Dans la perspective des assises internationales sur l’habitat prévues courant 2016 à Quito, en Équateur, 20 ans après celles tenues à Istanbul, en Turquie, le forum national sur les villes a validé, fin 2015, le rapport de l’habitat III. Pour mémoire, « Espaces publics pour tous » et « équipements publics dans nos villes » ont constitué les thèmes principaux de la journée internationale de l’habitat 2015.
Sur le plan national, le thème de cette journée était «Protégeons les équipements publics dans nos villes». Huit principales priorités ont été définies dans le rapport Habitat III. Il s’agit notamment de la réduction de l’occupation incontrôlée de terrains en milieu urbain, de la lutte contre la prolifération de bidonvilles, du financement de logements sociaux, de l’aménagement de terrains à des coûts adaptés aux revenus de la grande majorité de la population démunie et à niveau intermédiaire. L’engagement du ministère consiste également en l’amélioration de l’environnement urbain, en la création d’emplois pour les jeunes, en la promotion du statut de la femme et de la jeune fille, en l’aménagement du territoire et en l’organisation de la planification urbaine. Le ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et de l’Habitat, Omer Egwake Yangembe, a révélé que la population urbaine de la RDC, autrefois estimée à 11%, est passée à 40% en 2011. Selon le ministre, le secteur de l’habitat a des effets négatifs visibles, entraînant des dépenses publiques importantes qui méritent d’être revues à la hausse dans les années à venir afin de faire face à la croissance démographique.
Les Nations Unies projettent à 45 millions, la population vivant dans les agglomérations urbaines à l’horizon 2025. Cette croissance ne s’accompagne pas de l’augmentation des équipements collectifs et des infrastructures de desserte, a-t-il noté, soulignant au passage que la superficie urbanisée de la ville de Kinshasa a atteint 60 000 hectares. La politique nationale en matière d’urbanisme vise l’ensemble du territoire national en vue d’atteindre le taux de 70% dans les vingt années à venir. Elle consiste également à mettre en valeur de grandes zones de peuplement pour une amélioration des conditions de vie de la population, son épanouissement et la satisfaction à ses besoins. Pour y arriver, son ministère préconise la création des métropoles d’équilibres, l’aménagement spatial des campagnes par la création des pôles rurales de développement, la rationalisation et la planification du sol urbain, la consolidation du code de l’habitat existant en attendant celui de l’urbanisme en chantier, ainsi que la promotion et la formation des sociétés d’aménagement urbain.
Le Représentant-résident du système des Nations Unies au Congo, Mamadou Diallo a appelé le gouvernement à s’intéresser aux bidonvilles où la population a les mêmes aspirations et préoccupations que celle qui vit dans les villes urbanisées. « Les grands joueurs de Daring, de Vita-club et les grands musiciens sont sortis de ces bidonvilles », a-t-il illustré son propos. Diallo a reconnu que la ville de Kinshasa a connu un développement rapide ces dix dernières années notamment dans le domaine des infrastructures et des espaces, avant d’indiquer que le gouvernement a des défis à relever face à la dégradation des équipements et aux difficultés de transport. Les quartiers périphériques ont besoin de l’assistance du gouvernement pour leurs améliorations, a-t-il déclaré.
Les participants au forum national sur les villes se sont réjouis de l’engagement du Congo de prendre en charge la problématique de l’habitat III ainsi que des perspectives pour la réduction de la pauvreté. Ils ont souligné que l’urbanisation apporte des opportunités, indiquant qu’on ne peut pas parler de la production sans marchés. Les villes connectées transforment la vie et deviennent un cadre idéal pour la population. Ils ont appelé le gouvernement à prendre des dispositions adéquates pour faire face à la démographie urbaine estimée à 50% dans l’avenir, avant d’indiquer que le poids démographique des villes engendre plusieurs problèmes, notamment le logement, le transport, les hôpitaux et les écoles.
Pour sa part, le Secrétaire Général à l’Aménagement du Territoire, à l’Urbanisme et à l’Habitat, Thérèse Bafalanga Atosa, a préconisé une gestion inclusive des villes pour un bon aménagement urbain avant d’annoncer la mise en place prochaine d’un comité urbain de l’habitat qui sera constitué des autorités locales, des ONG, des syndicats du secteur, des universitaires, des chercheurs, des confessions religieuses, de la population autochtone, des parlementaires, du secteur privé, des ASBL, des organisations autonomes, des institutions financières, des jeunes et des femmes. Cette annonce tardive s’inscrit dans le cadre de la Résolution 24/14 du Conseil d’administration d’ONU-Habitat. Ce dernier recommande que les comités nationaux pour l’habitat soient totalement ouverts aux représentants du gouvernement, de la société civile, du secteur privé, des institutions universitaires et de recherche et à toutes les autres parties prenantes concernées.
Défis et problèmes futurs
Les défis et les problèmes futurs pourraient être abordés dans le cadre d’un nouveau programme pour les villes. Quelques-uns de ces challenges portent sur la gestion de l’urbanisation rapide, la gestion des liens entre zones rurales et zones urbaines, l’analyse des besoins des jeunes citadins, les mesures à prendre pour répondre aux besoins des personnes âgées, la prise en compte du genre dans le développement urbain… L’économie urbaine, l’amélioration du financement municipal ou local, le renforcement et l’amélioration de l’accès au crédit au logement, le soutien au développement de l’économie locale, la création d’emplois et de moyens de subsistance décents, l’intégration de l’économie urbaine dans la politique de développement national sont autant de défis.
Les villes nouvellement créées au Congo manquent de tout ou presque. Mwene-Ditu et Tshikapa, pour ne prendre que ces exemples, se transforment aussitôt en vastes lacs dès que la pluie tombe. Leurs habitants affirment non sans humour compter parmi les meilleurs athlètes du pays de saut en longueur. Alors que les populations éprouvent encore des difficultés à se loger décemment, les pouvoirs publics multiplient des projets qui, pour la plupart, sont demeurés lettre morte. L’on ne saurait toutefois nier le démarrage de certains chantiers dans quelques villes, surtout dans la capitale où des logements insuffisants ont été construits sur des milliers initialement promis. On peut citer La Cité du Fleuve, La Cité Kabila dans la commune de Bandalungwa, celle de la SNEL dans la commune de Ngaliema et quelques dizaines de logements sociaux construits à l’initiative d’Olive Lembe, l’épouse du président Kabila.
Toutefois, la plupart de ces logements sont hors de portée du Congolais lambda. À la Cité de rêve, une villa se négocie à 350 voire 450 mille dollars. La Cité du Fleuve propose un appartement à 300 mille dollars et exige un acompte de 50 mille dollars. Alors que les populations éprouvent d’énormes difficultés à se loger décemment, on assiste à une multiplication de projets qui, pour la plupart, sont détournés de leur destination première.
Pour rectifier le tir, il faudra avant tout, assainir le cadre de vie des populations, alors que plusieurs localités du pays sont dépourvues d’équipements de base. Le Congo ne peut pas se plaindre de l’insuffisance d’espaces publics constatée dans d’autres pays du continent. L’État œuvre à lutter contre la multiplication des bidonvilles et des quartiers précaires, mais le renforcement de l’offre de logements nécessite une révision en amont du cadre institutionnel et règlementaire, ainsi que la mise en place d’un environnement des affaires capable d’attirer un important flux de capitaux privés. Comme quoi, jusqu’ici, tout reste à l’état de projet, alors que d’aucuns, plus réalistes, estiment déjà que le plus gros échec du quinquennat en cours sera nécessairement celui de l’habitat et du logement.
NADINE KINGOMBE