Trois jours avant l’expiration du second cessez-le-feu obtenu pour des raisons humanitaires par les Etats-Unis, un nouveau cessez-le-feu, carrément politique celui-là, a été annoncé le 30 juillet 2O24 à Luanda. La décision a été rapportée lors de la rencontre ministérielle, la seconde du genre, entre la RDC et le Rwanda sous la médiation de l’Angola. Et le nouvel accord, qui s’inscrit dans le cadre du processus de Luanda, entre en vigueur dimanche 4 août 2024 à partir de minuit, selon un communiqué de la présidence angolaise. Son application sera contrôlée par un mécanisme ad hoc qui existe déjà mais sera renforcée, indique-t-on.
Mercredi 31 juillet, la communauté internationale s’est empressée de saluer le nouvel accord de Luanda entre Kinshasa et Kigali. A commencer par la Belgique, dont la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, a indiqué que «nous remercions l’Angola pour son rôle crucial et encourageons les différentes parties à respecter leurs engagements». Pour le Royaume de Belgique, l’accord obtenu à Luanda est «une étape essentielle pour atténuer les souffrances de la population et mener à une résolution du conflit dans l’Est de la RDC».
Même son de cloche du côté de Paris où, dans une déclaration publiée par le ministère des Affaires étrangères qui félicite l’Angola pour sa médiation, il est affirmé que «la France salue le cessez-le-feu sur lequel se sont entendues les parties à compter du 4 août prochain et les encourage à respecter leurs engagements».
La MONUSCO a, elle aussi, salué l’engagement de Luanda du 30 juillet dans un communiqué publié mercredi 31 juillet 2024, et annonce sa disponibilité à soutenir le mécanisme de vérification ad hoc mandaté pour superviser le respect du cessez-le-feu. Bruno Lemarquis, représentant spécial adjoint du secrétaire général des Nations-Unies en RDC et chef intérimaire de la mission onusienne a estimé que cet accord «pourra favoriser une désescalade entre les deux pays et permettre le retour en toute sécurité et dignité des personnes déplacées dans leurs foyers».
Le même mercredi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell a salué l’accord de cessez-le-feu entre Kinshasa et Kigali. «L’UE salue le cessez-le-feu conclu hier à Luanda à l’issue de la réunion trilatérale entre l’Angola, le Rwanda et la RDC. Elle salue le travail inlassable de la présidence angolaise en tant que médiateur de l’Union africaine pour le processus de paix en RDC, ainsi que l’engagement du Rwanda et de la RDC à obtenir ce résultat important », lit-on dans un communiqué signé de Josep Borrell.
Mutisme à Kinshasa et à Kigali
Cinq jours après l’annonce de Luanda, les principales parties concernées par le nouveau cessez-le-feu, la RDC et le Rwanda, ne se montrent pas disertes sur le sujet. Aucun commentaire n’a encore filtré ni de Kinshasa ni de Kigali où, selon toute vraisemblance, peu croient à ces perspectives enchanteresses après trois ans d’affrontements armés marqués par l’occupation d’une partie de la province du Nord-Kivu par les forces de défense du Rwanda, pays agresseur avéré, selon de nombreux rapports, notamment onusiens.
A Luanda s’est tenue, le 30 juillet 2024, la deuxième réunion ministérielle sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC, sous la médiation angolaise, afin de baliser le chemin semé d’embûches vers une rencontre au sommet entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame. En présence de Tété Antonio, ministre angolais des Affaires étrangères, les délégations conduites par Kayikwamba Wagner, ministre rd congolaise des Affaires étrangères et Jean-Patrick Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères ont tenu des discussions directes qui ont, plutôt rapidement abouti à un accord de cessez-le-feu. Manifestement en raison des pressions de plus en plus insistantes de la communauté internationale.
Pressions internationales
4 jours avant Luanda, les Etats-Unis avaient accentué la pression sur l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa (donc sur Kigali dont il est avéré qu’il soutient le nouveau mouvement terroriste, en fait), ainsi qu’à des personnes et entités qui lui sont apparentées, en leur imposant des sanctions ciblées, le 26 juillet 2024. Outre Nangaa, déjà sous sanctions, Bertrand Bisimwa du M23 a été frappé par le Département du Trésor américain. Autant que le colonel Augustin Migabo, commandant des Forces spéciales rwandaises dont on sait qu’elles opèrent au Nord-Kivu. Selon les observateurs, la décision américaine a dû peser suffisamment lourd pour favoriser la surprenante docilité du Rwanda.
L’Union Européenne a, de son côté inscrit sur sa liste des sanctions et imposé des mesures restrictives à 9 personnes et à une entité rebelle «responsables d’actes qui constituent de graves violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits en RDC, et qui entretiennent le conflit armé, l’instabilité et l’insécurité». Notamment, Benjamin Mbonimpa et le général Justin Gacheri Musanga (M23/ARC) ; Pierre Célestin Rurakabije et Gustave Kubwayo (FDLR) ; colonel Augustin Migabo (RDF) ; l’AFC de Corneille Nangaa Yobeluo.
Néanmoins, il semble encore long, le chemin qui mène vers une rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Le président de la RDC, on le sait, conditionne tout dialogue avec son homologue du Rwanda au retrait préalable des troupes rwandaises et rebelles du territoire de la RDC, conformément au processus de Luanda convenu entre les deux pays sous la médiation angolaise. Alors que Paul Kagame, réfractaire au retrait sans conditions de son armée et de ses rebelles du territoire de la RDC, ne cache pas sa préférence pour le processus de Nairobi qui implique des discussions entre la RDC et les mouvements armés qui sévissent son territoire, dont le M23 et l’AFC.
Luanda C/° Nairobi ?
Le 24 juillet 2024, Félix Tshisekedi avait dit tout haut tout le mal qu’il pensait du processus de Nairobi, mené par son homologue kényan, William Ruto, «qui est quasiment au point mort» à cause du président du Kenya qui «a pris fait et cause pour le Rwanda». Alors que de son côté, Paul Kagame semble s’abriter derrière ses phalanges terroristes pour dénoncer le processus de Luanda et les accords qui en résultent.Le 22 juillet 2024, 8 jours avant le nouveau rendez-vous de Luanda, l’AFC a publié un communiqué indiquant qu’elle «n’est pas impliquée dans le processus de Luanda qui concerne deux Etats selon les recommandations du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine». Selon ce communiqué signé par Lawrence Kanyuka, «les revendications de l’AFC s’alignent sur des questions de politique intérieure liées notamment à l’illégitimité des institutions, aux violations de la constitution, aux crimes politiques et économiques, aux discours de la haine et à la stigmatisation de certaines communautés congolaises et à la forfaiture électorale de décembre 2023».
La situation au front à l’Est de la RDC n’incite, elle non plus, à l’enthousiasme vis-à-vis du nouvel accord de cessez-le-feu.
Le 31 juillet 2024 encore, «les armes sophistiquées de la coalition RDF/M23 sont déjà dans le territoire de Rutshuru et Masisi en attendant la fin de la trêve humanitaire pour être actionnées», alertait Jean-Claude Bambaze, membre de la société civile du Nord-Kivu. Les insurgés continuent d’affluer sur le territoire rd congolais, assurait-il aux médias.
J.N. AVEC LE MAXIMUM