Après une intervention très remarquée du haut de la tribune du parlement européen, au cours de laquelle il avait qualifié de honteux l’accord sur les minerais critiques conclu avec le Rwanda en février 2024, le député RN Thierry Mariani est revenu à la charge. Pour faire constater que l’UE a été engagée dans un deal avec un voyou «réélu» quelques mois plus tard avec plus de 99 % des voix, responsable des massacres en RDC et exiger la publication de cet accord amplement critiqué.
Sur son compte X, M. Mariani écrit que ledit accord «n’apporte aucune garantie sur la traçabilité des minerais. Il se base sur les seules déclarations du Rwanda. Le pillage de la RDC continuera !».
A lire ce texte signé par Jutta Urpilainen, commissaire aux affaires internationales et partenariats de l’UE, et Vincent Biruta, alors ministre des Affaires étrangères du Rwanda, le 19 février 2024, c’est un énorme cadeau de plus au dictateur rwandais qui déstabilise la région des Grands Lacs africains depuis plus d’un quart de siècle. En effet, ce petit pays qui ne dispose pas de ressources minières dont il est pourtant devenu un des principaux exportateurs grâce aux pillages perpétrés en RDC voisine, l’Union européenne donne l’impression de demander subtilement à rendre une partie du butin pillé au Congo.
Ci-dessous, quelques extraits du fameux protocole d’accord UE – Rwanda:
L’Union européenne et la République du Rwanda (…) souhaitent établir un partenariat stratégique sur les chaînes de valeur durables des matières premières en signant le présent Mémorandum d’accord. Ils ont l’intention de coopérer pour une intégration plus étroite de leurs chaînes de valeur respectives de matières premières (…).
Ils s’engagent en faveur de la transition verte et numérique. Ils reconnaissent que garantir un approvisionnement durable en matières premières est une condition préalable pour atteindre les objectifs de la transition verte et numérique, y compris la décarbonation des écosystèmes de production d’énergie et de mobilité à l’échelle mondiale (…).
L’UE reconnaît notamment l’ambition du Rwanda de devenir un centre de transformation de plusieurs matières premières. Ils s’engagent à créer des conditions favorables à un commerce et à des investissements bilatéraux ouverts et équitables le long de chaînes de valeur durables des matières premières.
Ils reconnaissent que l’extraction et la transformation des matières premières et le développement des chaînes de valeur associées doivent être poursuivis dans le respect des normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) internationalement reconnues, y compris celles découlant des accords multilatéraux sur l’environnement, du respect des droits de l’homme et l’alignement sur les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, avec une attention particulière accordée à la transparence, à la traçabilité et à la contribution à la paix et à la stabilité régionales (…).
Une attention particulière sera accordée à la gestion des déchets pour les projets à toutes les étapes de la chaîne de valeur.
Le secteur minier représente 3% du PIB rwandais.
Selon la Stratégie nationale de transformation (NSTI), le secteur minier a pour mandat de répondre à l’objectif national d’augmentation de la valeur ajoutée des produits minéraux et des carrières en attirant les investissements dans le traitement des minéraux et la valeur ajoutée.
NST1 indique que le secteur minier, devrait augmenter ses revenus d’exportation de 373 millions USD en 2017 à 1,5 milliard de dollars en 2024 et devrait également attirer davantage d’investissements dans la valeur ajoutée minérale et jouer un rôle dans la création d’emplois grâce à la valorisation et transformation des minéraux.
La communication «Vers une stratégie globale avec l’Afrique» adoptée en 2020 reconnaît la nécessité d’une coopération renforcée entre l’UE et l’Afrique pour développer un secteur des matières premières responsable, pour promouvoir des chaînes de valeur industrielles sûres et propres, tout en respectant des normes environnementales et climatiques ambitieuses.
La proposition de loi européenne sur les matières premières critiques de 2023 reconnaît l’importance de développer des partenariats internationaux stratégiques et la nécessité de mettre à disposition des ressources financières pour garantir un approvisionnement diversifié et durable en matières premières critiques.
Portée du partenariat et domaines couverts
Le partenariat couvre les matières premières non énergétiques et non agricoles nécessaires à la transition verte et numérique couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur (exploration, extraction, transformation, raffinage, valorisation et recyclage) ainsi que d’autres minéraux d’importance stratégique pour le transition double, tout en minimisant les impacts environnementaux négatifs et en bénéficiant aux communautés locales.
Le partenariat repose sur cinq piliers principaux :
1. Intégration de chaînes de valeur durables de matières premières et soutien à leur fonctionnement et à leur résilience par la mise en réseau, l’identification et le développement conjoints de projets stratégiques d’intérêt mutuel (par exemple par le biais de coentreprises), la promotion et la facilitation des liens commerciaux et industriels, le soutien à la diversification économique ;
2. Mobilisation de fonds pour le déploiement des infrastructures matérielles et matérielles nécessaires au développement de projets, afin de mobiliser le financement et la coopération du secteur privé pour résoudre les questions commerciales, y compris l’inclusivité et l’amélioration du climat d’investissement ;
3. Coopération pour parvenir à une production et un approvisionnement durables et responsables en matières premières, y compris le soutien à la « domestication » des différents outils exploités dans le cadre de l’Initiative régionale de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) contre l’exploitation illégale des ressources naturelles (RINR). ; ce soutien s’adresse notamment à :
• une diligence raisonnable et une traçabilité accrues et en particulier un soutien à l’engagement de la République du Rwanda dans l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), la publication de données clés pour chaque mine et l’utilisation d’outils scientifiques pour vérifier l’origine documentée des minerais de conflit ;
• la lutte renforcée contre le trafic illégal et le blanchiment – y compris l’application de mesures pour intercepter les minerais de contrebande entrant dans le pays et les rapatrier vers le pays d’origine ;
• et l’alignement sur les normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) internationalement reconnues et pertinentes pour ce secteur, ainsi que le respect des accords multilatéraux applicables ;
4. Coopération en matière de recherche et d’innovation et partage de connaissances et de technologies liées à l’exploration, à l’extraction, à la transformation et au recyclage durables des matières premières, à leur substitution, à la gestion des déchets et à la surveillance des risques d’approvisionnement ;
5. Renforcement des capacités pour faire appliquer les règles pertinentes, en augmentant la formation et le développement des compétences liées à la chaîne de valeur des matières premières.
Mise en œuvre et suivi
Dans les 6 mois suivant la signature de ce mémorandum, les participants ont l’intention d’élaborer une feuille de route.
La Feuille de route vise à identifier les actions concrètes de coopération convenues par l’Union européenne et la République du Rwanda, selon les cinq piliers identifiés ci-dessus. Il devrait impliquer les parties prenantes concernées, y compris la société civile et les représentants des communautés locales, des deux participants et identifier les principales organisations chargées de mettre en œuvre chaque action.
Les participants ont l’intention de suivre la mise en œuvre de la feuille de route par le biais d’un groupe de travail dédié composé de hauts fonctionnaires, d’experts et d’acteurs concernés, comme spécifié dans la feuille de route. Les participants ont l’intention d’organiser une réunion annuelle pour faire le point sur les progrès du Partenariat, discuter de nouvelles orientations stratégiques possibles en matière de collaboration et mettre à jour la feuille de route. Les participants peuvent, d’un commun accord, proposer une réunion au niveau ministériel pour les questions stratégiques. Le groupe de travail devrait faire rapport et se référer à l’article 8 du dialogue politique entre l’Union européenne et la République du Rwanda et, par la suite, au dialogue de partenariat dans le cadre de l’accord de partenariat successeur entre l’Union européenne et les membres de European Union and members of the Organisation of African, Caraibean and Pacific States (OEACP).
Statut du partenariat
Le partenariat n’a pas pour but de créer des droits ou des obligations en vertu du droit international ou national. En particulier, rien dans le présent protocole ne représente un engagement de financement de la part de l’un ou l’autre des participants.
De plus, ce protocole ne représente aucun engagement de la part de l’un ou l’autre des participants à accorder un traitement préférentiel à l’autre participant sur toute question contenue dans le présent document ou autre.
La mise en œuvre de ce Mémorandum et de toute autre activité en vertu des présentes doit être conforme aux lois, réglementations, politiques et procédures nationales de chaque Participant, ainsi qu’aux obligations internationales de chaque participant.
Dans le processus de mise en œuvre de la feuille de route, les participants entendent assurer la protection mutuelle des intérêts de chacun, y compris des informations confidentielles pour les autorités publiques et les entreprises concernées.
Signé à Bruxelles le 19 février 2024, en deux exemplaires originaux en anglais, tous deux ayant la même valeur.
Pour l’Union européenne
M. Jutta Urpilainen, Commissaire aux affaires étrangères et Partenariats
Pour la République du Rwanda
M. Vincent Biruta, Ministre des Affaires Internationales
Problème : le Rwanda avec lequel l’Union européene a étourdiment signé ce protocole d’accord ne dispose pas de ressources minières et est épinglé par une multitude de rapports du gouvernement congolais et des experts des Nations unies mettant en exergue le pillage, le trafic illégal des ressources minières de la RDC que le gouvernement de Kigali agresse impunément depuis plus de trois décennies. Parler de lutte contre le blanchiment des capitaux dans un tel contexte avec un tel partenaire relève donc du sophisme le plus cynique. D’où, l’interpellation du député européen Thierry Mariani qui rejoint en l’espèce les dénonciations répétées des autorités gouvernementales de la RDC que l’Union européenne semble avoir choisi d’ignorer purement et simplement.
De qui se moque-t-on à Bruxelles ?
Le Maximum