Le front social est entré en ébullition en RDC avec les grèves annoncées à l’Université de Kinshasa (UNIKIN) et à l’Université Pédagogique Nationale (UPN). Les revendications des corps professoraux sont quasiment identiques, depuis des années. A l’UPN où les enseignants ont annoncé, jeudi 8 août 2019, la suspension de toutes les activités académiques, il est reproché au gouvernement le non- respect d’engagements pris en matière de mode de nomination des recteurs et des directeurs généraux, qui doivent être conformes à la loi-cadre et aux textes réglementaires ; la non-promulgation du statut particulier du personnel de l’ESU ; le non-paiement du trop-perçu sur le crédit véhicule consenti par le gouvernement depuis 2015 ; le non-paiement du manque à gagner/prime transport 2017-2018 ; le non-paiement des professeurs et du personnel de l’ESU aux grades reconnus et la non-régularisation de la situation des professeurs impayés. Longue liste des « non », qui représente autant d’engagements non encore respectés par un exécutif, qui reste pourtant encore à former.
Le bras de fer entre le gouvernement et les enseignants d’université s’annonce donc délicat. Et il faut y ajouter l’énervement de la situation provoqué par l’intervention intempestive du cabinet du président de la République dans la gestion des problèmes académiques à l’UPN. Il a aggravé l’ire des professeurs et de l’ensemble du personnel de cet alma mater dont les syndicats sont montés au créneau dans la journée. «N’ayant constaté aucune avancée significative en rapport avec ces revendications, l’APUPN reprend la grève suspendue ce jeudi 8 août 2019. C’est-à-dire, pas de correction d’examens, pas de délibération de la 1ère session pour toutes les promotions restantes, pas de deuxième session 2018-2019 etc. », s’insurge le syndicat des professeurs, l’APUPN, qui dénonce par ailleurs ce qu’il qualifie d’irrévérence du directeur de cabinet du président de la République, qui se serait montré indifférent à la demande d’audience des enseignants d’université.
En réalité l’affaire est plus complexe que cela et tourne autour de la gestion des travaux de fin d’études de DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies) et des thèses doctorales de l’UPN. Que certaines parmi les autorités de l’UPN, soutenues par le cabinet du chef de l’Etat, semblent décidées de mettre sous le boisseau. Pour ne pas faire ombrage aux travaux équivalents de l’université de Kinshasa. En février 2019, le comité de direction de l’UPN dirigé par le professeur Pélerin Kimwanga, a été débouté pour avoir exagérément gelé la défense des travaux de DEA et la soutenance des thèses à l’UPN. Il a été remplacé par un nouveau comité dirigé par le professeur Massamba, qui a ouvert les vannes de la défense des mémoires et thèses admis mais gelés par le comité Kimwanga.
Cette évolution de la situation académique et scientifique de l’UPN a déclenché une véritable levée de boucliers, entraînant même le cabinet du président de la République dans ce dossier de gestion des questions académiques et de recherches. Le cabinet du président a, en effet, mis en place une commission d’audit des travaux scientifiques produits à l’UPN, selon un courrier signé Vital Kamerhe. Elle comprend, notamment, des représentants de la présidence, de certains ministères membres dont aucun pedigree scientifique et académique n’est connu, mais aussi d’étudiants, ainsi élevés au rang de censeurs de leurs enseignants, ce qui a fait bondir ces derniers.
D’où ces réunions express de la quasi-totalité des syndicats des enseignants, cadres scientifiques et administratifs qui, exceptionnellement soutenus en cela par leurs autorités académiques ont décidé non seulement la reprise de la grève mais son durcissement. Affaire à suivre.
H.O.