Aux alentours de 17 heures, mardi 27 juin 2017, le quartier Kauka dans la commune de Kalamu est en effervescence. Une Toyota Land Cruiser de la Police Nationale Congolaise (PNC), débouche en trombe sur l’avenue de la Victoire, suivie par une meute de résidants du quartier. A l’arrière du véhicule, des policiers qui pointent leurs armes sur un groupe d’individus étalés sur le plancher et menottés : des bandits à mains armées et leurs complices.
Deux semaines plus tôt, ils avaient ravi la bagatelle de 30.000 USD en Francs Congolais à un cambiste résidant sur une des avenues perpendiculaires à l’Ecole de Navigation de l’ex Onatra, de l’autre côté de l’Avenue de la Victoire. Les faits s’étaient déroulés, à la stupéfaction générale, en pleine journée. La victime garait sa voiture devant sa toute récente résidence lorsque 4 hommes, fusils d’assauts Uzi aux poings, ont surgi et lui ont intimé l’ordre de leur donner l’argent placé sur le siège arrière. Des Francs Congolais placés dans des sacs en plastique communément appelés « Market » à Kinshasa. Mais le cambiste résiste. Un des bandits se dirige alors vers la voiture, à un pas de là, en fracasse une des vitres arrière et débloque le verrouillage central de l’intérieur. Les Markets sont transposés dans une voiture qui stationnait non loin de là, moteur en marche, tandis que le cambiste est étendu à même le sol, les armes des trois assaillants pointées sur lui. En quelques secondes, l’opération est terminée et les agresseurs, dont au moins étrennait un treillis de la Garde Républicaine (GR), s’en vont tranquillement à bord de la Ketch qui prend la direction de la rivière Kalamu.
C’est le moment que choisit la victime pour crier « au voleur !». Vainement. Malgré la tentative de quelques jeunes du quartier qui alertent une jeep de la PNC de passage sur l’avenue de la Victoire alors que la voiture des bandits semblait retardée par un embouteillage à la hauteur de la rivière Kalamu. « Courez prévenir le commissariat de Kalamu », leur répond un capitaine assis dans la cabine du véhicule. Les jeunes gens s’en retournent, désabusés, au quartier. Où ils apprennent que le voisin dévalisé était un cambiste opérant au Beach Ngobila à la Gombe. Mais aussi, que de longues heures durant les bandits étaient attablés à une « terrasse » (débits de boissons en plein air) non loin du lieu du crime. « Un d’entre eux arborait une cagoule », explique un jeune qui assure qu’il était assis juste aux côtés des bandits qui avaient commandé et buvaient des boissons sucrées. Pour tromper l’attente ou se donner l’air d’anonymes clients.
Désespéré, le cambiste n’en a pas moins alerté la Police Nationale Congolaise. Des éléments de la B2, les renseignements policiers, seront dépêchés sur les lieux dans la soirée. Mais aussi des « féticheurs » qui vont se livrer à de curieuses cérémonies ponctuées d’incantations ésotériques. La victime était un Sakata, tribu rd congolaise réputée pour ses pratiques fétichistes. Plusieurs jours après l’incident, les policiers avaient mis la main sur les ravisseurs, ils étaient 10 au total, même si 4 seulement avaient opéré deux semaines auparavant à Kauka. Avec eux, leurs complices : un proche collaborateur du cambiste du Beach Ngobila, ainsi que le chauffeur de la voiture des bandits, notamment. Le premier est accusé d’avoir prévenu les bandits du contenu des sacs en plastique et des mouvements du cambiste. Mardi après-midi à Kauka, les éléments du B2 procédaient à la reconstitution des faits, caméras TV à l’appui. « Parce que les bandits ont la fâcheuse tendance à revenir sur leurs aveux sous prétexte qu’ils étaient extorqués sous torture », explique un colonel de la police qui réside non loin de là.
Ici, tout le monde y va de son petit commentaire. On apprend ainsi que des voisines de la victime, qui avait relevé l’immatriculation de la voiture des bandits, avaient aussi filmé la scène criminelle à l’aide d’un téléphone portable. « C’est ce qui a permis de les identifier », assure un jeune habitant le quartier. Tout le contraire d’un autre, pour qui l’affaire n’a été bouclée aussi vite que grâce à l’intervention des féticheurs appelés à la rescousse. Plus intéressant, un autre assure avoir reconnu un de bandits. Celui qui était vêtu de treillis GR. « C’est Pitchou, assure-t-il, un voleur à mains armées déjà arrêtés il y a quelques mois alors qu’il opérait non loin de la station de vente de carburant située au croisement de l’avenue de l’Université ». Ce n’était donc pas un élément GR, même s’il en arborait la tenue de ces troupes d’élite, et avait ainsi contribué à dissuader toute intervention intempestive de ceux qui avaient vécu la scène il y a deux semaines.
J.N.