A moins de six mois de l’échéance du programme agricole 2012-2016 exécuté par le gouvernement r-dcongolais, le syndicat national des ingénieurs agronomes se montre plutôt perplexe par rapport aux objectifs escomptés, entre autres, réduire le taux de malnutrition aigue des enfants de 0 à 5 ans qui demeure à 43%. Au moins 19% de R-dCongolais font toujours face à la sous alimentation… la mise en œuvre du Programme national d’investissement agricole, PNIA, piétine, pendant que la relance de la Banque de crédits agricoles, BCA, a été renvoyée aux calendes grecques.
Le parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, qui a coûté une bagatelle somme de 83 millions de dollars n’est qu’un arbre qui cache mal la forêt des besoins en investissements dans le secteur agricole, a fait comprendre Albert Yuma, président de la Fédération des entreprises du Congo, FEC, lors de la dernière assemblée générale ordinaire de ce principal patronat de la RDC. Quelque 1.800 plantations (hévéa, palmier à huile, coton, café…sucrière) demeurent à l’abandon, depuis des lustres, sur l’ensemble du territoire national et ne sont guère à l’abri d’une spoliation, apprend-on au Secrétariat général de l’Agriculture.
Selon Sylvestre Motayo Mbela, patron de la SECAF, Société d’exploitation de café, les cultures pérennes (café, cacao, thé et hévéa) résistent tant bien que mal à la crise des cours des matières premières à l’échelle internationale. D’autant plus qu’en Côte d’Ivoire, les ressources générées par le cacao et le café participent à hauteur de 15% à la formation du Produit intérieur brut, PIB, et à près de 40% des recettes d’exportation de ce pays. En RDC, cet industriel déplore que des négociants rwandais et ougandais contrôlent l’essentiel des exportations de café de l’Est de la RDC du fait que la filière locale souffre du manque de financement pour mieux canaliser l’exportation. «Si l’Etat investit 15 millions de dollars dans la culture, à coup sûr, il gagne, à moyen terme, au moins 45 millions de dollars», fait savoir Motayo. Cela ne compte pas, malheureusement, parmi les options de l’Etat…même à moyen terme. La part du secteur agricole dans le budget 2016 était de 8%. Elle devrait se rétrécir suite à la récente révision à la baisse du budget de l’Etat de 8 à 6 milliards de dollars.
Banques et cultures pérennes.
Dans son speech de la rentrée parlementaire, le président du Sénat, Léon Kengo, avait justement déploré le fait que les cultures pérennes étaient curieusement laissées à l’abandon alors qu’elles rapportaient, il y a quelques décennies, jusqu’à 45% des revenus de l’Etat en monnaies. Le sénateur Mokonda Bonza y est revenu dans sa question orale posée, début juin 2016, au Premier ministre. Matata Ponyo y a réservé une suite plutôt évasive sur le plan numéraire. Pourtant, dans le cadre du programme du Cadre intégré renforcé, CIR, les partenaires traditionnels de la RDC dont la FAO, le PNUD, l’USAID et l’ONUDI, se sont engagés à soutenir la relance de la production de l’huile de palme, appelée or orange du fait de sa demande qui va crescendo sur le marché mondial. Première étape, le Kongo Central, dans le Mayumbe. Ici le projet a nécessité 4.359.080 dollars. Alors que le CIR a décaissé plus de la moitié du montant requis, soit 2.661.080 dollars, le gouvernement r-dcongolais s’est engagé à ne verser que 237.000 dollars ! Et le reste, soit 1.461.000 dollars, c’est aux bénéficiaires de le trouver. Qui sont-ce ? De petits producteurs familiaux qui n’ont pas accès aux crédits bancaires, ont déploré des associations paysannes lors de la dernière foire agricole de Matadi, soutenue par l’organisme néerlandais de développement, SNV. Hélas, l’appel lancé aux banques et autres investisseurs nationaux et étrangers à soutenir l’agriculture en RDC, à travers le Programme national d’investissement agricole, PNIA, lors du dernier forum agri-business (mars 2015) n’aura vraisemblablement eu qu’un écho limité. «C’est au gouvernement d’en manifester avant tout l’intérêt», fait comprendre cet ingénieur agronome, « voilà pratiquement 5 ans que le projet de la relance de la Banque des crédits agricoles a été annoncé…mais rien n’est venu». La création d’une banque agricole fait, en effet, partie des 28 mesures dites urgentes prises par le gouvernement lors du conseil extraordinaire des ministres du 26 janvier2016. Près de six mois après, la décision prise en mode « urgence » semble plutôt avoir été renvoyée dans les moyens et longs termes. M. Leny Ilondo, auteur d’un article scientifique, intitulé « RD Congo : éviter un risque financier systémique », propose plutôt que le gouvernement et la BCC accordent aux banques commerciales des allègements substantiels pour soutenir leur déploiement consécutif au processus de bancarisation, d’autant plus que le démembrement des provinces et la montée de leur autonomie nécessiteront des investissements additionnels pour ces banques.
Coup de pouce des institutions financières internationales.
Dans l’entre-temps, le FIDA, Fonds international de développement agricole des Nations Unies (FIDA), s’est engagé d’octroyer un financement de 33,8 millions de dollars à la RDC dans la cadre du Projet d’appui au secteur agricole dans la Province du Nord-Kivu (PASA-NK). Cette aide financière vise singulièrement à soutenir la production, la transformation et la commercialisation du maïs, du riz, de la pommes de terre et du café arabica.
La Banque mondiale et la Société financière internationale, SFI, parachèveraient déjà d’identifier des projets agricoles à financer, selon Jamal Saghir, conseiller principal Régional au Bureau du vice-président/ Région Afrique, pour un montant de 100 millions de dollars.
La BAD, Banque africaine de développement, a un projet agricole ciblant uniquement des jeunes agriculteurs pour un montant de 35 millions de dollars devant débuter en août 2016.
Force est de constater que même les cultures maraîchères et vivrières deviennent l’affaire de gros industriels expatriés, s’insurge Cléophas Mbenga, maraîcher sur le site de Kingabwa-Ngwele. Il soutient que les pouvoirs publics laissent les sites maraîchers à la merci des promoteurs immobiliers. Au ministère de l’Agriculture, l’on soutient, bien au contraire, que le gouvernement avait décaissé près de 15 millions USD pour la relance de la production vivrière entre 2011-2012. Quelque 3.700 tracteurs ont, en effet, été distribués à travers les onze provinces de l’époque.
Vivement des crédits aux maraîchers.
Mais ces engins sont plutôt tombés entre les mains des politiques, a admis le ministre de l’Agriculture, Kabwe Mwewu. La complaisance sinon la complicité des gouverneurs des provinces, a fait comprendre Kabwe, a permis ces forfaits. « Ce qu’il nous faut, c’est l’accès aux crédits. Hélas, autant que les banques, même les institutions des micro-finances se montrent plutôt réticentes à nous accorder une ligne des crédits…peut-être parce qu’on ne prête qu’aux riches, comme dit un adage.», déplore-t-il. Lors de sa dernière visite de travail en RDC, fin août 2015, le directeur général de l’institut International de l’agriculture tropicale (IITA), Nteranya Sanginga, avait également fait état des difficultés des agriculteurs à obtenir des crédits bancaires. « Nous devons faire l’agriculture comme un “business” et quand les gens comprendront que dans l’agriculture il y a l’argent, ils vont commencer à le faire», a-t-il déclaré. «Il est possible de faire une activité agricole moderne, rentable et qui permette de créer des revenus pour des populations », a indiqué Max Muland, directeur général adjoint de Kitoko Food.
En R-dCongo, grâce à l’agriculture, le coefficient de Gini – qui est en fait la mesure classique du degré d’inégalité – est assez bas. Le pays est, en effet, passé de 10 millions de cultivateurs, selon un rapport du PNUD, à plus de 15 millions de cultivateurs. Selon la Banque mondiale, l’agriculture représente plus de 40 % de BIP. Des chiffres qui ont tout l’air de bois mort, quand dans la plus riche région de la RDC, au Katanga, l’on doit encore importer de la farine de maïs, à prix fort, pour se mettre à l’abri de la famine.
POLD LEVI