Aussitôt la proposition de sa nomination en qualité de médiateur de l’Union africaine dans le conflit qui oppose la RDC et le Rwanda confirmée par la Conférence des présidents, mercredi 16 mars 2025, Faure Gnassingbé Eyadema, s’est mis au travail. En se rendant en Angola et à Kinshasa, sans doute avant d’effectuer le déplacement de Kigali, l’autre partie au conflit. Néanmoins, l’issue de la mission confiée au président togolais n’incite pas à l’optimisme. Son prédécesseur, l’Angolais Joao Lourenço, qui a géré ce dossier complexe depuis 2022 a littéralement jeté l’éponge après de vaines tentatives de rapprochement de vues entre les protagonistes congolais et rwandais.
Jeudi 17 avril 2025, le président Gnassingbé a lancé sa mission de médiation par une visite à Luanda en Angola où il a été reçu durant près de 2 heures par son homologue, Joao Lourenço. Avec le président en exercice de l’Union africaine et médiateur jusque début avril dans la crise de l’Est de la RDC, le chef de l’Etat du Togo a sans doute pris le pouls autour de cette crise qui ne faiblit vraiment pas depuis 2021, même s’il s’est abstenu de toute déclaration aux médias à l’issue des entretiens. La presse angolaise, qui rapporte la rencontre entre les deux chefs d’Etat, ne cache pas son pessimisme quant à l’issue d’une crise qui a consacré l’échec de Joao Lourenço.
Le même jour, Faure Gnassingbé est arrivé dans l’après-midi à Kinshasa où il a été reçu par son homologue congolais, Félix Tshisekedi. Dans la capitale congolaise comme précédemment, à Luanda, le nouveau médiateur dans la crise de l’Est n’a pas commenté les deux heures de tête-à-tête avec son homologue congolais devant les médias.
Un communiqué du service de presse de la présidence congolaise, les deux chefs d’Etat ont échangé autour du contour du processus aligné de Luanda-Nairobi, 4 jours après la reprise du dossier par le nouveau médiateur. Sans plus.
Un dossier complexe
Même si les contours précis de la mission confiée au président togolais ne sont pas encore définis par l’Union africaine, les observateurs croient savoir qu’elle s’inscrit dans la droite ligne des démarches déjà entreprises en faveur de la paix dans la région des Grands lacs par l’organisation continentale.
Faure Gnassingbé est appelé à collaborer avec 5 co-facilitateurs désignés par la SADC et l’EAC, le 24 mars 2025. Il s’agit des anciens présidents Uhuru Kenyatta (Kenya), Sahle-Work Zewde (Ethiopie), Cathérine Samba-Panza (République Centrafricaine), Olesegun Obasandjo (Nigeria) et Kgalema Motlanthe (Afrique de Sud).
La désignation d’un chef d’Etat en fonction et de 5 anciens chefs d’Etat pour décanter la crise de la région des Grands Lacs donne une idée de la complexité de la tâche qui attend Faure Gnassingbé. En même temps qu’elle interroge sur les chances de réussite du président togolais, après que les négociations menées par son homologue angolais dans le cadre du processus de Luanda se furent arrêtées à l’étape déterminante du retrait des troupes et des mesures de défense rwandaises du territoire congolais et de l’éradication des troupes des FDLR du territoire de la RDC, notamment.
Depuis lors, les deux processus consacrés à la crise de l’Est rd congolais, celui de Luanda entre les deux Etats et celui de Nairobi entre la RDC et les groupes armés ont été fusionnés, jetant quelque confusion sur la suite à réserver par la nouvelle médiation par rapport aux progrès réalisés.
Multiples médiations
L’autre problème que pose la résolution de la crise de l’Est de la RDC réside dans la multiplication des initiatives de médiation. Ces dernières semaines, le Qatar s’est mêlé du dossier et a réussi l’exploit de réunir autour d’une table, à Doha, les présidents Tshisekedi et Kagame, alors que le conflit avait pris des proportions plus qu’inquiétantes après la prise des villes de Goma et de Bukavu par les rebelles de l’AFC/M23 soutenus par l’armée régulière rwandaise. Depuis quelques jours, les délégations du gouvernement de la RDC et des rebelles de l’AFC/M23 séjournent dans la capitale qatari dans le cadre de discussions en face-à-face auxquelles la partie congolaise s’était refusée jusque-là. Ce qui ajoute à la question des chances du médiateur de l’Union africaine, celle de son rôle dans la résolution du conflit de l’Est de la RDC.
Selon les observateurs, à la différence de son homologue angolais, Joao Lourenço, qui avait perdu la confiance de la partie rwandaise dans le cadre du processus de Luanda, Faure Gnassingbé a la chance de bénéficier de l’écoute de Kinshasa aussi bien que de celle de Kigali. En plus de ne pas appartenir aux organisations régionales Est africaine, plutôt proche du Rwanda, et de l’Afrique Australe, plus favorable à la RDC.
Quant aux négociations menées par la diplomatie qatarienne, elles peuvent s’avérer complémentaires à celles de l’UA et même, booster ces dernières en débloquant des situations auxquelles se sont heurtées les précédentes initiatives dans le dossier, selon des diplomates interrogés par nos confrères de RFI. «Le Qatar pourrait ainsi poser les bases du processus, tandis que Faure Gnassingbé pourrait en accompagner la suite au nom de l’UA avec la collaboration des partenaires internationaux», avance-t-on à ce sujet.
En attendant ces échéances, le conflit de l’Est de la RDC dispose d’un nouveau médiateur qui s’est résolument jeté à l’eau.
J.N.