Le président de l’Assemblée provinciale du Sankuru, Benoît Olamba Odimba, a écrit, vendredi 27 janvier 2023, au gouverneur de province, Jules Lodi, pour exiger la suspension, «toutes affaires cessantes», peut-on lire dans cette lettre dont une copie est parvenue à nos rédactions, de toutes les activités menées au Sankuru par l’ONG Bonobo Conservation Initiative (BCI) dans le cadre du projet crédit carbone.
Benoît Olamba justifie son exigence par le fait que le contrat de partenariat public-privé signé entre l’Institut Congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et BCI sur la gestion de la réserve naturelle de Sankuru, lequel contrat n’a jamais reçu l’avis de non objection du ministère de l’Environnement, n’intègre nulle part l’organisation représentant les communautés locales dans la gestion dudit contrat. Pour le président de l’Assemblée provinciale du Sankuru qui dit militer, non seulement pour l’intérêt de la province, mais aussi et surtout pour les populations de sa province, cette façon de faire va à l’encontre du principe de gestion d’une aire protégée à vocation communautaire.
Aussi, Benoît Olamba constate que l’amendement de l’Accord-cadre sur le finacement de crédits carbone de Sankuru, accorde des privilèges financiers excessifs à l’ONG BCI au détriment du pays (RDC), de la province du Sankuru et des communautés locales.
Le speaker de l’Assemblée provinciale du Sankuru s’insurge particulièrement contre l’opacité entretenue par BCI au sujet des fonds décaissés en rapport avec ledit projet qui requiert à son avis la transparence aussi bien dans ce qui est présenté comme un préfinancement que dans la vente des crédits carbone.
On apprend à ce sujet que la province du Sankuru est déjà débitrice d’au moins 8 millions USD pendant que depuis plus d’une décennie, BCI s’y trouve, sans avoir déployé la moindre action communautaire à impact visible et ce, en dépit de différents financements obtenus, notamment les 2 millions USD de la Banque africaine de développement (BAD) dans le cadre du projet CBFF (Fond Forestier du Bassin du Congo).
«Etant donné que la Représentation provinciale du Sankuru n’a jamais été, ni informée ni impliquée dans la conception et la mise en œuvre dudit projet, elle exige la suspension de toutes les activités du BCI au Sankuru en attendant les explications claires et précises sur le préfinancement, le financement ainsi que les étapes de la suite du projet», conclut Benoît Olamba dans sa correspondance dont des ampliations ont été réservées à plusieurs autorités du pouvoir central, notamment le président de la République, les présidents de deux chambres parlementaires, le 1er ministre, le vice-1er ministre, ministre de l’Intérieur, la vice-1ère ministre, ministre de l’Environnement ainsi que le directeur général de l’ICCN et la présidente de BCI.
Une maffia avec des ramifications à Kinshasa
Alors que l’Accord-cadre sur le financement des crédits carbone conclu entre la RDC représentée à l’époque par José Endundo alors ministre de l’Environnement (juin 2009) avec l’Asbl américaine Bonobo Conservation Initiative représentée par sa présidente Sally Jewell Coxe, prévoyait 80% pour la RDC et 20% pour BCI sur le revenu net issu de la vente des crédits carbone, un des successeurs de Endundo se serait permis de modifier cette clé de répartition.
Sally Jewell Coxe déclare à ce sujet que c’est bien avec l’accord du gouvernement congolais que la RDC est descendue à la quote-part de 40% seulement du revenu net issu de la vente des crédits carbone (Article 4 alinéa 1). Dans ces 40%, le Trésor congolais n’engrangerait via la DGRAD que 30%, l’interface congolais aussi 30% et l’administration du ministère de l’Environnement 20% dont la moitié (10 %) à l’ICCN pour appuyer son rôle dans la réserve naturelle du Sankuru.
Les 20% restants revenant à l’administration locale (province). La BCI se serait engagée à payer les 20% de la quotité prévue pour l’administration locale directement au gouvernement provincial du Sankuru, après déduction du bénéfice réservé à la RDC.
Les communautés locales se contenteraient de 15% du revenu brut issu de la vente des crédits carbone REDD+, non pas en espèce mais «en nature» sur base de leurs performances en matière des activités de préservation des forêts et des terres désignées dans le cadre du programme. En d’autres mots, lesdites communautés devraient exprimer leurs besoins sous forme de petits projets à soumettre pour approbration à la BCI devenue ainsi caissière. Un cas type de contrat léonin et de bradage des forêts congolaises
Entrée en lice du gouverneur Jules Lodi
Contrairement à ses prédécesseurs Berthold Ulungu et Joseph-Stéphane Mukumadi qui avaient refusé de cautionner cette forfaiture qui bradait les intérêts de la province et des communautés du Sankuru suite aux amendements susmentionnées, le gouverneur Jules Lodi l’aurait avalisé.
Selon nos sources, il tenterait de dissuader le président de l’Assemblée provinciale de se mêler de «ce dossier qui implique quelques gros poissons». Une menace qui aurait eu le don d’énerver Benoît Olamba selon nos confrères de Scooprdc.net.
Affaire à suivre.
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