L’on est certes encore trop loin de ces images apocalyptiques de la famine somalienne, mais la crise alimentaire s’est installée au Katanga et, par effet domino, dans l’espace Kasaï. A Lubumbashi, l’on a consommé de la farine destinée aux bétails.
Le vimba, de la farine pour animaux mélangée à un peu de maïs, est toujours commercialisé à Lubumbashi en dépit de son interdiction formelle par le maire de la ville. La consommation de ce mélange entraîne des troubles digestifs et même la mort. Y a eu-t-il mouvement de grogne populaire dans la capitale du cuivre ? En tout cas, les médias officiels ont rapporté le Gouv Jean-Claude Kazembe a appelé la population au calme, la rassurant de l’arrivée prochaine d’un gros lot de farine de la Tanzanie, d’où il revient. La crise alimentaire s’est, en effet, mêlée à la tension politique demeurée perceptible depuis le départ controversé de Moïse Kataumbi en Occident et ravivé à chaque annonce de la convocation de Gabriel Kyungu, coordonnateur du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement au Katanga au Parquet pour offense au Chef de l’Etat.
Le bourgmestre de la commune annexe, Augustin Kaozi Bin Malisasa, a invité à la dénonciation de ceux qui alimentent la filière de vimba. Mais ventre affamé n’a point d’oreille. Dans la commune annexe, une pauvre banlieue de la capitale cuprifère, meuniers et vendeuses s’affairent toujours fébrilement à la production et à la commercialisation de vimba. De 10.000 Fc, le sac de maïs de 25 kg a vu son prix grimper en l’espace de quelques semaines à plus de 35.000 FC.
Ironie de l’histoire, le Haut-Katanga crève de faim quand les cours mondiaux du cuivre et de cobalt ne cessent de grimper. Ils se situent à plus de 75% de leurs prix de novembre 2016. «Aujourd’hui, je préférerais volontiers 1 kg de maïs propre à une tonne de cuivre », confie Mme Munkokole, cadre dans une entreprise lushoise.
Selon un rapport de la mission conjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, FAO, et des ministères de l’Agriculture, Pêche et Elevage, 80% de plus de 66.000 ha du territoire de Kambove, ont été dévastés et plus de 2.000 ha à Pweto, précisément dans la zone de Kilwa. Cette invasion des chenilles sur des milliers d’hectares touchent depuis mi-décembre les zones frontalières à la Zambie. Pourtant, le territoire de Pweto hébergeait au 31 décembre 2016, environ 83.000 personnes déplacées et la zone était placée en phase 3 de l’insécurité alimentaire sur l’échelle de 5. En outre, la chenille légionnaire a la capacité d’affecter presque tous les types des récoltes et plus particulièrement les céréales, occasionnant ainsi des pertes de production agricole, principale source des revenus et de nourriture de nombreux ménages.
Les territoires de Kambove, de Kisenga, de Kipushi et de Pweto dans cette province sont les plus touchées. Au Kasaï oriental, province largement tributaire du Haut-Katanga, ce n’est plus la faim mais la famine qui s’est installée dans la durée, au point que décupler le phénomène de vente des enfants sous sa forme civilisée et moderne et humanitaire : l’adoption. La ville de Mbuji-Mayi n’a pratiquement plus de stock de maïs, pourtant aliment de base de sa population comme de celle de Lubumbashi.
Nadine K.