Marie-Josée Ifoku Mpela, c’est l’unique femme candidate à la présidentielle 2018 (dont elle s’est tirée avec 27.313 voix, soit 0,15 pc), remportée par Félix Tshisekedi. L’opinion n’avait plus entendu parler d’elle il y a belle lurette, mais elle a décidé de sortir de son silence, mardi 21 mars 2023. Au cours d’une conférence de presse qu’elle a animée à Kinshasa, la présidente de l’Alliance des élites pour un nouveau Congo (AENC) s’est déclarée préoccupée par les atrocités commises à l’Est de la RDC et le dysfonctionnement systématique de l’Etat. Ce qui, pour elle, constitue une crise (sans précédent ?) dont la résorption requiert l’instauration d’une période de transition de 2 ans maximum. Afin «d’orienter tous les efforts de la Nation vers la restauration de la paix et de l’intégrité territoriales». Ce n’est pas tout, selon cette femme également connue pour son passage éphémère à la tête de la province de l’Equateur et de la Tshuapa en qualité de vice-gouverneur puis gouverneur, les difficultés éprouvées par la CENI constituent une raison supplémentaire pour instaurer une période de transition politique. «Nous demandons à tout le peuple congolais de saisir cet appel que je viens de lancer à la nation en demandant que nous puissions nous mettre ensemble pour une transition de deux ans afin de donner naissance à une nouvelle République, ce que j’appelle la 4ème République. Nous voyons bien que ça ne va pas. La guerre dans l’Est continue, ça fait plus de deux décennies. Nous ne pouvons aller aux élections avec cette situation. Le dysfonctionnement de l’Etat et les tensions entre politiciens alors que nous nous sommes rendu compte qu’il n’y a ni opposition ni majorité, nous sommes tous des politiciens. Et si nous avons été capables de nous battre pour les intérêts personnels, nous pouvons nous battre aussi pour toute la population congolaise et nous battre pour protéger le Congo parce que si nous demeurons dans la distraction d’autres personnes viendront nous séparer pour continuer à piller nos richesses», a-t-elle fait remarquer.
Institutions constitutionnelles et de transition
Pour Mme Ifoku, la période de transition devrait être gérée par les institutions constitutionnelles et les institutions à créer pour la nouvelle transition.
Les institutions constitutionnelles de Marie-Josée Ifoku sont :
– Le président de la République, institution animée par le président Félix Tshisekedi en conformité avec la constitution, notamment en application de l’article 70 qui a déjà produit une jurisprudence ;
– Un gouvernement de réconciliation nationale, à diriger par une personnalité réputée consensuelle, désignée à la suite d’une concertation entre le président de la République, la classe politique, la société civile et le conseil national de la médiation ; les membres du gouvernement, essentiellement des technocrates, seront proposés par le camp présidentiel, l’opposition politique et la société civile, avec l’obligation de retenir des personnalités réputées intègres et dotées d’une expérience professionnelle crédible ;
– Le parlement (assemblée nationale et sénat) ;
– Les provinces, dirigées par des commissaires spéciaux nommés et non originaires ; pour les assemblées provinciales, le cas de force majeure pourra être évoqué et le budget de fonctionnement de ces organes législatifs irait au renforcement de l’effort de guerre et pour aider nos populations meurtries ;
S’agissant des institutions à créer, il s’agit de :
– Le conseil national de médiation, pour : prévenir et régler les conflits d’ordre politique et sociaux d’intérêt national ; de promouvoir par diverses initiatives la réconciliation et la cohésion nationale en vue de restaurer le socle de l’unité nationale ; de participer à la désignation des animateurs de la transition ; enregistrer les doléances des populations congolaises et étrangères en vue d’une canalisation ou d’une proposition de solution ;
– La commission constituante pour la 4ème République : chargée de préparer l’avant-projet de la nouvelle constitution qui sera soumise au referendum dans maximum 18 mois après le début de la transition …
Une nouvelle équipe gouvernementale
L’idée du renvoi de la tenue des élections prévues fin 2023, contenue dans la proposition de Mme Ifoku n’est pas nouvelle et n’a pas surpris en elle-même. Dans l’hémicycle, des voix se sont déjà fait entendre pour suggérer le report des scrutins de décembre prochain pour cause d’insécurité dans certains territoires de l’Est du pays. La nouveauté, c’est cette proposition de constitution d’une nouvelle équipe gouvernementale et des animateurs de nouvelles institutions dites de transition ainsi que des provinces. L’ancienne candidate à la présidentielle de 2018 se gardant bien de bousculer les institutions président de la République et le parlement. Ce qui ramène l’ensemble des propositions d’Ifoku à une sorte de demande d’élargissement des participants au festin avant les scrutins électoraux qu’autre chose.
Seulement, les raisons évoquées peuvent paraître d’autant plus légères qu’elles sont devenues quasiment habituelles. Aux dernières élections, d’importantes villes de la province du Nord-Kivu, de nouveau en proie à l’insécurité, avaient momentanément été exclues des votes. Et cela n’avait pas empêché l’élection des nouveaux députés et du président de la République.
L’autre faiblesse de la proposition Ifoku réside dans le fait qu’on n’y voit pas très bien le point de vue du souverain primaire : tant bien que mal, le processus électoral poursuit son bonhomme de chemin, les enrôlement, marquées par un engouement évident, devraient se clôturer sous peu et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) assure pouvoir conduire les Congolais aux urnes aux échéances prévues. Si donc les électeurs, en ce compris ceux des territoires sous occupation, ne se plaignent pas outre mesure, on ne comprend pas très bien ce qui autorise la présidente de l’AENC de décider à leur place.
Quant au prétendu dysfonctionnement systématique de l’Etat, l’on est encore loin de la division du pays en plusieurs parties dirigées chacune par une rébellion armée qui conduisit au dialogue de Sun City en Afrique du Sud, par exemple. Loin s’en faut. Il faut donc chercher ailleurs les vraies motivations de l’instauration d’une nouvelle transition. Il faut trouver mieux.
J.N.