L’option levée par le gouvernement rd congolais de réviser le Code Minier de 2002 donne des insomnies aux opérateurs de l’industrie minière et à leurs suppôts locaux. Pourtant, il ne s’agit pas d’une réforme inventée par l’Etat congolais au regard des mouvements des réformes des Codes Miniers en cours actuellement dans tous les 25 pays africains à vocation minière.
En Afrique du Sud, au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, en Mauritanie, en Zambie, au Zimbabwe, au Kenya, en Tanzanie, au Tchad, au Gabon, en Côte-d’Ivoire, au Libéria, au Ghana etc… l’heure est à la révision de la charte minière. Comme l’illustre cette prise de position du président sénégalais, Macky Sall, à la 10ème conférence annuelle de l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe, le Pacifique, l’Afrique et les Caraïbes (ALDEPAC) tenue dernièrement à Dakar. Le Chef de l’Etat soutient que «la juste rémunération des ressources naturelles, avec des contrats miniers conclus dans le respect des droits de l’investisseur et la prise en compte effective des intérêts de l’Etat d’accueil et des populations locales est non seulement une exigence d’équité, mais aussi de justice sociale et de stabilité de nos pays». Poursuivant sur la lancée de ses critiques d’accords miniers défavorables aux pays producteurs, Macky Sall s’est interrogé et a interrogé crûment ses interlocuteurs de l’ALDEPAC : «Comment voulez-vous que des gouvernements qui n’ont pas d’expertise en matière de contrat, quelle que soit la bonne volonté de leurs personnels, puissent tenir devant les multinationales, s’appuyant sur l’expertise de grands cabinets les plus redoutés du monde ?». Pour lui, «le jeu est inégal et l’Afrique a trop souffert». Dans la même dynamique, le président sénégalais a indiqué que si l’Afrique percevait la juste rémunération de ses ressources, et «si elle recouvrait seulement 17 % de ses avoirs frauduleusement placés à l’étranger, dans le cadre des flux financiers illicites, elle solderait la totalité de sa dette et financerait par elle-même ses plus grands programmes».
17 % seulement de ses revenus miniers suffiraient à l’Afrique
Dans une interview à Mining Review, le ministre Sudafricain des mines, Mosebenzi Zwane, appelle l’industrie minière du pays arc-en-ciel à se conformer au nouveau code. « La nouvelle charte minière peut être un travail en cours et ma porte reste ouverte pour discuter des inquiétudes, mais nous avons également eu beaucoup de commentaires positifs concernant ses objectifs de transformation. Cependant, il demeure une loi et les entreprises devront s’y conformer», a-t-il déclaré, rappelant que le délai pour l’augmentation à 30 % de la participation des Noirs dans les mines est toujours de 12 mois, à compter du 15 juin 2017.
Au Kenya, le ministre des mines, Dan Kazungu, déclare dans un entretien à Bloomberg, que son gouvernement travaille actuellement avec Extractives Hub (financé par le ministère britannique du développement international), pour réviser l’actuelle charte minière. «Nous voulons être attractif, et tirer le meilleur parti de nos ressources, grâce à des partenariats gagnant-gagnant. L’investisseur doit avoir un bon retour sur investissement, qui profite au gouvernement ainsi qu’à la population», a-t-il expliqué. Il y a lieu de préciser que l’actuel code minier du Kenya impose aux compagnies minières des taux de redevance allant de 1 % pour les ventes de minéraux industriels comme le gypse et le calcaire, à 5 % pour l’or, 8 % pour le charbon, 10 % pour les minerais de titane, le niobium et les terres rares et 12 % pour les diamants. En RD Congo, la même redevance est de 2 % pour le cuivre et 2,5% seulement pour l’or ! Deux poids deux mesures scandaleux auxquels de miniers néocolonialistes refusent de toucher. A sa promulgation en 2002, l’ancien code minier était jugé attractif et incitatif. Avec les nouvelles dispositions, ce code voudrait devenir rémunérateur au mieux des intérêts de toutes les parties.
Tous les pays producteurs revoient leurs codes
Ainsi que le renseignent nos confrères du Mining-Weekly paraissant à Cape Town, « le Kenya n’est pas le seul pays africain à vouloir réformer son industrie minière pour en tirer plus de revenus. Chez le voisin tanzanien, le parlement vient de voter une nouvelle loi qui permettra de renégocier les contrats miniers, après qu’un audit du secteur a montré que ceux actuels ne profitent pas au pays. Citons également la RD Congo où est prévue une révision du code minier en vue d’augmenter les revenus générés par le secteur. En Afrique du Sud, la nouvelle charte minière veut une augmentation de la participation des Noirs dans les compagnies minières », constatent-ils.
Au Tchad, le ministère tchadien des mines, de la géologie et des carrières, David Houdeingar, a, au cours d’un atelier sur l’examen du projet de révision du code minier et ses textes d’application, indiqué que « l’objectif est de proposer des dispositions nouvelles du code national minier, devenu obsolète, en vue de mettre en place une stratégie de développement du secteur ». Il a fait remarquer que le code minier de 1995 n’est plus d’actualité précisant qu’il ne comporte par exemple pas de dispositions propres aux substances radioactives pourtant présentes dans le sous-sol tchadien. C’est pourquoi, a-t-il dit, il faut insérer le cadastre minier dans le projet du nouveau code pour assurer la transparence dans les industries extractives. Pour lui, il est important de prendre en compte les sociétés minières qui sont prêtes à intervenir au Tchad, dans un contexte de concentration internationale. Le nouveau code intègre la problématique environnementale, surtout avec la pollution due aux activités des sociétés minières qui y figure, pour engager la responsabilité civile des sociétés.
Un autre son de cloche, c’est celui du chef du bureau d’appui au secrétariat conjoint auprès de la Commission de l’Union africaine (UA), de la Banque africaine de développement (BAD) et la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Mme Souad Adef Ousmane, qui a déclaré au cours d’un atelier sur la révision du code minier du Tchad que « Le code minier et les textes réglementaires à réviser doivent être fidèles au principe de la Vision Minière Africaine. Cela implique qu’il soit le résultat d’un véritable compromis entre les aspirations du gouvernement, le besoin des populations locales et les intérêts des investisseurs nationaux et étrangers ». Pour information, la Vision Minière Africaine (VMA) constitue à ce jour la réponse des ministres africains des mines au paradoxe de vivre dans un continent caractérisé par une richesse en ressources naturelles face à une pauvreté envahissante et à de grandes disparités. Aujourd’hui, cette vision commune s’appuie sur un de ces axes prioritaires, à savoir : Un secteur minier durable et bien géré, qui produit et utilise efficacement les bénéfices tirés de l’exploitation des ressources minérales, qui répond à des normes élevées de sécurité et d’hygiène, qui tient compte des questions de genre et des questions ethniques, qui est respectueux de l’environnement, socialement responsable et apprécié des communautés environnantes.
Les miniers contre-attaquent en RD Congo
Au regard des réformes engagées et en cours un peu partout sur le continent, il est plus qu’étonnant que les réformes initiée par le gouvernement de la RD Congo à travers son ministère des mines soient présentées à l’opinion nationale et internationale comme un péché mortel. Lorsque Martin Kabwelulu, le ministre Palu des mines, en est ainsi systématiquement voué aux gémonies et médiatiquement lynché par une presse et de prétendues organisations de la société civile instrumentalisées par de puissants intérêts miniers. « Lorsqu’une Ong de défense des droits de l’homme accuse faussement le ministre d’avoir autorisé l’exportation des cathodes de cuivre et de cobalt aux chinois de Sicomines, il faut tout de suite chercher qui est derrière, qui ne veut pas que les chinois exportent », explique cet opérateur minier rd congolais.
Sont également à mettre sur le compte de la guerre que les minings mènent contre l’adoption du nouveau Code minier, les déclarations et prises de position alambiquées de certains élus, députés et sénateurs, qui semblent suffisamment corrompus et circonvenus pour soutenir les thèses intéressées des entreprises minières dont le seul souci est de réaliser de plantureux bénéfices contre des miettes réservées à l’Etat et à la population. Les observateurs notent à cet égard une évolution pour le moins curieuse de l’attitude des honorables sur cette question. Pourtant, à la séance plénière de l’Assemblée nationale consacrée à la présentation du projet de loi portant révision du Code Minier par le ministre des Mines, 99,99 % de députés avaient applaudi et jugé recevable ledit projet ! Mais depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et sans doute aussi beaucoup de ces billets verts dont ne sont pas dépourvues les entreprises minières qui écument le sous-sol rd congolais pour des broutilles au regard de plantureux bénéfices annoncés sur les marchés financiers mondiaux.
Il faut pourtant s’y faire. La révision du Code Minier congolais est inéluctable et urgente. N’en déplaise aux néocolonialistes de l’industrie minière qui ne voient que leurs intérêts égoïstes et nullement l’intérêt du peuple congolais, qui doit être le premier bénéficiaire des richesses minérales lui léguées par ses ancêtres. Non ; cette fois-ci, ça passe ou ça casse. La porte de sortie de la RD Congo reste grandement ouverte aux anti-réformistes qui s’opposent à la révision de l’actuel Code Minier. Mais les chiens aboient, la caravane passe !
J.N.