Sur l’évolution de la situation politique en RD Congo, les confessions religieuses, comme les acteurs politiques, sont loin d’émettre sur la même longueur d’ondes. Loin s’en faut. Au terme de leur session extraordinaire, tenue du 11 au 14 mai 2017 au Centre des conférences Mgr Shaumba de Kinshasa, les évêques de l’Eglise du Christ au Congo, la plus grande confession religieuse après l’église catholique romaine, ont rendu publique une déclaration qui tranche avec les habitudes. Tout au moins les habitudes qui consistent à tirer invariablement sur le pouvoir en place, auxquelles les rd congolais ont été habitués par les prélats de l’église catholique romaine, depuis l’ère de la dictature mobutiste.
La déclaration signée par au moins 11 des évêques de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) dimanche 14 mai 2017 surprend par son ton modéré, humble, conciliant aussi bien que constructif pour le peuple et les chrétiens rd congolais. Et en cela, « sort des sentiers battus », selon l’expression d’un enseignant à l’université de Kinshasa, pourtant catholique pratiquant. Sans doute un peu parce que les évêques protestants ont axé leurs cogitations sous un thème appelant au dépassement : « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur la montagne ne peut être cachée ». Mathieu, 5,14.
Les pieds solidement ancrés sur terre, les prélats de l’ECC mettent l’accent sur le respect de la constitution de leur pays dès le premier point de leur déclaration. Les querelles continuelles des acteurs politiques traduites par les divisions dans les regroupements politiques sont une menace qui guette le respect de la constitution, édictent-ils. Avant de déplorer la recrudescence de l’insécurité en certains points du territoire national, dont l’espace kasaïen, causée par les affrontements entre groupes armés et entre groupes armés et armée nationale. « Des milliers de familles sont en perpétuel déplacement en fuite des affrontements … », déplorent leurs excellences, sans pointer de doigt accusateur sur qui que ce soit, même au nom de Jésus. Il en est de même de la situation socio-économique caractérisée par la paupérisation des populations rd congolaises, que les évêques protestants décortiquent sans complaisance avant de proposer des solutions sans damnations aucune ! Avant de proposer des recommandations, dans un esprit plutôt positif.
D’abord au Président de la République, à qui ils demandent de tout mettre en œuvre pour assurer le respect de la constitution en tenant compte de tous les accords signés tendant à faciliter l’organisation des élections démocratiques, transparentes et apaisées. Une recommandation que leurs excellences protestantes émettent après avoir pris acte de la nomination d’un nouveau 1er ministre et d’un nouveau gouvernement. Sans le moindre commentaire, désapprobateur ou approbateur. Suivi d’une autre relative à la justice : « en tant que magistrat suprême, (…) faire respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire et (…) veiller à l’application effective des décisions judicaires afin de mettre fin à l’impunité », conseillent les évêques de l’ECC à Joseph Kabila.
Le gouvernement de la République, les deux chambres du parlement, le pouvoir judiciaire, les services de sécurité, la Commission Electorale Nationale Indépendante, les médias, le peuple congolais et même les groupes armés, ont tous droit aux recommandations des évêques protestants.
Sortent de l’ordinaire, cependant, les recommandations adressées à la classe politique et aux confessions religieuses.
Vis-à-vis des acteurs politiques, et surtout des chefs des partis politiques, l’Eglise du Christ au Congo se montre très peu complaisante et éventre, pour ainsi dire, le boa. Au sujet du processus électoral, notamment. « Bien expliquer à leurs militantes et militants le contenu global de l’accord conclu sous la facilitation de la CENCO en ce qui concerne plus particulièrement le chapitre IV relatif au Processus électoral ; qui stipule ; « Les parties prenantes conviennent de l’organisation des élections en une seule séquence présidentielle, législatives nationales et provinciales au plus tard en décembre 2017. Toutefois, le Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral, le Gouvernement et la CENI peuvent unanimement apprécier le temps nécessaire pour le parachèvement desdites élections » », conseillent les évêques protestants. Leurs excellences crèvent ainsi l’abcès entretenu par ceux des acteurs politiques qui, déjà, brandissent l’échéance de décembre prochain comme une date butoir apocalyptique au-delà de laquelle plus ne rien ne sera possible. Les parties prenantes aux concertations facilitées par la CENCO avaient convenu d’une soupape de sécurité : c’est au CNSA, à la CENI et au Gouvernement que revient la prérogative d’apprécier le temps nécessaire au parachèvement des élections. Pas à un parti politique, de l’opposition fût-il.
A leurs confrères des confessions religieuses, les évêques protestants recommandent « d’être neutres, s’abstenir de prendre position pour l’un ou l’autre parti ou regroupement politique et demeurer « l’Eglise au milieu du village » pour bien jouer leur rôle prophétique ». Et aussi, de « faire usage d’un discours réconciliant ». Impossible de ne pas voir dans ces recommandations l’ombre de leurs collègues de l’église catholique romaine rd congolaise, à qui on a récemment reproché des penchants en faveur de l’un ou l’autre groupe d’acteurs politiques. Mais aussi, dans un passé qui ne remonte pas à bien loin, des fatwa contre une frange de la classe politique assortis de menaces à peine voilés de révolution populaire.
Le lecteur lira ci-après le texte intégral de la déclaration du 14 mai 2017.
J.N.
DECLARATION ECC 2017