D’après les sources proches du ministère des PT&NTIC et de l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo (ARPTC), le chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi a ordonné la surséance de la mise en oeuvre de la taxe RAM en attendant la révision des modalités de paiement et la libération des comptes bloqués.
On rappelle que lors du conseil des ministres de vendredi 07 mai, le vice-premier ministre en charge de l’Intérieur Daniel Aselo avait fait part au gouvernement du mécontentement des utilisateurs des réseaux de télécommunications au sujet du prélèvement de la taxe RAM initiée par l’ARPTC.
Le n° 1 du ministère de l’Intérieur a suggéré la constitution d’une commission interministérielle chargée d’examiner cette situation afin d’éclairer l’opinion.
Le service controversé du registre des appareils mobiles (RAM) a été lancé l’année dernière théoriquement pour lutter contre la circulation des téléphones contrefaits ou volés. L’enregistrement à ce service est assorti d’une taxe de 1 à 7 USD l’an que les compagnies de téléphonie cellulaire prélèvent sur les unités rechargées par les utilisateurs.
Selon le ministère des PT&NTIC, les fonds générés par ce projet devraient servir aussi à construire des usines de montage de téléphones, installer des hot-spots de wifi gratuits dans les universités, grandes écoles et autres lieux publics (aéroports, marchés), numériser les administrations publiques et réaliser les projets e-service.
Levée de boucliers
Il faut dire que l’institution du RAM a suscité un profond malaise au sein de l’opinion.
Simultanément à cette intervention du président de la République ordonnant la suspension momentanée de l’opération, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) a demandé le week-end au 1er ministre Jean-Michel Sama Lukonde de surseoir l’application de cette taxe. Parce que, selon le syndicat patronal congolais, le système CEIR mis en place par décret, suscite la plus vive préoccupation de ses membres du secteur des télécommunications qui craignent des perturbations en terme de baisses de revenus et de recettes de l’Etat ainsi que la prolifération des réclamations des abonnés, qui sont susceptibles de dégénérer en contentieux en matière fiscale et des accises.
Selon la FEC, le système CEIR entraîne la difficulté de conversion spontanée des crédits de communications en vue de rémunérer les prestations de l’ARPTC au regard de la loi n°18/019 du 09 juillet 2018 relative aux systèmes de paiement et règlement-titre. Le patronat estime que la conversion spontanée des crédits de communication en rémunération des prestations de l’ARPTC relèverait d’une procédure de recouvrement forcé de créances qui exige l’obtention préalable des titres exécutoires au regard de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et de voies d’exécution du 10 avril 1998; le traitement fiscal et comptable à réserver à la TVA et aux droits d’accises collectés et versés au Trésor Public par les sociétés de télécommunications en amont, étant donné que le prix des services offerts par les opérateurs sont fixés toutes taxes comprises. On conteste à cet égard la réclamation non justifiée aux opérateurs par l’ARPTC de frais sans prestations du fait de l’enregistrement automatique et annuel d’un appareil mobile.
La FEC qui rappelle avoir informé le gouvernement de ces préoccupations sollicite purement et simplement la surséance de l’application des textes instituant le système CEIR.
Décision présidentielle partiellement exécutée
Jusqu’à la fin du week-end, la décision présidentielle n’était que partiellement mise en application. Samedi 8 mai, Christian Katende, le patron de l’ARPTC, a écrit au directeur de SC Energy RDC, lui enjoignant de «prendre toutes affaires cessantes les dispositions nécessaires au déblocage des numéros des abonnés victimes de l’implémentation de Billing 2.1. Nous poursuivons dans l’entretemps les travaux et réflexions sur les solutions d’assouplissement à apporter au système CEIR, communément appelé RAM», peut-on lire dans sa correspondance.
Ce n’est donc pas encore la suspension ordonnée par le président de la République mais seulement celle du conditionnement de toute activation des forfaits par le paiement préalable de la taxe RAM.
Les patrons saisissent le gouvernement
La FEC a saisi une nouvelle fois mercredi 5 mai 2021 le 1er ministre congolais pour réitérer ses griefs.
Il convient de signaler qu’elle avait par le passé exprimé le même malaise à l’endroit de l’exécutif national à travers les courriers n° DJSF/LYK/BL/F.0561/2020 et DJSF/LYK/BL/F. 1092/2020 qui sont demeurés sans suite jusqu’à ce jour.
Sans verser dans la polémique, le patronat souhaite que soient rencontrées les préoccupations légitimes soulevées par les opérateurs du secteur de télécommunications, lesquelles constituent des préalables à vider avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle taxe dont on fait remarquer par ailleurs qu’elle n’a pas été instituée par une loi, conformément aux principes en vigueur en droit positif congolais.
Ils soulignent que leurs revenus sont encaissés à la suite d’achats de crédits de communications par les instruments et moyens de paiement tels que déterminés par la loi congolaise et déplorent que la réponse à leurs démarches sollicitant les avis de la Banque centrale du Congo sur la question se fasse toujours attendre.
Le patronat est offusqué de voir la commission ad hoc mise en place à cet effet tarder à rendre publics les résultats des travaux de la séance de travail organisée sous la supervision du directeur général de la Direction générale des impôts (DGI) en date du 4 février 2021. Réunion qui a permis de définir la redevabilité de l’ARPTC ou des opérateurs en matière de TVA et éventuellement des droits d’accises ainsi que les modalités de comptabilisation de ces opérations.
Ils rappellent que chaque téléphone est en fait identifié par un numéro IMEI immuable, conformément aux dispositions de l’article 25 de la loi Organique n° 18/020 du 09 juillet 2018 relative à la liberté des prix et à la concurrence. En conséquence, ils considèrent de tels frais comme occultes.
La raison en est qu’il n’existe aucune prestation en amont, ce qui entraîne le risque de les exposer aux pénalités et sanctions économiques.
Le 1er ministre est invité à engager avec les parties prenantes des discussions approfondies sur cette problématique de la certification des appareils de téléphonie mobile en mettant à profit les expériences réussies ailleurs.
NF avec le maximum