La veuve d’un fils d’un ex-officier général et Premier ministre sous Mobutu négocierait la «vente » à un puissant opérateur économique libanais de la place les créances de son défunt mari. Lassés des engagements toujours non tenus, nombre des fournisseurs de l’Etat négocieraient la cession de leurs créances…à des fonds vautours locaux : ministres, sénateurs, députés…hommes d’affaires expatriés présumés proches du régime.
Pourtant, selon ce haut cadre de l’ex-Ogedep (Dgdep), la cession de la dette intérieure n’est pas admise en RDC. « c’est une question de rapports de force, d’influence…un coup de téléphone, voire un texto peut dénouer des situations restées longtemps bloquées», fait, par contre, comprendre cet ancien pétrolier reconverti dans l’horeca. «Les transferts des créances sont monnaies courantes », ajoute-t-il. De lui, l’on apprend que la société IBM, par exemple, se serait fait payer ses prestations pour le compte de l’Etat grâce à Kongolo Mobutu qui avait repris le dossier en mains. Autres temps, autres mœurs… non res nova, sed nove.
Matata porte l’ardoise à 53 millions $
En dépit de la crise dans le secteur des mines et du pétrole d’où il tire l’essentiel de ses recettes, le gouvernement veut cependant payer «une fraction de la dette intérieure». L’expression a été reprise dans le dernier Journal officiel qui publie la loi des finances publiques 2016. En chiffres, c’est 50 milliards de FC, soit 53.763. 440,8 dollars.
Ce n’est donc plus 3 millions de dollars comme Le Maximum l’indiquait dans son édition n°324. Le gouvernement a plutôt prévu plus de 50 millions de dollars, dans le cadre de l’exercice budgétaire 2016, au titre de la dette intérieure. Il sera donc question d’opérer un tri. Ce n’est un secret pour personne, les fournisseurs locaux sont conviés à revoir au rabais leurs créances en vue d’un paiement. Ce qui, selon nos sources, ne va pas sans grenouillages, maquillages ou canailleries du genre « c’est à pendre ou à laisser».
Commissions et opérations retour.
Mais loin de rassurer le «Club de Kinshasa» ou le Collectif des fournisseurs de l’État, la nouvelle enveloppe du gouvernement a tout l’air d’un attrape-nigaud… encore une fois. En 2014 déjà, quelque 80 milliards de FC, soit plus de 85 millions de dollars, avaient été affectés au paiement de la dette intérieure. Mais hélas, de source proche des patronats locaux, les intéressés n’ont rien perçu. En 2015, des crédits de 85 milliards de FC, soit près de 90 millions de dollars ont derechef été prévus dans le budget. Paiement : RAS, rien à signaler. Dans l’entre-temps, le gouvernement honore tous ses engagements sur la dette extérieure.
En 2014, plus 175 milliards de Fc, précisément 178.382.619.000 FC soit près de 195 millions de dollars. Et en 2015, plus de 150 milliards de Fc (nettement 151.806.650.000FC) soit plus de 165 millions de dollars. Pour l’exercice 2016, le gouvernement a alloué 147, 1 milliards de FC, soit un peu moins de 160 millions de dollars. Le gouvernement paie, en outre, des intérêts sur la dette extérieure : 95 millions de dollars (environ) en 2014, 85 millions de dollars en 2015. Et pour 2016, une enveloppe de près de 90 millions de dollars est prévue au titre de paiement de l’intérêt sur la dette extérieure contre moins de 55 millions de dollars pour les fournisseurs locaux.
Une affaire des drapeaux livrés à l’Etat, non payés par la primature.
Ils reprochent au gouvernement de faire main basse sur le paiement de la dette interne depuis huit ans. Influent membre de la FEC, cet opérateur économique katangais accuse la primature de mauvaise foi, rapportent nos sources. Pourtant, du temps d’Adolphe Muzito, il avait déjà perçu une bonne partie de ses créances. Face à son refus de renégocier le reste de sa facture, l’industriel attend toujours de se faire payer pour les drapeaux livrés à l’Etat. Depuis, soutiennent nos sources, les rapports entre la FEC et la primature sont plutôt en dents de scie, parfois sulfureux. Ces trois dernières années, les rapports annuels du patronat sur la situation économique du pays ont tout l’air des philippiques : la RDC est gérée comme une épicerie.
Intervenant sur Radio Okapi, un fournisseur local à qui l’Etat doit 404.000 dollars, a-t-il précisé, se plaint d’être tourné en bourrique voilà des années. Il dit résister à une demande de commission de 20% avant d’être désintéressé. C’est plutôt 40% de commission qui aurait été exigé à ce pilote, propriétaire d’une imprimerie qui du temps de la Conférence nationale souveraine produisait des documents pour le compte de l’Etat. Face à son refus de toute «opération retour», le pilote n’a rien eu…jusqu’à sa mort. Nombre de petites et moyennes entreprises (PME) appartenant à des nationaux ont dû mettre la clé sous le paillasson faute d’être payées par l’Etat. Les nationaux se plaignent que des opérateurs économiques étrangers soient payés, et souvent pour des dossiers jugés « juteux », avec facilité.
Plus de 1 milliard de dollars.
Dans les provinces, les créanciers sollicitent l’intervention du Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Évariste Boshab Mabuj, pour le paiement de leurs factures avant l’élection des gouverneurs des provinces issus du découpage territorial. L’encours de la dette intérieure est de plus d’un milliard de dollars, rapporte-t-on à la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Les créances ordinaires sur l’État se sont accumulées au fil des ans. Sous le cabinet Muzito, le gouvernement avait effectué, en 2009, un dépassement de 502% dans le paiement de la dette intérieure.
À l’Assemblée nationale, les avis sont partagés. Certains députés souhaitent que le gouvernement paie progressivement les créances qui ont été certifiées. Sur le plan économique, c’est connu, l’apurement de la dette intérieure apporte une bouffée d’oxygène à l’activité économique et à la consommation. D’autres proposent la mise sur pied d’une commission ad hoc avant tout paiement, dans les limites des moyens disponibles. Ils avancent que dans ce dossier, il y a à boire et à manger, d’autant plus que l’identification même de vrais créanciers et de la hauteur de leurs créances est problématique.
De vraies et des fausses dettes.
Dans tous les cas, estiment la majorité des députés, il faut lever une option dans l’intérêt général des Congolais. Toute dette intérieure ne l’est pas toujours du tout, explique un expert du département de la trésorerie de la Direction de la gestion de la dette publique. Il est des véritables dettes intérieures telles que les emprunts auprès des banques et des arriérés budgétaires résultant, par exemple, du non-respect des échéances de financement des travaux ou des services prestés pour le compte de l’État par des tiers. Les arriérés budgétaires ont été faussement transformés en dette intérieure. Les preuves des créances fictives sont archivées à la DGDEP. Elles concernent particulièrement des écoles, des ponts et autres infrastructures prétendument réhabilités à l’Est.
Les audits réalisés par Klynveld Peat Marwick Goerdeler (KPMG) et Price Water House Coopers ont souvent tourné à la routine. Naturellement, les deux cabinets ont certifié toutes les dettes sur base de simples documents. Pourtant, cette direction est le passage obligé pour les entreprises privées. C’est elle qui juge, sur base de données statistiques financières, si l’État ou une entreprise est capable de rembourser sa dette en respectant les échéances. Elle n’est plus associée à toutes les tractations financières engagées par l’État. Pourtant, explique un fonctionnaire de cette direction, il y a des dettes réclamées par des partenaires extérieurs qui sont fictives. Telles que l’électrification de la voie ferrée Matadi-Kinshasa et les turbines livrées par la firme belge ACEC de Charleroi dans le cadre du projet Inga II.
POLD LEVI