Phénomène cyclique, des poissons mortellement blessés se de nouveau pêchés dans les cours d’eau de la RDC. Le Pool Malebo est encore épargné. Mais des experts ont d’autres inquiétudes.
Une étude sur la pêche artisanale dans le Pool Malebo recommande de ne pas consommer les poissons du fleuve, particulièrement ceux pêchés à Kinsuka. Quoique, dit-on, conservés au formol, les chinchards importés seraient donc moins dangereux pour la santé humaine que les poissons de nos cours d’eaux douce ?
L’opinion se souviendra des conclusions des études réalisées par une équipe de chercheurs belgo-congolais sous la coordination de Dieudonné Eyul’Anki Musibono, écotoxicologue et professeur d’université, selon lesquelles « le niveau de contamination est de 5 à 10 fois plus élevé dans la tête que dans la chair pour la simple raison que c’est dans la tête qu’il y a une forte concentration des métaux lourds et des polluants organiques persistants (POP)». Cette étude, qui porte sur le niveau de contamination de la chaîne alimentaire dans le Pool Malebo, s’est intéressée au poisson comme indicateur de la qualité de l’eau dans cet environnement. Le coordonnateur de l’équipe des chercheurs qualifie la ville de Kinshasa de « source de pollution diffuse importante » d’autant plus qu’elle ne dispose pas d’un système d’assainissement efficace.
Selon le professeur Musibono, lorsqu’il pleut sur la ville de Kinshasa, des déchets de tous genres contenant des bactéries, des débris métalliques, ainsi que des polluants chimiques, sont charriés de toutes les rivières de la capitale pour se retrouver sur le fleuve. Comme tous les polluants ne sont pas nécessairement biodégradables, une fois entraînés dans le milieu aquatique, ils sont pris en charge dans la chaîne alimentaire qui va des algues macro-invertébrées aux poissons qui les consomment. La conséquence, « c’est que dans les têtes des poissons de Kinsuka, par exemple, il y a une concentration de beaucoup de métaux lourds qui sont de dangereux polluants pour la santé humaine». Pourtant, ces poissons, quoique victimes de la pollution de l’eau par des métaux lourds, sont vendus et consommés quotidiennement à Kinshasa. D’où la sonnette d’alarme tirée par Dieudonné Musibono : « Ces poissons ne sont pas conseillés à la consommation humaine.» Tout en reconnaissant, du point de vue scientifique, que l’état du produit analysé représente un risque réel pour les consommateurs, les chercheurs tempèrent leur jugement. S’il faut considérer la quantité consommée qui n’est pas très significative, déclarent-ils, il n’y a pas de grand risque, sauf peut-être chez les pêcheurs qui consomment régulièrement leurs poissons. Selon l’écotoxicologue, les conséquences découlant de la consommation des poissons de Kinsuka, surtout de leurs têtes, apparaissent au minimum 20 à 30 ans plus tard. Sur la liste des risques encourus, l’équipe de Musibono cite, « le cancer, les avortements prénatals, les malformations congénitales chez les bébés, voire la naissance de monstres ». En outre, « la mère peut donner naissance à un enfant qui n’a pas d’yeux, d’oreilles ou d’anus à cause notamment de l’intoxication au mercure. Des troubles au niveau des reins, susceptibles d’être endommagés par le cadmium et d’empoisonner tout le corps, car rendus incapables d’assumer leur rôle de purification de sang pourraient se manifester.»
POLD LEVI.