Entre Kinshasa et Bujumbura, les relations sont au beau fixe, comme on dit. Tel semblait ne plus être le cas, il y a quelques semaines, lorsque la ville de Bukavu tombait entre les mains des forces armées rwandaises et de leurs supplétifs du M23, le 15 février 2025. Les troupes burundaises qui combattaient aux côtés des troupes de la RDC étaient données pour retirées du terrain des affrontements, selon une dépêche de Reuters.
Mardi 25 mars 2025, la ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner, a effectué le déplacement de la capitale burundaise pour y transmettre un massage «fort de solidarité et de reconnaissance» de Félix Tshisekedi à son homologue burundais, Evariste Ndayishimiye. Selon le communiqué publié à cet effet, la RDC remerciait le Burundi et son peuple pour leurs hospitalité et générosité, notamment, «l’accueil de plus de 70.000 réfugiés congolais victimes de l’agression rwandaise». A Bujumbura, Thérèse Kayikwamba a aussi souligné l’importance de bâtir un avenir pacifique et prospère en renforçant les relations bilatérales avec le Burundi, au-delà des crises actuelles. «Le Burundi a ouvert ses bras aux femmes, aux hommes et aux enfants congolais qui ont fui la guerre. Ils ont été accueillis comme des frères, comme des sœurs, comme les leurs», a déclaré en substance la plénipotentiaire congolaise, à l’issue d’une audience avec le chef de l’Etat burundais. Près de 70.000 Congolais ont trouvé refuge dans ce pays voisin de la RDC depuis les dernières escalades de violence en février 2025.
Kigali au banc des accusés
Dans une interview à la BBC, quelques heures avant la visite de l’envoyée de Félix Tshisekedi, le président burundais a accusé le Rwanda de préparer une attaque armée contre son pays, rappelant que le pays de Kagame avait déjà tenté un coup d’Etat au Burundi il y a 10 ans, «similaire à ce qu’il fait actuellement en République démocratique du Congo». Entre les deux pays voisins, la perception de l’équation rwandaise est identique. «La crise en RDC n’est pas une question de population, mais de minerais. Ils ne veulent pas la paix en RDC parce qu’ils veulent continuer à piller ses ressources», déclare Evariste Ndayishimiye.
A l’issue de son entrevue avec la ministre congolaise des Affaires étrangères, mardi dernier, le président burundais a réitéré ses accusations contre le voisin rwandais. «Le commandant suprême du M23/AFC, c’est le président Paul Kagame. Ce qu’il veut, c’est ce que le M23/AFC veut. Ce qu’il fait, c’est ce que le M23 fait», a-t-il déclaré aux médias. «Moi je pense qu’il y a un roi faiseur des rois qui est derrière le M23. Si Paul Kagame a refusé d’aller à Luanda, est-ce que vous pensez que le M23 allait accepter d’y aller ?», s’est encore interrogé à haute voix Evariste Ndayishimiye.
Pourtant, les relations entre la RDC et le Burundi avaient failli basculer, il y a quelques semaines, Kinshasa risquant de perdre son meilleur allié dans la région depuis le déclenchement de la dernière agression rwandaise en 2021.
Réchauffement des relations
Dans la foulée de la chute de Bukavu, le président burundais avait créé la sensation en annonçant sur son compte X de possibles accords avec le Rwanda aux termes desquels le pays de Paul Kagame renonçait à ses projets d’agression de son voisin burundais. «Après les discussions que j’ai eues avec les pays amis du Rwanda, ceux qui espéraient profiter de la guerre peuvent mettre leurs appétits en veilleuse. Je demande aux patriotes burundais de rester vigilants, car on ne sait le jour où un bandit va attaquer», postait-il en langue burundaise.
S’en sont suivis des informations faisant état du retrait des troupes burundaises qui combattaient aux côtés de leurs homologues congolaises au Sud-Kivu. Notamment, cette dépêche de Reuters du 18 février 2025, citant une source dans l’armée burundaise. Même si dans le même temps, des sources quasi officielles au Burundi assuraient que les militaires de la FDNB déployés en RDC continuaient à exécuter leurs missions dans leurs secteurs de responsabilité.
Entre Kinshasa et Bujumbura, un coup de froid est bel et bien passé, qui est en passe d’être résorbé avec la visite de l’envoyée spéciale de Félix Tshisekedi à Bujumbura.
J.N.