Sauf imprévu, le premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, devrait faire adopter ce vendredi 4 octobre 2019, au conseil des ministres, l’avant-projet de loi de finances 2020 avec les recettes et les dépenses budgétaires sensiblement revues à la hausse, conséquence de diverses pressions. Le mérite en reviendrait au chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi.
Dans ses précédentes livraisons (n° 667), Le Maximum avait, en effet, rappelé les promesses électorales de Fatshi sur le budget, un peu plus de 86, 1 milliards USD sur 10 ans, soit plus de 8 milliards USD l’an. Mardi dernier alors qu’une délégation du Fonds monétaire internationale (FMI) échangeait avec la présidente de l’Assemblée nationale, la FCC Jeanine Mabunda, sur l’amélioration des prévisions budgétaires en RDC, Sylvestre Ilunga improvisait une réunion de comité de la conjoncture économique de l’Exécutif national à la primature composé des titulaires des portefeuilles du Budget, le CACH Jean Baudouin Mayo, du Plan, la FCC Elysée Munembwe, de l’EPST, le FCC Willy Bakonga et de la Défense nationale, le FCC Aimé Ngoy Mukena. Mais les plus attendus étaient certainement, le FCC Sele Yalaghuli et le gouverneur de la Banque centrale, Deo Gracias Mutombo qui, absents du pays, s’étaient fait représenter.
C’est au cours de cette réunion que la décision de réévaluer le budget-fixé préalablement à 7 milliards USD – a été levée au regard notamment de la mesure de gratuité de l’enseignement de base dans les établissements publics. Il sied de rappeler que les experts du FMI avec lequel le nouveau président tient à entrer en programme insistent sur une «loi de finances réaliste».
Mais même si le budget révisé atteignait ou dépassait la barre symbolique de 10 milliards USD, c’est dans l’exécution que cette initiative gouvernementale prend les allures d’une gageure. A ce propos, le budget 2018 fera l’objet d’une reddition des comptes dans les deux chambres parlementaires avant tout examen de la loi de Finances 2020.
Cependant, plusieurs experts redoutent des dépassements comme en 2017 lorsque le budget de la RDC s’était vu attribuer la cote de 28% de l’Indice Open Budget Index ou Indice du Budget Ouvert (OBI) sur la transparence budgétaire. L’évaluation OBI repose sur des critères des organisations multilatérales comme l ’ I B P ( I n t e r n a t i o n a l Budget Partnership), l’ Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) ou encore l’Initiative mondiale pour la transparence fiscale, le Fonds monétaire i n t e r n a t i o n a l ( F M I ) et l’Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle. Le budget de l’État comporte encore des postes « des dépenses non pertinentes au libellé obscur» selon l’expression de quelques organisations spécialisées de la société civile. Qui recommandent la suppression de certaines rubriques de dépenses, tels « Dépenses exceptionnelles », « Frais secrets de recherche », «Fonds d’intervention économique», etc. Elles proposent que la loi de finances 2020 soit, le plus possible, en cohérence avec les Objectifs de développement durable (ODD) et des stratégies sectorielles.
À titre d’exemple, la mécanisation de 140.000 enseignants nouvelles unités (NU). Le gouvernement peine à dégager des ressources pour de tels projets. On estime pourtant que des postes de dépenses tels que « Frais secrets de recherche» dotés chaque année de crédits consistants n’offrent pas assez de lisibilité par manque de détails substantiels. Selon la circulaire de l’ancien ministre du Budget Pierre Kangudia sur l’exécution du budget 2019, les dépenses dites d’interventions économiques, sociales, scientifiques et culturelles peuvent être accordées aux entreprises et services privés en difficultés d’exploitation et disposant d’un plan de relance crédible.
Les prévisions budgétaires y relatives doivent être appuyées par des justificatifs des fonds reçus antérieurement ainsi que les axes du programme à réaliser. « Le Fonds spécial d’intervention n’est prévu que pour les bureaux des institutions bénéficiaires des dotations. Son octroi est limité au strict minimum », avait-il précisé avant d’ajouter que « les frais secrets de recherche ne peuvent être sollicités que par des services civils et militaires de sécurité et de justice qui exercent une activité de renseignement et d’intelligence ».
On se demande alors comment des institutions d’appui à la démocratie comme la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ou le Conseil national de suivi de l’Accord de la Saint-Sylvestre (CNSA) bénéficient des frais secrets de recherche et des fonds d’interventions économiques, sociales. Ainsi, ce dernier a été crédité de 1.900.000.000 FC, pour l’exercice clos 2018, des frais secrets de recherche alors que son budget de fonctionnement global était de 7.773.863.461 FC.
La reddition des comptes exercice 2018 est un des préalables à l’examen de la loi de finances 2020. Les élus pourraient, espère la société civile, exiger du 1er ministre, quelques explications sur la double gratification à la primature des frais secrets de recherche. D’abord le « Bureau » pour 271.290.182 FC, ensuite le « cabinet» pour 118.501.047 FC. Les frais secrets de recherche de la vice-primature des Transports et des Voies de communication auraient quant à eux, culminé à plus de 3 milliards FC.
Les experts déplorent le fait que les institutions relevant du pouvoir judiciaire qui devraient disposer de plus de frais secrets de recherche (Direction générale de la police judiciaire, Inspection générale de la police) font, au contraire, figure de parents pauvres.
La société civile espère que le nouvel ordre politique incarné par le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo pourrait donner une véritable orientation pro-pauvre à la loi de finances 2020, pour « plus de lisibilité aux prévisions budgétaires en fournissant davantage des renseignements notamment sur les dépenses exceptionnelles, les frais secrets de recherche et les fonds d’intervention économique».
Elle recommande, par ailleurs, au gouvernement «l’insertion d’une ligne budgétaire en faveur des actions pro-Fonds vert pour le climat (FVC), en y affectant un crédit de 100 000 dollars afin d’accéder à un financement de 21 milliards USD prévus pour la République démocratique du Congo pour la période 2018- 2030». Il est vrai qu’un épais nuage a toujours entouré les dotations prévues pour la lutte contre le réchauffement climatique dans le pays. Il s’agit notamment de REDD+, Crédits carbone, Fonds vert, etc.
POLD LEVI MAWEJA K.