanda était poursuivie pour «complicité de génocide» en France depuis 2007, à la suite d’une plainte à sa charge déposée par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, alors qu’elle était déjà sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités de Kigali. Placée en position de temoin assistée, la veuve de 82 ans attendait depuis donc depuis 18 ans, une mise en examen formelle par le tribunal judiciaire de Paris, sollicité par le Parquet national antiterroriste (PNAT) français en septembre 2024.
Pas d’éléments probants
Le 16 mai 2025, les deux juges en charge de l’instruction du dossier Agathe Habyarimana ont pris une ordonnance, publiée lundi 19 mai, déclarant l’instruction close faute d’éléments probants. Parce que la veuve de l’ancien président Hutu du Rwanda «apparaît non comme autrice du génocide, mais bien comme victime» de l’attentat terroriste dans lequel son époux et son homologue burundais avaient péri en 1994. Et, «on ne peut établir la preuve d’un lien entre les premiers assassinats perpétrés par certains membres de la garde présidentielle ou de l’armée et un ordre qu’elle aurait donné» le soir du 6 avril 1994. D’autant plus que, trois jours plus tard, la veuve Habyarimana avait été exfiltrée en Europe avec sa famille à la demande du président français François Mitterrand qui était proche de son défunt mari.
La décision de la juge française augurait d’un non-lieu à venir. «Mme Habyarimana attend avec une grande sérénité l’issue de la procédure qui vient de connaître un nouveau coup de théâtre aujourd’hui avec la décision rendue par la juge d’instruction, qui anéantit la demande de l’accusation. Il est temps que le non-lieu qui s’impose soit prononcé au plus vite», a réagi Me Philippe Meilhac, l’avocat de la veuve. Selon l’ordonnance prise par la juge chargée du dossier en cosaisine avec une autre juge spécialisée, après avoir entendu la veule Habyarimana en décembre dernier, il «n’existe pas à ce stade d’indices graves et concordants contre Agathe Kanziga (Habyarimana) qu’elle ait pu être complice d’acte de génocide» ou pu «participer à une entente en vue de commettre le génocide. Si la rumeur est tenace, elle ne peut faire office de preuve en l’absence d’éléments circonstanciés et concordants».
Aucun discours de haine
Répondant aux accusations de Kigali selon lesquelles Agathe Habyarimana était l’une des dirigeantes de l’«akazu», le premier cercle du pouvoir Hutu qui aurait planifié et orchestré le génocide des Tutsi, les juges ont indiqué qu’«aucun discours public d’Agathe Kanziga proférant des discours de haine ou d’appel au génocide ; aucun témoignage ne (la) relie» à des listes de Tutsi à tuer ; «aucune trace» qu’elle ait pu intervenir pour faire de la propagande sur la Radio-télévision des Mille Collines, qui diffusait des messages de haine anti-Tutshi, ou de l’avoir financée, rapporte l’AFP.
Réagissant à cette évolution de l’instruction du dossier de Mme Habyarimana, son fils Jean-Luc Habyarimana, estime que «la justice française vient de dynamiter la propagande de Kigali. Encore une fois, les mensonges du FPR éclatent au jour, il est plus que temps de revoir le narratif que Kagame et le FPR vendent depuis 30 ans sur le génocide rwandais», écrivait-il sur son compte X, mardi 20 mai 2025. «Plus de 6 millions de morts rwandais et congolais, viols massifs, pillages quotidiens de l’or, du coltan et de la cassitérite : voilà le prix humain de ce mensonge d’Etat», conclut-il.
Mercredi 21 mai 2025, la Cour d’Appel de Paris a jugé «sans objet» le recours du parquet national antiterroriste demandant l’inculpation d’Agathe Habyarimana, pour entente en vue de la commission du génocide des Tutsi en 1994. Une décision qui enterre, à ce stade, toute perspective de procès contre la veuve, selon Ouest-France. Même si le PNAT n’en était pas à sa première demande d’investigations, les premières ayant été formellement clôturées en 2022, avant que l’instance judiciaire française, sans doute sous pressions politiques, ne redemande de nouvelles investigations au mois d’août de la même année, soutenues par un nouveau réquisitoire supplétif en vue d’obtenir l’inculpation de l’ex première Dame du Rwanda.
J.N.