Sa dernière sortie médiatique l’atteste. Le Coordonnateur de la Dynamique pour une sortie de crise en RDC (DYSOC), Jean-Pierre Lisanga Bonganga s’est lourdement trompé d’époque. Cet acteur politique proche des milieux catholiques, plus précisément des certaines paroisses catholiques de Kinshasa, particulièrement celle de Lemba où il participe activement aux activités paroissiales en sa qualité de chrétien catholique engagé, s’est récemment prononcé contre la venue du Pape François à Kinshasa au mois de mai prochain. Et mal lui en a pris. Manifestement nostalgique des années plus ou moins récentes au cours desquelles la hiérarchie de l’église catholique de la RDC s’opposait, en communion avec l’opposition politique, à tout ce qui pouvait profiter au rayonnement international du pouvoir en place, Jean-Pierre Lisanga a invité le Saint Père à annuler la visite prévue au pays de Patrice-Emery Lumumba, en raison selon lui de l’insécurité à l’Est du pays et du non-respect des lois de la République. La déclaration largement publiée dans les médias depuis le début de la semaine est sans équivoque à cet égard : « Le peuple congolais, les fidèles catholiques et toute la communauté internationale savent que les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu sont en état de siège et que le nombre de morts constants y sont dénombrés. Dès lors, comment peut-on accepter de prendre le risque d’amener le souverain pontife jusqu’à Goma dans la sphère où l’ambassadeur d’Italie en RDC d’illustre mémoire avait été lâchement assassiné», s’interrogeait Lisanga. Poursuivant sur cette lancée, cet ancien membre des Forces Politiques du Conclave (la majorité mobutiste des années ’90) ponctuait que «dans le souci d’épargner au Saint Père l’opprobre et de lui éviter d’être la caution morale d’un pouvoir agonisant, impopulaire et en quête de légitimité, la DYSOC recommande très respectueusement au Pape François d’annuler sa visite jusqu’au rétablissement total de la sécurité dans notre pays, au respect de la constitution et des lois de la République ».
Passation civilisée du pouvoir
Quelques trois ans après la première passation civilisée du pouvoir entre un président de la République sortant et un président de la République entrant, la note dressée par le président de la DYSOC a dû paraître particulièrement salée, même aux yeux des calottes sacrées de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), l’assemblée des évêques catholiques de la RDC. Impossible d’avaliser. Dans une réplique assortie de moult citations bibliques, le tout récent Chapelain du Pape mais néanmoins toujours secrétaire général et porte-parole de la CENCO, Donatien Nshole, a désavoué le fidèle : « Accueillir le Pape est une bénédiction» déclare dans une vidéo diffusée notamment dans les réseaux sociaux, très suivis en RDC. Comme pour expliquer que les Congolais ne devraient pas se priver d’une bénédiction papale en raison de prétendus problèmes d’insécurité et de respect des lois de la République. «D’autant plus que parmi les objectifs de la visite papale figure en bonne place la réconciliation des Congolais entre eux », selon ce commentaire d’un fidèle de la paroisse St Augustin, celle de Lisanga Bonganga.
Le désaveu de la hiérarchie de l’église catholique de RDC ne s’arrête manifestement pas à la déclaration de Mgr Donatien Nshole. Dans un message à l’issue de la 59ème Assemblée plénière ordinaire, jeudi 3 mars 2022 à Kinshasa, Archevêques et Evêques catholiques ont su taire leurs divergences nées de l’élection de Félix-Antoine Tshisekedi à la présidence de la République en décembre 2018, et appelé notamment « les mouvements armés et leurs parrains politiques (à) taire les armes définitivement ; car nous sommes frères ».
Celui qui vient au nom du Seigneur
«Levons-nous et laissons-nous guider par l’Esprit-Saint qui nous permet de reconnaître dans la personne de sa Sainteté le Pape François celui qui vient au nom du Seigneur (Jn, 12, 13)», peut-on lire dans ce message qui assure que «la rencontre avec le Pape est un moment de grâce qui demande en conséquence une bonne préparation spirituelle» et invitent tous les fidèles à porter ce grand rendez-vous ecclésial et national dans la prière.
Les récriminations de politicien déçu ne sont donc pas à l’ordre du jour. Les calottes sacrées catholiques invitant plutôt chacun à poser des actes de miséricorde, de réconciliation et d’édification de la paix et de la fraternité. D’autant plus que « la visite apostolique du Pape François en RD Congo s’inscrit dans le cadre de la mission qu’il a reçue de Dieu comme Successeur de l’Apôtre Pierre, le disciple à qui Jésus a dit : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise (Mt, 16, 18) et à qui il a demandé de paître ses brebis (cf. Jn, 21, 15-17)», lit-on encore sur cette déclaration assortie d’un «appel de la CENCO pour l’accueil du Pape François» adressée «aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté».
Lundi 7 mars 2022 à Goma, Mgr Maroy, archevêque de Bukavu qu’accompagnait Mgrs Willy Ngumbi (Goma) et Melchisédech Sikuli (Beni-Butembo) ont engagé des pourparlers avec le gouverneur militaire du Nord-Kivu en vue de la préparation de l’arrivée dans la ville volcanique du Pape François en mai prochain. Expliquant le sens de la visite papale à la sortie de l’audience avec l’autorité provinciale, Mgr Maroy a déclaré que «la première chose pour le Pape, c’est réconforter le peuple de Dieu, catholique en particulier et en général toute la foule du peuple congolais sur la consolidation de la foi en Jésus-Christ, le Seul qui unit tout le peuple dans un seul et même amour, l’amour de Dieu». Ajoutant que «le Pape vient implorer la miséricorde divine pour que le peuple congolais soit réconcilié avec Dieu, avec lui-même et chacun personnellement, et ainsi toucher les cœurs de tous afin de mettre de côté des confrontations et autres conflits inutiles mais plutôt bâtir un vrai peuple de Dieu».
Ce qui se situe loin au-dessus de rengaines politiciennes sur l’insécurité et le non-respect de prétendues lois de la République évoquées par Jean-Pierre Lisanga Bonganga.
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