Ambiance de grogne, le 4 novembre dernier, devant les guichets des opérateurs GSM sur la Place commerciale 7me Rue Limeté. Aucun transfert d’argent n’est possible. Motif : «Même chez le voisin, ça ne marche pas». En fait, c’est la raison toute trouvée que ressasse volontiers, telle une récitation, le réceptionniste ou préposé de l’un et/ou l’autre opérateur aux abonnés. Le mobile banking ne rassure plus.
Et pourtant, après M-Pesa de Vodacom, Tigocash, Airtel-Money, voilà le concessionnaire GSM Orange qui se lance aussi dans l’aventure. Voilà qui expliquerait les couacs de ces derniers jours dans le système de mobile banking. Selon les explications d’un agent d’une entreprise GSM de la place, l’arrivée d’un nouvel opérateur dans le système a toujours entraîné des perturbations. Seulement, selon des témoignages, des perturbations dans le transfert d’argent et autres transactions via GSM datent de plusieurs semaines. L’encadrement timide, du reste tardif, de la Banque centrale du Congo, BCC, du mobile banking s’avère être simple cautère sur jambe bois. La BCC a, en effet, mis plus de 5 ans pour penser à réguler le «mobile money transfer», laissant ainsi échapper de substantiels revenus à l’Etat.
Selon une source proche de la CENAREF, Cellule nationale des renseignements financiers, sur tout achat, consommation…transaction opérée dans un supermarché, resto qui acceptent le paiement par le système précité instauré par les compagnies de téléphonie cellulaire de la place, le Trésor public devrait percevoir 0, 30% sur ledit marché. M-Pesa (Vodacom), Tigo cash, Airtel-money ont donc longtemps opéré en parfaite irrégularité… conséquence soit de la complicité sinon de la passivité des pouvoirs publics. D’aucuns n’écartent l’hypothèse selon laquelle le transfert d’argent via GSM aurait couvert des opérations de blanchiment des capitaux.
Même Aubin Minaku s’en est plaint.
Le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a, lors de son speech de la rentrée de mars 2015, fait part de « nombreuses requêtes et dénonciations » que de son bureau a reçues notamment sur les PT&NTIC. Pour ce faire, Minaku a exhorté ses pairs à « un contrôle systématique » du secteur des télécommunications et nouvelles technologies.
Avec 35 droits, taxes, redevances, les PT&NTIC, sont le second gros contributeur du budget de l’Etat, après les mines, en ce qui concerne les recettes non fiscales. L’apport des PT &NTIC au budget annuel se situe, en moyenne, autour de 12%. Pourtant l’Etat pouvait gagner gros s’il était plus regardant sur les transactions et autres pratiques des concessionnaires GSM de la place. Force est de constater que la manipulation de l’argent via le GSM s’effectue en totale violation de la réglementation en la matière en RDC. Elle n’a même pas été effleurée dans la nouvelle loi organisant les coopératives d’épargne et des micro-finances en RDC.
Hélas. Dans ce secteur, voilà des lustres que la tutelle promet d’installer un switch en vue de juguler la fraude manifeste sur les appels entrants pour lesquels l’Etat doit percevoir 0,05 dollars sur chaque minute d’appel. Dans sa présentation du budget 2014, le Premier ministre Matata Ponyo en avait fait encore une promesse. Hélas. Le ministère des PT &NTIC a plutôt conclu un contrat avec une firme présentée comme américaine, dont l’efficacité a été ouvertement remise en question par les concessionnaires GSM (Tigo, Vodacom, Airtel, Orange…) affiliés à la FEC.
Le bilan de l’entreprise Agelis-Télécom, chargée depuis plus de 2 ans par le gouvernement congolais de démanteler les Sim Box, est jugé insuffisant. A l’issue des concertations économiques clôturées lundi 2 mars à Kinshasa, il s’avère que la firme franco-américaine a démantelé moins de 2% de ce réseau mafieux consistant à transformer des appels longues distances venant de l’étranger en appel locaux, créant ainsi un important manque à gagner au trésor public en termes de taxes. Du côté des télécoms, on explique notamment la persistance des Sim Box par la présence de certains officiels congolais dans ce réseau mafieux.
Selon le contrat signé en novembre 2012 entre le gouvernement congolais et Agelis-Télécom, cette dernière est chargée de mettre fin à la fraude téléphonique qui, selon l’ex-ministre des PT-NTIC, Trymphon Kinkiey Mulumba, fait perdre chaque mois près de 12 millions de dollars américains au trésor public. En contrepartie, le gouvernement a accordé à Agelis-Télécom 3 centimes de dollars sur chaque minute entrant en RDC, soit 0,03 dollar américain.
Cependant, depuis plus de deux ans, Agelis-Télécom n’a démantelé que quatre réseaux Sim Box alors qu’il en existe une centaine, ont déploré les opérateurs de téléphonie cellulaire lors des assises des Concertations économiques, début mars 2015. Deux de ces Sim Box démantelés étaient installés à Macampagne et au quartier GB, dans la commune de Ngaliema; et deux autres dans la commune de la Gombe, précisément au niveau de Batetela, et derrière l’hôtel de ville de Kinshasa. Selon certains opérateurs téléphoniques, deux raisons sont la base de l’inefficacité d’Agelis-Télécom : d’abord, ses équipements détecteraient ces appels entrants en retard, ensuite, l’entreprise buterait contre la même pesanteur officielle que rencontrent trop souvent ces télécoms. Pourtant, ces opérateurs téléphoniques assurent savoir où se trouvent ces Sim box, mais se disent incapables de les démanteler. A demi-mots, les concessionnaires GSM ont insinué que cette mafia bénéficieraient de la complicité des certains officiels congolais qui brassent ainsi frauduleusement de millions de dollars au détriment du Trésor public.
POLD LEVI