S’il lui arrivait un jour de faire écrire ses mémoires, Moïse Katumbi révélera probablement l’identité des personnalités politiques et du monde des affaires belges qui lui ont fait croire qu’il réunissait les aptitudes requises pour succéder à Joseph Kabila et disposait de tous les atouts pour être meilleur que son ex-patron. Avec le recul du temps, on s’explique mal l’arrogance avec laquelle, de retour d’un voyage en Occident, le dernier gouverneur de l’ex Katanga avait lancé en 2015 son fameux refus du ” troisième penalty”. Flanqué de Pierre Lumbi, l’ancien conseiller spécial ès sécurité du Président de la République, Moïse Katumbi était convaincu d’appartenir au club fermé des gens qui connaissent bien Joseph Kabila. Deux ans et demi après la fronde de septembre-décembre 2015, c’est l’inverse qui saute aux yeux : c’est Joseph Kabila qui connaît mieux ses “hommes”. Ainsi que le prouve la désignation de son successeur à la prochaine présidentielle. Elle aura pris de court tout le monde, y compris parmi les conseillers occultes du candidat à la candidature à la prochaine présidentielle que demeure Moïse Katumbi.
Ce n’est pas faute d’avoir prévenu tout le monde, pourtant. De 2007 à 2018, Joseph Kabila a fait preuve d’une constante remarquable en renouvelant continuellement son engagement à respecter la Constitution, relativement à son deuxième et dernier mandat constitutionnel, précisément. Mais nul n’est prophète chez lui, dit l’adage. C’’est de l’étranger que survient la reconnaissance, certes fort tardive, de cette constance caractéristique.
Dans leur déclaration commune, la Représentante Spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RD Congo et les Ambassadeurs ou Chefs de mission diplomatiques du Canada, des Etats-Unis, de la Suisse, de l’Union africaine ainsi que de l’Union européenne, en accord avec les Chefs de mission de l’UE à Kinshasa, ont salué «la décision du Président Joseph Kabila d’avoir tenu son engagement de respecter la Constitution congolaise» et le 9 août 2018, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a abondé dans le même sens en saluant, lui aussi, «la décision du président de la République Joseph Kabila Kabange, de respecter la constitution de la RDC, comme il l’a toujours énoncé» !
Même en RD Congo, l’opposition radicale s’évertue à présenter la décision du Chef de l’Etat comme le résultat des pressions a exercées sur lui. Mais, la réalité et la vérité ne remettent pas en cause la constante reconnue par les partenaires extérieurs traditionnels.
Et vint la bavure
Le tort de Moïse Katumbi est d’avoir joué à fond la carte ethno-provinciale pour succéder coûte que coûte à Laurent-Désiré et Joseph Kabila, tous deux Katangais comme lui. Pour peu qu’il ait eu un brin de sens d’État et de l’État, le dernier gouverneur de l’ex Katanga aurait compris qu’après le premier Kabila (1997- 2001) et le second Kabila (2001 à ce jour), soit une vingtaine d’années, une carte katangaise passerait mal dans l’opinion nationale, très accroc à la géopolitique. De même, d’ailleurs, que la carte équatorienne après les 32 ans de pouvoir de Mobutu sur l’ensemble pays (1965-1997) et les 5 ans de Jean-Pierre Bemba sur une bonne partie de l’Equateur (1998-2003).
Si Moïse Katumbi n’a pas fait preuve d’aptitudes requises pour le comprendre, Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi, lui, l’a compris à temps ! Et avec lui, plusieurs des candidats de l’opposition politique à la présidentielle 2018, dont la demi-douzaine d’originaires de l’ex- province du Bandundu (Antoine Gizenga, Freddy Matungulu, Martin Fayulu, Adolphe Muzito, Tryphon Kin-Kiey …).
Moïse Katumbi avait donc tout à gagner à demeurer fidèle à Joseph Kabila et à attendre son heure, sous la quatrième ou la cinquième mandature. Mais rongé par une ambition à l’évidence démesurée, l’hommE aura trahi un empressement suicidaire et la manière la moins recommandée pour prendre succession en politique : le bras de fer avec son chef au prix d’une trahison avérée.
L’opinion avertie retient (et retiendra) que Katumbi a choisi le moment où la Majorité Présidentielle (MP) cherchait avec l’UDPS la solution idoine pour gérer ensemble le Dialogue consacré aux préparatifs des élections pour s’interposer et y mettre une fin brutale.
Rappel des faits :
10 décembre 2015. Paris.
A l’issue de la rencontre “Katumbi-Fatshi”, la solution politique MP/UDPS est renvoyée aux calendes grecques.
15-16 décembre 2015. L’Opposition radicale se retrouve à l’Ile de Gorée.
8-10 juin 2016. Elle crée à Bruxelles-Genval la plateforme du «Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement».
Au cours de tous ces rendez-vous, tout dialogue avec la MP est rejeté, même celui facilité par l’Union africaine à la demande du Conseil de sécurité de l’Onu. Il faudra attendre l’initiative de la CENCO pour voir les radicaux accepter de dialoguer avec la même MP, au centre interdiocésain à Kinshasa. D’où l’Accord politique global et inclusif du 31 décembre 2016.
Sur ces entrefaites, il y a eu des manifestations publiques marquées par des actes de violence dont on aurait pu faire l’économie. Visiblement, l’opposition radicale, déjà pilotée par Moïse Katumbi plutôt que par Etienne Tshisekedi, relèguera à l’arrière-plan les enjeux électoraux, préférant actionner l’arme des sanctions occidentales contre Kinshasa en vue d’asphyxier Joseph Kabila et ainsi le contraindre à des concessions politiques majeures avant les élections. Katumbi sera aidé dans cette croisade par l’eurodéputée italienne Cécile Kyenge d’origine congolaise, et native du…Katanga !
Se croyant au-dessus de la loi et même de la morale, Moïse Katumbi ira jusqu’à tenter les 3 et 4 août 2018 son aventure de Kasumbalesa qui visait un retour par la force en RD Congo via sa province d’origine, quitte à créer une crise politique et sécuritaire en interne et une crise diplomatique en externe. Au nom d’une candidature à la présidentielle au forceps, dans un contexte géopolitique pourtant défavorable au Katanga ! La bavure aura certainement effrayé jusqu’à ses parrains occidentaux !
La Belgique de Louis Michel et de Didier Reynders
Les Congolais du Katanga n’ont pas suivi l’appel au soulèvement populaire lancé les 3 et 4 août 2018 par Delly Sessanga et Olivier Kamitatu, les principaux lieutenants de Moïse Katumbi. On imagine mal les conséquences qu’auraient eues ces appels, si des compatriotes y avaient suffisamment répondu. Non seulement la sécurité au pays et dans la région aurait été perturbée, mais en plus, le processus électoral serait bloqué du fait d’une insurrection populaire. On n’en serait à ce moment au mieux sous le régime d’état d’urgence ou d’état de siège, au pire dans le fameux schéma “Transition Sans Kabila”. Dans l’un ou l’autre cas, la configuration politique en RD Congo aurait basculé, pour longtemps.
Tel n’a pas été le cas. Les plans de Moïse Katumbi pour forcer le destin de la RD Congo ont échoué, lamentablement. Et les carottes semblent bel et bien cuites pour le dernier gouverneur de l’ex Katanga. Moïse Katumbi ne postulera plus à la présidentielle 2018, malgré le recours au Conseil d’Etat initié par ses lieutenants. Pour la bonne et simple raison que cette instance judiciaire récemment mise en place (par Joseph Kabila !) n’est pas encore fonctionnelle.
Même dans l’histoire des puissances occidentales, aucun État fédéré (cas du Texas aux Usa), ni département (cas du Limousin et de la Corrèze en France) n’a réussi à donner trois fois de suite un Président de la République. Dès la fronde G7, la sonnette d’alarme était tirée depuis belle lurette, mais tous ont refusé de l’entendre. L’exception congolaise tant rêvé n’aura existé que dans la tête de Moïse Katumbi et quelques excités, probablement influencés et convaincus par la bonne vieille Belgique, la même qui depuis 1960 ne voit le Congo qu’à travers ses immenses richesses naturelles qui lui appartinrent sans partage durant des siècles. C’est la Belgique de Louis, Charles Michel et de Didier Reynders.
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum