Le pire n’est pas encore arrivé, même si la fièvre hémorragique à virus Ebola a déjà infecté plus de 2000 personne dans la région de Beni-Butembo au NordKivu. Mais il est désormais à craindre, depuis que 2 cas de l’épidémie la plus complexe de l’histoire du monde (selon les termes du ministre rd congolais de la Santé, Oly Ilunga) ont été signalés en Ouganda voisin. Les deux principales villes de la région Nande de la province du Nord-Kivu ne sont distantes de la frontière Ougandaise, dont elles dépendent énormément pour leurs activités économiques, de quelques dizaines de km. Il suffit que Kampala décide de suspendre tout trafic entre les deux pays pour raison sanitaire pour que le Grand Nord Kivu, ainsi qu’on désigne la région de Beni-Butembo-Lubero, s’expose à l’asphyxie économique à plus ou moins court terme.
On n’en est pas encore là, heureusement. Après la découverte d’un cas de maladie à virus Ebola au début de la semaine, un enfant de 5 ans en provenance de la RD Congo, entré par la frontière de Bwera et soigné à l’hôpital de Kagando, les autorités sanitaires ougandaises ont mis en branle les mécanismes de protection des populations. Ici, Ebola, qui a déjà fait des ravages par le passé, n’est pas considéré comme un mythe. Loin s’en faut. Le ministère ougandais de la Santé et l’OMS ont aussitôt envoyé une équipe d’intervention rapide dans la ville de Kasese afin d’identifier d’autres personnes susceptibles d’être exposées à un risque et de veiller à ce qu’elles soient surveillées et prises en charge si elles tombaient également malades.
En prévision d’un éventuel cas d’importation lors de l’épidémie actuelle en RDC, les autorités avaient fait vacciner près de 4.700 agents de santé dans 165 établissements de santé (y compris dans l’établissement où l’enfant malade est soigné) ; la surveillance de la maladie a été intensifiée; et des agents de santé ont été formés à la reconnaissance des symptômes de la maladie. Et, en réponse à ce cas, le ministère intensifie l’éducation communautaire et le soutien psychosocial et annoncé la vaccination des personnes ayant été en contact avec le patient et des agents de santé à risque n’ayant jamais été vaccinés.
Mesures préventives en Ouganda
L’enfant atteint d’Ebola est malheureusement décédé le 12 juin courant dans la matinée, et devait être enterré selon les normes (enterrement digne et sécurisé) jeudi 13 juin 2019 à Kasese en Ouganda. Néanmoins, des tests de laboratoire ont révélé que sa grand’mère âgée de 50 ans ainsi le jeune frère de la victime âgé de 3 ans étaient également atteints du virus Ebola. Autant que 6 autres membres de la même famille demeurés à Kasindi, le côté rd congolais de la frontière avec l’Ouganda, étaient également atteints par la maladie. Ça faisait beaucoup, et les autorités sanitaires des deux pays ont tenu une réunion, mercredi 12 juin 2019 à Kasese aux fins d’arrêter les mesures de collaboration transfrontalière pour arrêter la propagation de la fièvre hémorragique. Il a ainsi été décidé de : – Renforcer la surveillance aux points d’entrée, particulière- ment les voies secondaires ; – Maintenir le partage continu d’informations en temps réel entre les deux pays ; – Lancer la vaccination des contacts le plus rapidement possible. La RDC a déjà donné 400 doses de vaccin rVSV-ZEBOV à l’Ouganda et est disposée à envoyer des équipes de vaccination en Ouganda pour vacciner plus rapidement tous les contacts si nécessaire ; – Rapatrier tous les membres de la famille en RDC après avoir obtenu leur consentement éclairé. Le père de l’enfant décédé étant ougandais, la famille était libre de choisir le lieu d’hospitalisation. Les membres de famille encore vivants ont tous accepté de rentrer en RDC pour poursuivre leur traitement médical et le suivi de 21 jours. L’avantage de poursuivre le traitement médical en RDC résidant dans la possibilité de pouvoir bénéficier des nouvelles molécules thérapeutiques qui ne sont pas encore disponibles en Ouganda ; – Finaliser le protocole d’accord entre l’Ouganda et la RDC qui définira les procédures de collaboration sanitaire approfondie entre les deux pays.
Cependant, les autorités de Kampala ne s’en tiennent pas tout à fait là. Le gouvernement Ougandais aux populations rd congolaises et ougandaises frontalières de suspendre les marchés communs habituels, les cultes religieux, les mariages et les enterrements. La situation sanitaire s’aggraverait que Kampala se trouverait dans l’obligation de mieux protéger ses populations par des mesures plus draconiennes.
Signaux rassurants étouffés
La fièvre hémorragique à virus Ebola présente dans la province du Nord-Kivu et dans une partie de la province voisine de l’Ituri attestait, pourtant, de signaux rassurants depuis quelques jours. A la fin de la première semaine du mois de juin, alors que l’épidémie avait passé la barre de 2000 cas et provoqué 1.273 décès, l’OMS notait une diminution sensible de l’intensité de la transmission consécutive à « une période d’amélioration de la sécurité », notamment.
Selon l’agence onusienne à Genève, Ebola demeurait contenu dans 12 zones de santé où les délais entre la détection de la maladie et l’admission dans les centres de traitement étaient encore trop longs. Même si le dialogue communautaire mis en œuvre récemment, les initiatives de sensibilisation et la restauration de l’accès à certaines zones sensibles ont amélioré l’acceptation par la communauté des activités de riposte à l’épidémie et les enquêtes sur les cas de maladie.
Le 8 juin 2019, un rapport du ministère de la santé révélait que 11 des 22 zones de santé touchées par Ebola, parmi lesquelles Oicha, Kayna, Tchomia, Bunia, Komanda… n’avaient pas notifié de nouveau cas confirmé depuis 3 semaines.
Il reste que dans la région de Beni-Butembo, on doit l’extraordinaire résilience de la fièvre hémorragique à virus Ebola à l’hostilité des populations contre les équipes de riposte et à la résistance contre la vaccination, inoculée par des leaders d’opinion locaux. La maladie présentée comme un mythe a déjà causé près de 1300 morts … et un flopé d’élus provinciaux et nationaux, bénéficiaires directs de campagnes d’intoxication sur fonds d’un nationalisme étriqué et suicidaire, qui plastronnent dans les travées des institutions législatives provinciales et nationales.
Après les conséquences sanitaires des mythes tissées autour d’Ebola à Beni-Butembo, les conséquences économiques ?
J.N.